Créés à l’aide de l’intelligence artificielle, ces avatars offrent plusieurs avantages aux marques et entreprises, mais ils sont loin d’être parfaits.
Ils semblent réels, mais ils sont loin de l’être. Ils, ce sont les influenceurs virtuels, qui existent depuis plusieurs années, mais qui ressemblent de plus en plus à des humains grâce aux progrès de l’intelligence artificielle (IA). Ils rencontrent rapidement du succès sur les réseaux sociaux, sont suivis par des milliers d’utilisateurs et attirent de nombreuses marques. À l’heure où les vrais influenceurs font l’objet de critiques – certains se livrant à des pratiques commerciales trompeuses ou faisant la promotion de produits néfastes –, la question se pose de savoir si ces créations virtuelles peuvent les remplacer.
Plusieurs avantages pour les marques
Régulés depuis peu, les influenceurs peuvent poser problème aux marques qu’ils représentent (et vice versa, mais c’est un autre sujet). L’agence The Clueless a par exemple décidé de créer une influenceuse IA appelée Aitana Lopez, alors qu’elle traversait une période difficile. « Nous avons commencé à analyser notre façon de travailler et avons réalisé que de nombreux projets étaient suspendus ou annulés en raison de problèmes indépendants de notre volonté », avait expliqué son designer Rubén Cruz à Euronews, précisant que c’était souvent la faute de l’influenceur ou du mannequin.
À la suite du succès de son influenceuse virtuelle, plusieurs marques ont contacté l’agence pour avoir leur propre modèle personnalisé. Là où ces dernières peuvent être contraintes de licencier un influenceur, les créateurs de ces personnages numériques contrôlent tout : la manière dont ils s’habillent, dont ils parlent, dont ils se comportent, et même leur personnalité.
Ils sont aussi plus abordables, notamment pour les petites entreprises qui ne peuvent pas se payer des Kim Kardashian. « Les influenceurs sont assez capricieux, ils sont assez chers, on doit les déplacer en avion en première classe et ils viennent avec leur staff, donc ça coûte très cher », indique Stéphane Galienni, cofondateur et directeur de l’agence et bureau des tendances BLSTK, à l’origine de l’Incognito Influencer Project.
Il s’agit d’un proof of concept dans le cadre duquel il a créé un clone virtuel de lui qui a assisté aux défilés de la Fashion Week à la rentrée. Publiant des images de cette réplique sur Instagram et LinkedIn, il a rapidement rencontré du succès, avec des centaines de likes et de commentaires en un mois. « C’est un projet qui me permet d’expérimenter ce que c’est d’être un influenceur virtuel et de voir quels sont les enjeux et les limites pour les marques », explique Stéphane Galienni. Son double numérique lui a ouvert plein de portes : il a participé à des conférences, ainsi qu’à la première Fashion Week de l’intelligence artificielle.
Des influenceurs virtuels (trop) réalistes
Les influenceurs virtuels impressionnent par leur réalisme, leur aspect artificiel étant beaucoup moins visible que les premières créations comme Lil Miquela, qui est la plus célèbre. Ce réalisme est pourtant problématique. Leurs créateurs ont beau préciser dans leur biographie qu’ils ne sont pas réels, tout le monde ne remarque pas toujours cet avertissement. Si certains se demandent dans les commentaires s’il s’agit d’une véritable personne, d’autres le pensent vraiment. Ayant identifié plusieurs de ces créations aux États-Unis, en Chine et en Europe, Stéphane Galienni précise qu’il a pu le faire uniquement parce que leur caractère artificiel était mentionné.
« Pour des raisons de droit d’auteur et de droit à l’image, j’ai pris ma propre identité, mais j’aurais pu prendre le visage d’Emmanuel Macron ou du pape en Balenciaga. Dans six mois, il va y avoir des centaines de milliers d’influenceurs virtuels sur la Toile et, si les gens ne sont pas clairs dans leur biographie, on peut très bien, sans le savoir, suivre une influenceuse virtuelle qui va au Festival de Cannes, est habillée en Dior, etc., mais qui est complètement fake », prévient le directeur de BLSTK.
Les influenceurs bientôt remplacés ?
À ce problème s’ajoute le risque que ces influenceurs virtuels, qui sont surtout des influenceuses, portent préjudice à la santé mentale des jeunes avec leur apparence. « Les modèles que j’ai observés sont très orientés “bimbo” ou du moins, ce sont de jolies filles. Je suis à peu près le seul homme. Je n’ai pas encore vu d’alter ego masculin, beau gosse, musclé, etc., mais ça risque d’arriver bientôt », estime Stéphane Galienni.
Selon lui, les influenceuses très sexualisées, comme Aitana, sont développées dans le seul objectif d’attirer les marques pour créer des partenariats et gagner de l’argent. « Il y a une sorte de nouvelle tendance : des gens, par appât du gain ou de notoriété, vont créer de faux influenceurs de toutes pièces, mais avec un niveau de réalisme qui est un peu au-dessus de ce qu’on avait vu en 2016 avec des influenceurs virtuels 3D », alerte-t-il.
« À un moment donné, ces influenceurs IA vont pulluler sur Internet et le public ne va pas suivre ».
Stéphane GalienniDirecteur de BLSTK
Malgré ces dérives, le directeur de BLSTK voit l’IA comme une opportunité de « créer un personnage purement photogénique, avec une vraie personnalité, une histoire à raconter et qui peut servir les marques » : « On peut très bien imaginer que demain, on crée une influenceuse qui a un discours sur la santé mentale ou ce genre de choses », assure-t-il.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il ne pense pas que les influenceurs virtuels vont remplacer les vrais influenceurs. « Les influenceurs qui restent sont ceux qui sont authentiques, qui ont une histoire à raconter, ceux qui prennent la parole (…), alors que les modèles IA qu’on a pu voir jusqu’ici sont purement des pinups », souligne Stéphane Galienni. Selon lui, ces créations, bien que populaires, ne vont pas faire long feu, car d’autres vont arriver et faire le buzz. « À un moment donné, ces influenceurs IA vont pulluler sur Internet et le public ne va pas suivre », conclut le directeur de BLSTK.