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Les Français et les séries : « L’effet fédérateur de la télévision avec des séries comme Dallas se craquèle »

20 octobre 2021
Par Agathe Renac
Game of Thrones est l'une des séries préférées des Français.
Game of Thrones est l'une des séries préférées des Français. ©HBO

Les sociologues Clément Combes et Hervé Glevarec ont mené la première enquête d’ampleur sur notre rapport aux séries. Dans Séries, ils s’interrogent sur les habitudes de visionnage des Français.

L’objectif : analyser les pratiques des français concernant les séries télévisées. Clément Combes et Hervé Glevarec sont sociologues et chercheurs au CNRS. Entre le 14 juin et le 19 juillet 2017, ils ont mené une enquête sur un panel de 2439 Français, représentatifs de la population adulte métropolitaine. Habitudes, préférences, support… Ils ont tout décrypté et renseigné les résultats dans Séries, un ouvrage sur cette enquête inédite. Ce dernier se compose de quatre grandes parties : nos pratiques et habitudes en matière de consommation, notre rapport aux séries, la structuration des programmes cités et nos goûts, à partir de l’analyse des shows préférés, rejetés et abandonnés. Quelles sont les séries les plus regardées ? À quelle fréquence ? La télé va-t-elle mourir avec l’arrivée des plateformes ? Les sociologues ont étudié le phénomène.

9 personnes sur 10 ont regardé une série dans leur vie

Premier constat des chercheurs : la télévision n’est pas morte. En effet, les trois quart des Français qui regardent des séries le font au moins une fois par semaine sur leur télé et 40% le font tous les jours. Dans une interview, Clément Combes explique à France Inter que « on disait la télévision morte mais elle ne l’est pas du tout, à la fois comme écran et comme média. À l’échelle de l’histoire, oui, elle perd clairement du terrain. Mais on est loin de la révolution annoncée de la TV qui disparaîtrait. » Le principe de séries n’est pas nouveau et était déjà apprécié à la radio ou dans la presse du XIXè siècle. La vraie actualité n’est pas l’attrait des Français pour le genre mais le regard qu’ils portent dessus. Le sociologue révèle que les séries ont longtemps été dévalorisées mais dans les années 2000, tout a changé. « Avant c’était difficile d’en parler car on pouvait se faire juger. Aujourd’hui, il est de bon ton, même dans les catégories très diplômées, de parler de certains programmes. » En 2017, 91% disaient avoir suivi au moins une série ou un feuilleton dans leur vie.

Parmi 889 séries, Grey’s Anatomy figure dans le top 3 des sondés.©ABC

Les femmes sont les premiers consommateurs en France

Les sociologues ont remarqué des différences de consommation en fonction des profils. Par exemple, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à regarder des séries : une Française sur trois en regarde quasiment tous les jours, contre moins d’un quart des Français. De la même manière, les goûts sont différents selon les âges. Si les plus jeunes regardent des programmes fantastiques, comiques, de science-fiction et des thrillers, les plus âgés sont plutôt attirés par les séries policières, historiques et patrimoniales. Sans surprise, les plus jeunes les consomment sur Internet (plateformes de streaming et de téléchargement) tandis que leurs aînés restent fidèles à la télévision. « Un autre critère est le diplôme et le milieu socio-professionnel. Les diplômés d’âge moyen s’intéressent plutôt aux séries politiques, voire géopolitiques. Dans les catégories plus populaires, on retrouve plutôt des séries romance, policières, diffusées sur la télévision privée comme M6 et TF1. »

Grey’s Anatomy et Game of Thrones dans le top 3

Grey’s Anatomy, Games of Thrones, et Plus belle la vie sont les séries préférées des Français (parmi 889 programmes cités). Cependant, elles ne sont communes qu’à 10% des spectateurs, peu de sondés ayant vu les trois. Clément Combes parle d’un effet de dispersion qui s’explique par la multiplication de l’offre. « L’effet fédérateur de la télévision, de certaines séries comme Dallas il y a une quarantaine d’années, se craquèle. » Contrairement aux idées reçues, il affirme que Netflix n’a pas révolutionné les habitudes de visionnage. Les pratiques étaient déjà existantes, notamment sur les plateformes de streaming et de téléchargement. « Le fait de disposer d’un catalogue large, qui outrepasse celui proposé par la télévision, permet de délinéariser sa pratique (regarder quand on veut, binge-watcher…). Mais en 2008, je le voyais déjà avec des sites comme Megaupload. » Pas de grande révolution, donc, mais des tendances et des pratiques qui se confirment.

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Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste
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