Costumière de talent, Ane Crabtree a travaillé sur des productions comme The Handmaid’s Tale et Westworld. On l’a rencontrée à l’occasion de la sortie de son nouveau terrain de jeu horrifique, The Changeling.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans The Changeling ? Pourquoi avez-vous rejoint cette aventure ?
À l’époque, j’avais reçu sept scénarios pour des productions différentes. Quand j’ai échangé avec la showrunneuse de The Changeling, Kelly Marcel, je suis tombée sous le charme de cette brillante scénariste. Son scénario, basé sur une nouvelle incroyable, était tout aussi phénoménal.
Finalement, toutes ces raisons m’ont poussée à choisir cette série plutôt qu’une autre. Je ne suis pas le genre de cheffe costumière à me spécialiser dans un genre particulier. Je ne vais pas accepter de travailler pour un show d’horreur parce que c’est à la mode. Je choisis les productions qui ont une vraie histoire à raconter, qu’importe leur thématique.
Pour le coup, The Changeling était très bien écrit. C’était déjà très visuel, rien qu’à l’écrit. Et l’histoire m’a beaucoup parlé. On y suit des personnes originaires du Sud, du Nord, et même de l’Afrique qui rejoignent New York. De mon côté, j’ai quitté le Sud à 21 ans pour déménager dans cette ville, où j’ai fait des études de mode. Je me suis donc complètement retrouvée dans ces destins. Travailler pour ce show tombait sous le sens.
Je voulais aussi travailler pour une production qui change de ce qu’on a l’habitude de voir. Une série intelligente, avec des protagonistes attachants, une histoire d’amour à l’ancienne et le quotidien d’une famille normale qui dégénère complètement.
Quelles ont été vos inspirations pour imaginer les costumes de la série ?
Il y en avait tellement ! La première étape a été de décomposer toutes les périodes de la série, des sixties jusqu’aux années 2000. Ensuite, j’ai réfléchi aux influences des différents lieux : New York, l’Ouganda, mais aussi cet univers de conte de fées présent tout au long du show. Une fois cette découpe du temps et de l’espace faite, je me suis intéressée plus particulièrement au style de mes héros. Je me suis inspirée de certains écrivains, stylistes et musiciens de toutes ces époques.
Par exemple, le style d’Apollo est influencé par la tendance dark academia, et celui d’Emma s’inspire de Zadie Smith, une merveilleuse écrivaine et mannequin britannique. Je dois aussi avouer que j’ai mis un peu de moi dans chacun de ces personnages – je m’habille comme Apollo, et je portais les mêmes vêtements qu’Emma dans le passé.
Quel protagoniste a été le plus difficile à imaginer en termes de tenues ?
C’est difficile à dire, car il y a énormément de personnages ! La vraie difficulté est de montrer la personnalité de chacun à travers les tenues, tout en restant le plus réaliste possible. J’ai imaginé leur style un à un, en y mettant mes émotions et ma personnalité. À chaque fois, je me demandais s’ils étaient assez réels et si les spectateurs pouvaient s’identifier à eux. Ils ne devaient pas simplement être beaux, féériques ou effrayants. Ils devaient donner l’impression de venir du “vrai monde”.
The Changeling est un terrifiant conte de fées pour adulte. Quels costumes ou accessoires sont des incontournables dans une série horrifique ?
Le long manteau d’Emma a un effet direct sur notre subconscient. À New York, les femmes qui portent des capes sont soit très à la mode, soit mystérieuses. Quand elles les retirent, c’est comme si elles enlevaient un aspect de leur personnalité. Elles se cachent derrière ce vêtement et ce type de tenue a toute sa place dans un film d’horreur.
Je ne donnerai pas de réponse plus détaillée, car je ne voudrais pas spoiler les spectateurs. Mais tout ce que je peux dire, c’est que certains détails, même les plus infimes, ont du sens. Soyez attentifs, jusqu’aux textures et aux motifs des tissus !
Vous avez travaillé sur de nombreuses séries, dont The Handmaid’s Tale et Westworld. Quel type d’univers vous inspire le plus ? Dans lequel vous sentez-vous le plus à l’aise ?
Je me sens à l’aise partout. En fait, j’essaye toujours de me lancer dans des aventures qui me permettront d’apprendre quelque chose de nouveau, même si je ne maîtrise pas le sujet. Je vois cet exercice comme une sorte de puzzle psychologique.
Si j’arrive à le résoudre en attribuant les bons costumes à chaque personnage, alors j’ai réussi mon travail et je n’ai pas de questions à me poser. Je dois cependant admettre que j’ai un faible pour les histoires qui semblent paisibles et normales au premier abord, mais qui se révèlent bien plus sombres, comme The Changeling.
