À l’occasion de la sortie d’Asteroid City de Wes Anderson, retour sur l’univers unique du réalisateur américain.
Wes Anderson est de retour depuis le mercredi 21 juin avec Asteroid City. Deux ans après le décevant The French Dispatch (2021), le nouveau film a été présenté au Festival de Cannes. Finalement reparti bredouille, le long-métrage a cependant été salué par la critique, cette dernière soulignant le retour en force du cinéaste et de la patte incomparable qui a toujours fondé son cinéma.
Le septième art wes-andersonien est en effet facilement reconnaissable à sa mise en scène et aux thématiques abordées. Le réalisateur américain originaire de Houston se distingue depuis plusieurs années de ses pairs grâce à une identité visuelle qui lui est propre, dont les premiers témoins sont indubitablement la patte colorée et l’obsession de la symétrie.
Une mise en scène calibrée
On voit dès Bottle Rocket (1996), les premières traces de la marque Wes Anderson. Dans cette comédie policière portée par les frères Wilson (Owen, Luke et Andrew) – amis et collaborateurs privilégiés rencontrés à l’université à l’occasion d’un cours d’écriture de scénario –, le réalisateur commence à distiller ce qui deviendra plus tard « le style Wes Anderson ». Il faudra attendre 1998 et la sortie de Rushmore pour que le réalisateur autodidacte intègre les travellings, la symétrie en cadres serrés et les tableaux plans par plans à sa signature.
Rushmore a été déterminant dans la carrière du cinéaste, non seulement par l’affirmation d’un style dont il n’a jamais cessé de repousser les limites, mais aussi parce que ce projet lui a permis de se faire connaître du grand public. À partir de la fin des années 1990, le réalisateur profite de sa notoriété pour enchaîner les projets.
Suivront ainsi La Famille Tenenbaum (2001), La Vie aquatique (2004), puis À bord du Darjeeling Limited (2007). Au fil de ces projets, il constitue des castings cinq étoiles au sein desquels on retrouve Gene Hackman, Bill Murray, Anjelica Huston ou encore Adrien Brody. Cette productivité lui permet aussi de parfaire sa mise en scène, dans laquelle le sens du détail est de plus en plus poussé.
Car le cinéma de Wes Anderson est résolument visuel. La répartition des couleurs – souvent tirées d’une palette chaude et pastel –, la réflexion sur les costumes et les objets du décor y ont une importance capitale. L’aspect rétro et vintage fonde également l’identité de son art, un argument esthétique qui sert la mise en scène, mais qui peut aussi brouiller les pistes de la chronologie et des timelines.
On ne sait jamais précisément à quelle époque Wes Anderson ancre ses histoires, tant le réalisateur n’hésite pas à mélanger ancienneté et modernité. Cela fait de son cinéma une sorte d’illusion, de bulle colorée propice à la fiction dans laquelle évoluent souvent des personnages hauts en couleur.
Les personnages de Wes Anderson
L’univers fantasmé de Wes Anderson passe en effet par le portrait de personnages atypiques. On se souvient ainsi de Chas Tenenbaum incarné par Ben Stiller et de ses deux jumeaux, le Capitaine Zissou de La Vie aquatique, ou encore de Monsieur Gustave, excentrique concierge du Grand Budapest Hôtel (2014) incarné par Ralph Fiennes.
Des anti-héros égoïstes, obsessionnels, charmeurs, à l’innocence attachante, en passant par l’humour délirant et la cool-attitude, Wes Anderson n’hésite pas à pousser le curseur de leur caractère pour offrir des histoires rocambolesques en termes de péripéties, mais aussi de dialogues. La finesse de l’écriture, encore une fois alliée à l’importance donnée aux détails et à la symétrie, offre des films riches, bourrés d’humanité.
Même lorsque le cinéaste s’essaie au film d’animation en stop-motion. Avec Fantastic Mr. Fox (2009) et L’Île aux chiens (2018) – long-métrage qui lui vaut l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à la Berlinale de 2018 –, Wes Anderson n’hésite pas dépeindre des personnages animaux intrinsèquement humains.
Famille et enfance : les grands thèmes d’Anderson
Cette humanité transparaît dans les thématiques universelles que Wes Anderson aborde souvent dans son cinéma. L’une d’entre elles est la famille – souvent dysfonctionnelle –, comme dans À bord du Darjeeling Limited qui racontait les retrouvailles de trois frères après la mort de leur père et les rencontres farfelues qu’ils vont faire tout au long de leur périple à travers l’Inde. Toutefois, la représentation de la famille dans son cinéma sert souvent de prétexte à resserrer ses liens entre ses membres.
Wes Anderson est aussi le cinéaste de l’enfance et de la nostalgie. Il n’hésite pas à prendre des enfants pour personnages principaux, comme dans The Grand Budapest Hotel avec Zero Mustafa, avec Sam et Suzy dans la colonie de vacances de Moonrise Kingdom (2012),ou bien les enfants accueillis dans la ville d’Asteroid City.
Wes Anderson filme également de grands enfants, en dépeignant des adultes atteint du syndrome de Peter Pan. Parmi les plus excentrique, on retrouve Royal Tenenbaum (Gene Hackman) qui, malgré son statut de patriarche, apparaît aussi irresponsable qu’un adolescent.
Ce syndrome obsède le réalisateur, qui semble trouver dans le cinéma un moyen de ne pas grandir. C’est d’ailleurs peut-être pour cette raison qu’il n’hésite pas à inverser les rapports entre ses personnages. Ainsi, les enfants ont souvent un comportement de jeune adulte, tandis que les adultes ont une attitude plus désinvolte et immature.
Par exemple, dans Moonrise Kingdom, Sam et Suzy doivent se débrouiller par eux-mêmes pour fuguer ; dans L’Île aux Chiens, on retrouve le jeune Atari, âgé de 12 ans, aux commandes d’un avion, tandis que dans The French Dispatch, les étudiants vont se saisir de grandes causes façon mai 1968.
Un casting 100 % Hollywood
Cette inversion des rôles implique aussi une variété de personnages et, par conséquent, d’acteurs et d’actrices. Dans chacun de ses films, Wes Anderson réunit un casting choral dans lequel chaque protagoniste a son importance, étant donné la minutie du cinéaste.
Tout au long de sa carrière, le réalisateur s’est entouré de collaborateurs privilégiés, parmi lesquels on retrouve évidemment Bill Murray – dont le cinéaste a d’ailleurs récemment pris la défense après les accusations portées à l’encontre de l’acteur –, mais aussi la fratrie Wilson, Jason Schartzman qu’il filmait pour la première fois dans Rushmore et que l’on retrouve aujourd’hui dans Asteroid City, Tilda Swinton, ainsi qu’Edward Norton.
Participer à un film de Wes Anderson est une reconnaissance pour les comédiens et comédiennes, son cinéma n’essuyant que très rarement de critiques négatives. Considéré comme un incontournable du septième art et l’un des plus grands réalisateurs contemporains, le cinéaste attire à chaque projet de prestigieux visages d’Hollywood. Ainsi, si on retrouvait Timothée Chalamet et Frances McDormand dans The French Dispatch, pour Asteroid City, le réalisateur a pu pour la première fois s’offrir les services de Scarlett Johansson et de Tom Hanks.
Le réalisateur offre des mondes fantasmés, fantasmagoriques, et pourtant millimétrés. Sa mise en scène autant que son large casting, tout comme l’espièglerie de l’enfance et la force de la famille dans ses scénarios, définissent son cinéma. Reconnaissable et foisonnant, son univers est unique au sein du septième art.
Et il semble toujours vouloir repousser les limites de son obsession : en témoigne Asteroid City, son dernier long-métrage, avec ses décors édulcorés, son casting hollywoodien cinq étoiles et ses dialogues rythmiques décalés. Un savoir-faire dont seul Wes Anderson a le secret depuis plus de 20 ans et qu’il ne cesse de perfectionner.