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Violences à Washington : les réseaux sociaux suspendent les comptes de Donald Trump [MàJ]

07 janvier 2021
Par Thomas Estimbre
Violences à Washington : les réseaux sociaux suspendent les comptes de Donald Trump [MàJ]

Suite aux événements survenus à Washington, les principaux réseaux sociaux ont réagi en suspendant temporairement les comptes de Donald Trump. Twitter a également brandi la menace d’une suspension définitive, souhaitée par des personnalités proches du petit oiseau bleu ou de Facebook.

[Mise à jour du 7 janvier 2021 à 17h30 : Sur son réseau social, Mark Zuckerberg annonce que les comptes Facebook et Instagram de Donald Trump sont suspendus pour une durée indéterminée, pendant au moins deux semaines. « Nous pensons que les risques de permettre au Président de continuer à utiliser notre service pendant cette période sont tout simplement trop importants. Par conséquent, nous prolongeons indéfiniment le blocage que nous avons mis en place sur ses comptes Facebook et Instagram, et pour au moins les deux prochaines semaines, jusqu’à ce que la transition pacifique du pouvoir soit terminée », a affirmé le fondateur et patron de Facebook.]

Washington a connu une journée de chaos après que des manifestants pro-Trump ont envahi le Capitole. Aux alentours de 14h heure locale (20 heures en France), le Congrès était en train de certifier la victoire de Joe Biden dans le temple de la démocratie américaine, jusqu’à ce que des manifestants fassent irruption à l’intérieur du bâtiment. Aux premières loges, les réseaux sociaux ont rapidement relayé ces faits inédits avec de nombreuses images et vidéos. Ils ont également servi de support à Donald Trump, 45e Président des États-Unis et adepte des réseaux sociaux. Le président déchu avait invité ses partisans à se rassembler dans la capitale fédérale le 6 janvier, refusant toujours de concéder sa défaite.

 © Creative Commons / Gage Skidmore
© Creative Commons / Gage Skidmore

Face aux débordements, le président élu Joe Biden a invité Donald Trump à prendre la parole pour faire face à ses responsabilités. « Je demande au président Trump de passer maintenant à la télévision nationale pour remplir son serment et défendre la Constitution en exigeant la fin de ce siège », peut-on lire sur le compte Twitter de Joe Biden. De son côté, Donald Trump a timidement appelé ses sympathisants à rester pacifiques en leur demandant de « soutenir la police du Capitole et les forces de l’ordre ». « Ils sont vraiment du côté de notre pays. Restez calmes ! », a écrit l’actuel président. Quelques minutes plus tard, il a posté une vidéo dans laquelle il invitait les manifestants à « rentrer chez eux », sans condamner l’intrusion et en déclarant sa flamme à ses partisans. « Nous devons avoir la paix. Alors rentrez chez vous. Je vous aime. Je comprends votre douleur. Je sais que vous êtes blessés. Cette élection nous a été volée ». Cette vidéo, postée sur les réseaux sociaux, a depuis été retirée par les principales plateformes.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles

Depuis plusieurs semaines, les principaux réseaux sociaux n’hésitent pas à mettre en garde contre des propos contestés ou mensongers de Donald Trump. Après les incidents de Washington, elles ont décidé d’agir en suspendant temporairement le compte de Donald Trump. Twitter a demandé la suppression de trois tweets et a banni son compte pendant 12 heures. « En raison de la situation violente sans précédent et persistante à Washington, nous avons exigé le retrait de trois tweets de @realDonaldTrump [le compte de Donald Trump] qui ont été postés plus tôt dans la journée pour des violations graves et répétées de notre politique d’intégrité civique. Cela signifie que le compte @realDonaldTrump sera verrouillé pendant 12 heures après la suppression de ces Tweets. Si les Tweets ne sont pas retirés, le compte restera verrouillé », indique le réseau social. Et le petit oiseau bleu va plus loin en annonçant que « toute violation future des règles de Twitter, y compris de nos politiques sur l’intégrité civique ou les menaces violentes, entraînera la suspension permanente du compte @realDonaldTrump ».

 © Capture d’écran (@realDonaldTrump/Twitter)
© Capture d’écran (@realDonaldTrump/Twitter)

Facebook a également réagi en publiant une « réponse » aux violences de Washington. « Nous avons déterminé deux infractions à nos règles sur la page du président Donald Trump qui débouchent sur une suspension de 24 heures, ce qui signifie qu’il perd la capacité de poster sur la plateforme pendant cette période », a expliqué le réseau social détenu par Mark Zuckerberg, habituellement plus clément que Twitter à ce sujet. Pour Guy Rosen, vice-président de Facebook en charge de l’intégrité de la plateforme, il « s’agit d’une situation d’urgence et nous [Facebook] prenons les mesures d’urgence appropriées, y compris le retrait de la vidéo du président Trump. Nous l’avons retirée parce que, tout bien considéré, nous pensons qu’elle contribue au risque de violence permanente plutôt qu’à le diminuer ». Comme le rapporte le site The Verge, Instagram (également détenu par Facebook) et YouTube (Google) ont également décidé de bannir ou supprimer la vidéo du président.

Twitter et Facebook pointés du doigt

Malgré ces décisions, la position des plateformes n’échappe pas aux critiques. Déjà dans l’œil du cyclone pour leur impact non négligeable dans les élections à travers le monde, Facebook et Twitter ont tardé à réagir. « Vous avez du sang sur les mains @jack [Jack Dorsey] et Zuck [Mark Zuckerberg] », écrit Chis Sacca, l’un des premiers investisseurs de Twitter. « Pendant quatre ans, vous avez rationalisé cette terreur. L’incitation à la trahison violente n’est pas un exercice de liberté d’expression. Si vous travaillez dans ces entreprises, c’est aussi votre faute. Arrêtez tout ».


L’ancien responsable de la sécurité chez Facebook, Alex Stamos, s’est lui aussi fendu d’un tweet pour fustiger la position des grandes plateformes : « Il y a eu de bons arguments pour que les entreprises privées ne réduisent pas les élus au silence, mais tous ces arguments sont fondés sur la protection de la gouvernance constitutionnelle. Twitter et Facebook doivent lui [Donald Trump] couper la parole. Il n’y a plus d’actions légitimes et étiqueter [ses messages] ne le fera pas. La dernière raison de maintenir le compte de Trump était la possibilité qu’il essaie de remettre le génie dans la lampe [ndlr : revenir à la raison], mais comme beaucoup s’y attendaient, cela lui est impossible ».

Faut-il suspendre les « personnes dignes d’intérêt » ?

Le Guardian rappelle que le Twitter réserve une politique spéciale aux « newsworthy », un terme qui fait référence aux « personnes dignes d’intérêt » qui comptabilisent plus de 250 000 abonnés. Le sujet reste néanmoins délicat pour les réseaux sociaux, qui seront scrutés d’ici le 20 janvier. Selon le média BuzzFeed News, Facebook a empêché ses salariés de discuter en interne d’un potentiel bannissement de Donald Trump. De son côté, Twitter a déjà prévenu que Donald Trump redeviendrait un utilisateur lambda après la passation de pouvoir du 20 janvier. Pour Alex Stamos, il est certain qu’« il y aura toujours les sites alternatifs et le peer-to-peer » si Donald Trump est privé des principaux réseaux sociaux. « Mais au moins les dégâts qu’il fait seraient plus contenus », estime l’ex-responsable de la sécurité chez Facebook.

Article rédigé par
Thomas Estimbre
Thomas Estimbre
Journaliste