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Les 5 pépites qu’on a adorées au Festival international de la bande dessinée

01 février 2023
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Riad Sattouf couronné du Grand Prix de l’édition 2023 de Festival international de la bande dessinée, à Angoulême.
Riad Sattouf couronné du Grand Prix de l’édition 2023 de Festival international de la bande dessinée, à Angoulême. ©Anne Lacaud/Sud Ouest

Au milieu d’une sélection riche et variée, cinq titres nous ont particulièrement enchantés au Festival international de la BD d’Angoulême.

Malgré un contexte tendu, lié notamment à l’affaire Bastien Vivès, qui a abouti à la déprogrammation de son exposition et à l’ouverture par le parquet de Nanterre d’une enquête préliminaire pour « diffusion d’images pédopornographiques », la 50e édition du Festival international de la bande dessinée à Angoulême, qui vient tout juste de fermer ses portes, peut se targuer d’avoir été une franche réussite et se féliciter d’un retour impressionnant de la fréquentation. La grand-messe du neuvième art a su parfaitement surfer sur le succès sans précédent de la bande dessinée et du manga en librairie pour attirer un public toujours plus nombreux, avec une programmation de haut vol, riche et variée.

Des prix à la hauteur

Côté palmarès non plus, le festival de la BD n’a pas déçu. Le Grand Prix de Riad Sattouf, surtout, a ému le public parce qu’il représentait la consécration suprême pour un auteur qui a fait aimer la bande dessinée à tellement de non-initiés. Après cinq tomes de la saga autobiographique L’Arabe du futur traduits dans plus de 25 langues et écoulés à 3 millions d’exemplaires, le Franco-Syrien est devenu, au fil des années, l’auteur de bandes dessinées le plus lu en France et se voit désormais couronné des plus prestigieux lauriers.

L’autre grand gagnant de cette cinquantième édition est l’éditeur Çà et Là. En remportant le Fauve d’or avec son album singulier et fascinant, La Couleur des choses, Martin Panchaud fait en effet triompher la petite maison pour la deuxième fois d’affilée après le sacre l’année dernière dÉcoute jolie Marcia de Marcello Quintanilha. Et ce n’est pas tout ! Çà et Là remporte également deux autres prix parmi les plus attendus du week-end. Avec Naphtaline, l’argentine Sole Otero hérite du prix du public France Télévisions, tandis qu’avec Peau, Mieke Versyp remporte le prix du jeune scénariste René Goscinny. La récompense d’un travail d’orfèvre mené par les équipes de Serge Ewenczyk.

La Couleur des choses, de Martin Panchaud, Ça et Là, 2022.©Ça et Là

Enfin, la course aux honneurs confirme le changement de cap opéré par le festival d’Angoulême depuis quelques années. Fini le pré carré de la sacrosainte franco-belge, le FIBD déroule désormais le tapis rouge aux mangakas et célèbre leur travaille en grande pompe. Ainsi, ce n’est pas un mais trois dessinateurs japonais qui ont été récompensés cette année du Fauve d’honneur. Le maître de l’horreur Junji Ito, dont l’œuvre vient d’être adaptée en animé sur Netflix, le monstre sacré du seinen Ryōichi Ikegami, auteur de Sanctuary et de Trillion Game, et surtout le dieu vivant Hajime Isayama, auteur de la saga culte L’Attaque des Titans.

Mais revenons à nos pépites :

Le Secret de la force surhumaine, d’Alison Bechdel

Aux côtés de Catherine Meurisse, autrice de La Légèreté et finaliste pour la quatrième année consécutive, l’Américaine Alison Bechdel faisait figure de glorieuse alternative féminine pour le Grand Prix 2023. Figure de proue de la BD queer, connue pour avoir donné son nom au test de Bechdel, qui permet de mesurer le degré de sexisme des œuvres de fiction, elle était la favorite de toute une nouvelle génération militante et engagée.

Le Secret de la force surhumaine, d’Alison Bechdel, Denoël Graphic, 2022.©Denoël Graphic

Après avoir sondé les secrets familiaux dans Fun Home et C’est toi ma maman ?, Alison Bechdel poursuit son éblouissante œuvre autobiographique et part à la recherche d’elle-même dans Le Secret de la force surhumaine. En mêlant avec humour instantanés de vie et références littéraires et philosophiques, elle s’interroge sur sa longue pratique du sport et réfléchit à la place écrasante qu’ont pris désormais le culte du corps et la quête de la jeunesse éternelle dans nos sociétés obsédées par la performance. Un livre touchant, désarçonnant d’honnêteté et stimulant, mené tambour battant par une ceinture noire d’introspection.

Le Secret de la force surhumaine, d’Alison Bechel, Denöel Graphic, 2022, 240 p., 26 €.

Aya de Yopougon, de Marguerite Abouet

Elle ne figurait pas dans la sélection officielle, mais ce week-end, son nom était sur toutes les lèvres. Avec une exposition exceptionnelle, le festival de la BD rendait cette année un hommage bien mérité à l’écrivaine, scénariste et réalisatrice ivoirienne Marguerite Abouet, et célébrait sa série culte Aya de Yopougon, dessinée par Clément Oubrerie et récompensée en 2006 à Angoulême par le Prix du premier album.

Aya de Yopougon, de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, Gallimard BD, 2022.©Gallimard

Fresque enivrante de Yopougon, quartier d’Abidjan où Marguerite Abouet a grandi, réminiscence touchante de l’enfance, ode à l’amitié, portrait amusant d’une jeune fille qui veut croquer le monde : cette œuvre autobiographique, portée par une langue explosive, était destinée au départ à un jeune public, mais a séduit au fil du temps petits et grands. Après dix ans d’attente, le septième tome de la série, paru il y a quelques mois, dévoile une Aya plus affirmée, une militante qui n’hésite pas à s’engager pour les droits des étudiants, dans le combat des LGBT+ ou dans la défense des sans-papiers. Comme le cours du monde, Aya est en train de changer, mais elle est toujours cette petite sœur qu’on aime tant retrouver.

Aya de Yopougon, de Marguerite Abouet, Gallimard BD, 2022, 128 p., 18 €.

La Mer à boire de Blutch

C’est sans doute l’album le plus étonnant et le plus déconcertant de la sélection officielle présentée cette année à Angoulême. Blutch, auteur du Petit Christian, de Vitesse moderne ou encore de La Volupté, dessinateur récompensé par le Grand Prix du festival en 2009, revient après quelques années d’absence avec une histoire d’amour pas comme les autres.

La Mer à boire, de Blutch, Éditions 2024, 2022.©Éditions 2024

Dans une ville de Bruxelles fantasmée, qui prend parfois des airs de Saint-Tropez, un homme appelé B. débarque d’un train. Poussé par l’excitation et un désir incontrôlable, il se précipite à l’Hôtel Métropole pour retrouver son amie A. Mais il n’est pas si simple d’aller du point A au point B et le récit bascule subitement dans une course effrénée et un dédale narratif délirant où rêve et réalité se confondent, où les fantasmes inassouvis prennent le pas sur l’existence même des personnages. Dans La Mer à boire, Avec un dessin virtuose et une féroce envie de bousculer son lecteur, Blutch dynamite les normes bien trop sages de la comédie romantique et nous emporte sans sommation dans son formidable tourbillon d’imagination.

La Mer à boire, de Blutch, Éditions 2024, 2022, 80 p., 28 €.

Hoka Hey !, de Neyef

Comme Florent Maudoux ou Mathieu Bablet, Romain Maufront alias Neyef a eu la chance un jour de croiser la route de Run et du Label 619. Après avoir travaillé sur des histoires courtes pour les séries collectives DoggyBags et Midnight Tales, puis dessiné Puta Madre, une saga parallèle à l’univers culte de Mutafukaz, le dessinateur nantais a aujourd’hui décidé de se lancer en solo en s’attaquant à un genre sacré, mais qui avait bien besoin d’être dépoussiéré : le western.

Hoka Hey !, de Neyef, Label 619, 2022.©Label 619

« J’ai toujours préféré les Indiens aux Cowboys ! » C’est en partant de ce postulat que Neyef a conçu sa première grande histoire. Hoka Hey !, en hommage au cri de guerre des Indiens Lakotas, une tribu sioux originaire du Dakota, met en scène une sublime quête des origines et un récit initiatique bouleversant. Georges, un jeune indien nommé en l’honneur du Président Washington et élevé par un pasteur comme un blanc, est arraché un jour à sa réserve par le gang de Little Knife, un lakota comme lui, qui mène depuis de longs mois une entreprise meurtrière pour venger la mort de sa mère. Accompagnés par une Indienne baptisée No Moon et un Irlandais prénommé Sully, ils vont sillonner le pays à la recherche de ce bandit dont la tête est mise à prix. Si on perçoit les influences du maître Jean Giraud, dessinateur de Blueberry, Neyef façonne avec un trait magistral son propre univers au cœur des immensités de l’Ouest et nous entraîne dans une formidable aventure. Un one shot réussi, le symbole flamboyant d’un nouvel âge du western francophone.

Hoka Hey !, de Neyef, Label 619, 2022, 226 p., 22,90 €.

Hound Dog, de Nicolas Pegon

Considéré comme une figure prometteuse de l’animation française avec notamment des projets comme One After the Other, un court-métrage consacré au chanteur de blues Grant Sabin, Nicolas Pegon semble tout aussi à l’aise dans la bande dessinée. À la surprise générale et surtout celle de l’intéressé, son premier roman graphique, Hound Dog, s’est vu décerné le Fauve Polar SNCF. Un prix qui fait de lui l’une des révélations de ce festival de la BD.

Hound Dog, de Nicolas Pegon, Denoël Graphic, 2022.©Denoël Graphic

César trouve un jour un chien dans son appartement et mène l’enquête avec Alexandre, son pote de toujours, pour trouver l’identité du propriétaire. Mais ce qui s’apparentait à une simple bonne action se transforme soudainement en engrenage infernal quand nos deux compères découvrent qu’il est mort et suspectent même qu’il a été assassiné. Au rythme du rock du King Elvis, dans une Amérique sombre et ravagée, on se délecte du périple endiablé de ces deux paumés, losers magnifiques ambiance frères Coen ou John Fante. L’essence même du roman noir américain, servie par un impeccable dessin.

Hound Dog, de Nicolas Pegon, Denoël Graphic, 204 p., 24,90 €.

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