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La rétrospective renversante de Georg Baselitz au Centre Pompidou

31 octobre 2021
Par Félix Tardieu
Georg Baselitz, Dresdner Frauen [Femmes de Dresde – L’Elbe], 1990
Georg Baselitz, Dresdner Frauen [Femmes de Dresde – L’Elbe], 1990 ©Georg Baselitz, 2021

Le Centre Pompidou consacre une grande rétrospective à l’inclassable Georg Baselitz, un des artistes les plus subversifs de la seconde moitié du XXe siècle, qui s’est rendu célèbre pour ses peintures d’une violence à la fois formelle et symbolique.

Cette exposition chronologique couvre plus de soixante ans de la carrière de George Baselitz, artiste allemand né en 1938 à Deutschbaselitz, dont les œuvres sont profondément marquées par les affres de la guerre et sa révulsion quasi organique pour l’idéologie, de son enfance sous le régime national-socialiste à son adolescence en RDA (République démocratique allemande). L’exposition commence au début des années 1960, à une époque où Baselitz découvre l’avant-garde européenne et l’expressionnisme abstrait (importé des États-Unis) et se nourrit entre autres de l’œuvre de Willem de Kooning. Le début de l’exposition coïncide alors avec la « naissance » de l’artiste Baselitz – de son vrai nom Hans-Georg Kern – qui procède d’une transgression qui sera toujours présente son œuvre.

Georg Baselitz, Die Mädchen von Olmo II [Les Demoiselles d’Olmo II], 1981 © Georg Baselitz © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Bertrand Prévost / Dist. RMN-GP

Alors qu’il commence à étudier à Berlin-Ouest à la fin des années 1950, sous un régime qui proscrit l’abstraction et impose le « réalisme socialiste », Georg Baselitz franchit la frontière et part étudier à Berlin-Ouest : dans une Allemagne plus divisée que jamais, il adopte le surnom de Georg Baselitz en août 1961 (au moment de la construction du Mur de Berlin), du nom de son village natal à présent de l’autre côté du mur. Prend alors forme une œuvre anticonformiste, malade, crue, qui ne tarde pas à créer le scandale, à l’instar de La Grande Nuit foutue (1962-1963), sorte d’exhumation de la figure hitlérienne contre le refoulement collectif, qui lui vaudra un procès pour atteinte à la pudeur. 

Georg Baselitz, Die große Nacht im Eimer [La Grande Nuit foutue] © Georg Baselitz, 2021

Une exposition sens dessus dessous

Ses toiles ne cesseront ensuite de dépeindre l’empreinte néfaste de l’idéologie sur l’individu, en représentant des corps volant en éclats ici et là, de ses autoportraits à la série des Héros. En 1969, il signe un nouveau coup d’éclat en renversant littéralement le motif de ses tableaux. Son premier tableau renversé est inspiré d’une toile de Louis-Ferdinand von Rayski, dont il reproduit le motif tête en bas. Par ce nouveau modus operandi, Baselitz ouvre la voie à de nouvelles expérimentations sur la peinture en elle-même, reléguant le motif au second plan. Ce renversement deviendra dès lors un signe distinctif de son art. Transgression, renversement, l’identité artistique de Baselitz est là.

Le retournement est le meilleur moyen de vider ce que l’on peint de son contenu (…) Le fait de renverser le motif me prouva que la réalité est l’image. Ainsi j’ai pu me tourner vers la peinture en soi.

Georg Baselitz

Dans ses œuvres plus tardives, l’artiste allemand se rapproche de l’expressionnisme abstrait, tout en entamant un travail de sculpteur qui déclenche de nouveau la polémique à l’image de Modèle pour une sculpture, présenté pour la première fois à la Biennale de Venise en 1980, dont la forme rappelle le salut nazi. A cette époque, Baselitz est un artiste internationalement reconnu. Il continue sans relâche son exploration des formes, des souvenirs, dans des tableaux de plus en plus abstraits, de plus en plus monumentaux. S’en suivra notamment le cycle Remix, entamé en 2005, où l’artiste dialogue sur la toile avec ses influences et ses propres créations. Les œuvres récentes, résolument moins provocantes, confirment un virage plus intime, centré sur soi, sur ses souvenirs d’enfance, sa jeunesse, son couple, sur les corps qui vieillissent et s’enfoncent dans l’oubli. 

Georg Baselitz, Bildneunundzwanzig [Tableau-vingt-neuf], 1994 ©Georg Baselitz, 2021

À noter que son entrée à l’Académie française des Beaux-Arts en qualité de membre associé étranger a été célébrée par l’installation de sa sculpture monumentale Zero Dom, haute de neuf mètres, sur le parvis de l’Institut de France, où elle trônera jusqu’à la fin de la rétrospective au Centre Pompidou. Un hommage à la hauteur de l’immense artiste qu’est Georg Baselitz.

© Courtesy of Thaddaeus Ropac

Infos pratiques
Baselitz – La rétrospective, Centre Pompidou (Paris 4e), du 20 octobre 2021 au 7 mars 2022 – Tous les jours de 11h à 21h, fermé le mardi – Billetterie par ici

Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste