Entretien

Pablo Mira pour Passé simple : “Ça me fait du bien d’être un peu plus moi-même sur scène et de partager ma culture”

16 octobre 2023
Par Lisa Muratore
Pablo Mira présente actuellement au Palais des glaces, à Paris, son spectacle “Passé simple”.
Pablo Mira présente actuellement au Palais des glaces, à Paris, son spectacle “Passé simple”. ©Audoin Desforges

Pablo Mira est de retour avec un nouveau spectacle intitulé Passé simple. À l’occasion de sa première au Palais des glaces, à Paris, L’Éclaireur a rencontré l’humoriste.

Pourquoi avoir choisi de faire un spectacle qui prend pour sujet les années 1990 ? Est-ce par nostalgie ?

Plus que par nostalgie, j’avais vraiment envie de faire un spectacle qui parle de cette période en particulier. Cela suit l’idée que j’avais déjà mise en place dans le format En deux deux, que j’avais mis au point pendant le confinement. C’était un format web dans lequel je résumais plusieurs choses : de l’actualité, de la pop culture… Tout ce qui me passait sous la main et qui pouvait faire une histoire et donner des punchlines.

Naturellement, avec mon co-auteur, on s’est rendu compte qu’on parlait énormément des années 1990. Il y avait beaucoup de références aux dessins animés, aux séries et à la musique de cette décennie et que ça nous plaisait énormément. Ça a été une période charnière, de mon enfance à mon adolescence. Elle m’a permis de me constituer en tant qu’individu et sur ma façon de voir le monde. 

Pablo Mira nous embarque dans les années 1990. ©Audoin Desforges

J’ai compris que j’étais passionné par ce qui s’était passé pendant les années 1990 et que je n’avais pas trop l’occasion, que ce soit en radio ou en télé, d’en parler. J’avais envie de faire un spectacle sur les années 1990 avec un angle un peu pop culture, mais aussi de porter un regard social ou sociétal sur cette période-là.

Est-ce important de revenir à un spectacle plus intime après avoir incarné un réac’ dans votre précédent spectacle ? 

Je voulais éviter de tomber dans deux postures. La première, c’est le fameux “c’était mieux avant” et la deuxième, c’était le « c’était vraiment moins bien avant ». Je n’avais pas envie de jeter un constat qui ne serait pas nuancé. J’essaie plutôt de faire un travail d’inventaire et d’y aller sans esprit manichéen.

Je crois vraiment que notre rapport à la technologie, comme je le dis dans le spectacle, était peut-être un peu moins excessif ou dangereux. Mais il y a plein d’autres choses, par exemple, l’approche des différentes sexualités qui, dans les années 1990, étaient moins informées et renseignées. On avait une approche plus manichéenne des identités de genre. Pour le coup, je suis content que ça ait évolué.

C’est un peu le côté « on apprend en s’amusant » [rires]. L’intention initiale, c’était que les spectateurs repartent avec la sensation d’avoir appris quelque chose. Le but avec Passé simple, c’est qu’on passe un bon moment, qu’on rigole et qu’on s’aère l’esprit après le travail. Mais, sur le sketch des minorités sexuelles, si on a deux ou trois infos qui passent, c’est cool ! Après, ce n’est pas un cours ou un TED X, mais je voulais qu’il y ait un peu d’apprentissage. 

Selon vous, à quoi ça sert l’humour ? 

Je suis en train de revenir à quelque chose de très primaire, presque fondamental et viscéral du point de vue du public. J’essaie de ne pas trop intellectualiser ou “militantiser” le spectacle, car basiquement, un spectacle d’humour, ça doit permettre de passer un bon moment ensemble et de sortir de là l’esprit plus léger.

« Ça a été un vrai soulagement pour moi d’aller vers une culture qui m’est plus personnelle. J’abandonne ici mon personnage réactionnaire, conservateur et de mauvaise foi. »

Pablo Mira

J’essaie juste d’offrir ça aux gens, un truc très simple. Je ne veux pas parasiter le spectacle avec des mille-feuilles de messages et une réflexion. Je veux juste que les spectateurs se sentent légers et qu’ils aient passé un bon moment, qu’ils oublient leurs soucis pendant 90 minutes. Je veux revenir à cette essence fondamentale. J’essaie de ne pas être trop donneur de leçon et de ne pas m’enfermer dans une posture dans laquelle je suis le porte-voix des sans voix.

Outre le plaisir du spectateur, c’est aussi à vous que vous faites plaisir.

Oui ! Ça a été un vrai soulagement pour moi d’aller vers une culture qui m’est plus personnelle. J’abandonne ici mon personnage réactionnaire, conservateur et de mauvaise foi.

« Un spectacle, c’est fait pour se faire plaisir, mais pas qu’à soi. Il faut aussi que le public accroche. »

Pablo Mira

Ça me fait du bien d’être un peu plus moi-même sur scène et de partager ma culture, mais de voir aussi que les gens ont eu cette culture et que l’on a partagé des choses. Même si on ne se connaissait pas et qu’on ne se fréquentait pas, on a partagé des références. 

Le spectacle débute à peine sur scène. Quel effet cela vous fait-il ? Quels retours avez-vous du public ? Dans quel état êtes-vous avant de monter sur scène ? 

On commence la résidence parisienne avec des salles complètes. Les gens qui viennent me voir m’ont vu sur Quotidien, ils accrochent déjà à mon univers. C’est très cool et le public est très chaleureux. Je rentre sur scène en détente complète, avec le plaisir et l’envie d’y aller. J’ai quand même une chance assez dingue de faire ce métier, que je veux faire depuis que je suis adolescent. Je n’ai pas du tout le trac d’avant spectacle, car je suis tellement content de faire de la scène. 

Pablo Mira.©Audoin Desforges

Quel a été le plus gros challenge dans l’écriture du spectacle ? 

La difficulté principale, c’est que ça a été une écriture indirecte avec une thématique centrale qu’il fallait tenir du début à la fin. C’est un vrai challenge : tous tes sketchs doivent résonner avec la thématique dans les années 1990. Le rythme d’écriture de départ n’est pas exactement le même. Sur 1h30, tu dois varier le style d’écriture.

Pensez-vous faire évoluer votre spectacle au fur et à mesure des représentations ? 

Je pense que je l’ai déjà fait ! J’ai déjà dû supprimer 12 ou 13 minutes qui étaient des choses vraiment geek sur les jeux vidéos des années 1990, que j’adorais, mais qui étaient trop niches. Ça parlait à peu de personnes. Un spectacle, c’est fait pour se faire plaisir, mais pas qu’à soi. 

Il faut aussi que le public accroche. Je l’ai resserré pour que l’on ait vraiment des vannes qui prennent à chaque fois. Si je le modifie, je pense que ça sera pour rajouter des sketchs que j’affinerai au fur et à mesure.

Quel est le passage qui vous tient le plus à cœur dans Passé simple ? 

Il y a deux sketchs que j’aime beaucoup faire. Le premier, c’est celui sur la communauté LGBTQ+, car le rythme est bien et il y a une petite vertu pédagogique. Il y en a un autre que j’aime énormément, c’est celui sur les bonbons des années 1990, parce que c’est un sketch qui résonne vraiment auprès du public de façon inattendue. C’est celui qui réveille le plus la nostalgie chez les gens.

Pablo Mira.©Audoin Desforges

Je ne sais pas si c’est parce que c’est la mémoire gustative ou que ça renvoie à quelque chose de l’enfance, mais j’aime ce qu’il provoque chez les gens d’un point de vue émotionnel. Je l’aime bien aussi, car il me met dans une énergie agacée et émotionnelle. J’aime bien me mettre dans cet état-là, c’est jouissif. Ça a été une vraie surprise ! Je pensais que c’était la télévision qui allait le plus inspirer les gens. La télé était très forte à l’époque, et je croyais vraiment que c’était ce passage qui allait rassembler. 

À quel point le personnage que vous jouez sur scène est-il proche de vous ? 

La question à l’air simple, mais en réalité elle est très dure [rires]. Si je parlais sur scène tel que je le suis dans la vraie vie, ça serait vachement plus ennuyeux. Il y aurait peut-être de bonnes punchlines, quelques bons traits d’humour et de texte, mais la diction et la musicalité de la voix seraient moins spectaculaires.

Tu es obligé, quand tu es sur scène, de projeter plus d’énergie et de rentrer dans les pompes d’un personnage. Le mot personnage est peut-être trop fort. Du moins, j’incarne une espèce de clown, une version de moi-même un peu améliorée. C’est-à-dire que je pousse tous les curseurs. Évidemment, je ne suis pas comme ça dans la vie. Je ne suis pas à balle tous les jours, sinon je pense que je perdrais 7 000 calories par jour et que je serais en crise d’hypoglycémie à partir de midi [rires]. Il faut choper un état dans lequel tu es naturellement et pousser les curseurs pour que le spectacle soit spectaculaire et que tu puisses accrocher l’attention des spectateurs et des spectatrices. 

Il y a aussi une mise en scène avec les jeux de lumière, la musique, l’écran. Pourquoi ce choix ? 

Techniquement, si tu enlèves la mise en scène, c’est un spectacle de stand-up “classique” : je parle aux gens et j’évoque plusieurs sujets. C’est juste que je n’ai pas un micro dans les mains. Je trouvais ça un peu ennuyeux, donc j’avais besoin de le “pimper” et d’enrichir le spectacle de cette mise en scène.

Il se trouve que l’on est ici dans une thématique particulière avec des codes esthétiques qui ne sont plus ceux d’aujourd’hui, avec des éléments qui ont disparu de notre quotidien. Il fallait donc un support pour que les gens voient un peu de quoi on parle, pour qu’ils accrochent, pour qu’ils aient les images et les sons des choses. Il y a la mémoire sensorielle qui se réactive. J’essaie de faire un peu comme dans Quotidien, c’est-à-dire d’être pratique et esthétique. 

Vos références humoristiques vous viennent-elles des années 1990 ? 

C’est un peu à deux niveaux. Beaucoup de choses m’ont influencé dans les années 1990, comme Les Inconnus, Les Guignols de l’info, Groland et South Park. C’est de la satire très efficace en comédie, qui raconte quelque chose. Je pense aussi à Hot Shots!. Ça m’a vraiment nourri. 

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Il y a aussi les humoristes de scène comme Franck Dubosc et Élie Semoun. Ils m’ont marqué sur la fin de cette période. Après, ce ne sont pas toutes les références que je continue à consommer, à regarder, à écouter, mais elles m’ont vraiment forgé à ce moment-là de ma vie. 

L’envie de scène est-elle venue grâce à ces humoristes que vous citez ? 

Oui, bien sûr ! Après, le grand drame de ma vie, c’est que l’envie de scène, elle a dû naître quand j’avais 14 ou 15 ans, mais pendant longtemps, j’ai complètement nié le truc. Je me disais “Est-ce que j’ai vraiment envie de faire ça ?” Il y a vraiment eu un déni. Puis, je me suis dit que j’étais fait pour ça et je l’ai assumé.

Quelles sont vos dernières découvertes culturelles ? 

Côté humour, j’adore Merwane Benlazar, je le trouve très à l’aise sur scène. Il a une super énergie. C’est un bon camarade à chaque fois que l’on se croise. En spectacle, j’ai envie de citer Starmania, car franchement, faire des comédies musicales de haut niveau, bien produites, ce n’est pas trop notre culture en France. On est moins bons que les Anglais et les Américains, et pourtant, là, on a une vraie pépite !

Passé simple, de Pablo Mira, au Palais des glaces de Paris jusqu’au 30 décembre 2023, puis en tournée dans toute la France.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste