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Comment photographier des aurores boréales ?

16 septembre 2018
Par Romain Challand

S’il est un phénomène météorologique envoûtant, c’est bien les aurores boréales (ou australes). Mais étonnamment, il ne s’agit pas d’une attraction particulièrement difficile à capturer avec un appareil photo. Ce qui est toutefois nécessaire, c’est une bonne résistance au froid, un billet d’avion pour le Grand Nord, un matériel de qualité, de la patience et un peu de chance.

Où et quand les trouver ?

Contrairement à une croyance populaire, il n’y a pas de saison pour les aurores. Il est possible d’en trouver et d’en observer à tout moment de l’année. En effet, les aurores sont souvent dites boréales (hémisphère nord), mais il existe des aurores australes (hémisphère sud), observable au sud de la Nouvelle-Zélande ou en Antarctique. En Islande, Suède, Finlande ou en Norvège, destinations privilégiées pour observer ce phénomène, la période idéale pour les voir se situe entre septembre et avril. L’été, le soleil ne se couche jamais vraiment au niveau du cercle polaire arctique, et la lumière empêche leur observation.

aurore boreale

© Pixabay

Une fois sur place, encore faut-il tomber au bon moment. Il existe certains outils qui permettent de connaître les prévisions d’intensité des aurores, même si leur observation reste tout de même grandement relative aux notions de chance et de patience. Les sites Aurora Maniacs et SpaceWeatherLive permettent de suivre facilement l’évolution des tempêtes solaires, et il existe aussi des applications Android et iOS dédiées, telle que Aurora Forecast. L’intensité des aurores dépend notamment de la vitesse et de la densité des vents solaires, tandis que l’indice Kp – compris entre 0 et 9 – correspond à la magnitude des tempêtes géomagnétiques, et va déterminer la zone où elle seront observables.

Le matériel à prévoir

Lors de la rédaction de notre guide “comment photographier un ciel étoilé ?”, nous avions recommandé de prévoir de quoi affronter des nuits un peu frisquettes. Autant dire que dans le Grand Nord, il va falloir se couvrir vraiment. Au Nord de Tromso, où nous étions partis avec Panasonic pour éprouver le Lumix G9, la température en novembre avait atteint les -10 degrés, avec un ressenti pouvant atteindre facilement -20 °. Rappelez-vous d’ailleurs qu’il faut impérativement éviter les vêtements en coton, car ils évacuent mal la transpiration.

Concernant le matériel de photographie, il faudra également être vigilant. D’abord, un sac étanche est vivement conseillé, et un rembourrage intérieur pour gagner quelques degrés peut aussi être salvateur pour votre matériel. Si vous ne deviez emporter qu’un appareil avec vous, nous vous conseillons de prendre un reflex/hybride plein format et une optique grand-angle, disons entre 24 et 35 mm. Le grand-angle vous permettra d’allonger les temps d’obturation en gardant des étoiles immobiles, mais aussi de faire face à l’imprévisibilité du phénomène. En vous concentrant sur une zone restreinte, vous risquez de rater l’aurore.

aurore boreale

 

© Pixabay

Il est tout à fait possible de photographier des aurores avec des capteurs de plus petit format, mais il faudra certainement monter plus en ISO, et donc dégrader quelque peu l’image. Ceci dit, nous avons testé la capture d’aurores avec un G9 (capteur micro 4:3), et l’exercice s’est montré assez convaincant.

Pensez également à emporter de quoi sécher et nettoyer votre matériel. Enfin, un trépied léger vous aidera à stabiliser vos images, et éviter d’avoir à poser l’appareil directement dans la neige ou sur une surface moins stable.

La technique de photographie

Si vous avez suivi notre guide “Comment photographier un ciel étoilé”, et que vous avez mis en pratique nos quelques conseils, la photographie d’aurores boréales est d’ores et déjà à votre portée. En réalité, il n’y a rien de sorcier, et les mêmes conseils s’appliquent au nightscape et à ce phénomène météorologique particulier.

La fin du mythe

Mais d’abord, il nous faut mettre fin à une légende. En effet, si vous attendez de voir une aurore de vos yeux avant de la photographier, vous risquez d’être très déçu. Contrairement à ce que les photographies montrent, les aurores ne sont pas si vives et colorées qu’elles le laissent croire. Ce phénomène se traduit plutôt par des traînées blanches, laiteuses, qui parcourent le ciel à plus ou moins grande vitesse. L’œil humain étant moins doué que les capteurs photographiques en basse lumière, il distingue moins bien – moins intensément – les couleurs. Alors à moins d’avoir affaire à une aurore particulièrement forte, le résultat à l’œil est souvent blanc/gris.

aurore boreale

© Pixabay

Pour l’explication, les aurores sont dues à la collision entre des particules cosmiques chargées électriquement (venant du soleil) et le champ magnétique terrestre. Quant à la couleur, elle s’explique par le type de molécules de gaz percutées par ces particules cosmiques. Les molécules d’oxygène, proches de la Terre (100 à 300 km), donnent leur teinte verte aux aurores. Certaines de teinte rosée sont dues à la présence de molécules d’azote à environ 100 km d’altitude.

La collision des particules avec certaines molécules d’oxygène atomique (différent des molécules d’oxygène) produisent des aurores rouges. Enfin, certaines molécules d’hydrogène et d’hélium peuvent aussi donner des aurores bleues et mauves.

La règle des 500

Comme expliqué dans le guide sur le nightscape, il existe une règle mathématique pour aider les photographes à déterminer le temps de pose (la vitesse) maximal autorisé, c’est la règle de 500 pour les appareils plein format (24×36). Elle est la suivante : 500 / focale utilisée en mm = temps de pose.

Admettons que vous utilisez un objectif 24 mm, la formule donne alors : 500 / 24 (mm) = 20,8 (secondes). Si vous photographiez les étoiles avec cette combinaison, il ne faudra donc pas dépasser les 20 secondes de pose. Au-delà, les étoiles seront en mouvement, et vous commencerez à obtenir des traits. Avec un 50 mm, le temps de pose autorisé n’est plus que de 10 secondes. Avec un 85 mm, il n’est plus que de 5,8 secondes. Cela fait donc peu de lumière capturée. Voilà pourquoi on conseille d’utiliser des objectifs grand-angles.

Si vous utilisez un capteur APS-C, la formule est légèrement différente puisqu’il faut ajouter le coefficient multiplicateur de l’objectif (1,5 x chez Nikon, Sony et Pentax ; 1,6x chez Canon ; etc.). La formule devient alors : 500 / (focale en mm x coeff multiplicateur) = temps de pose. Avec un 24 mm de Canon, par exemple, on obtient : 500 / (1,6 x 24) = 13 secondes.

Notez que les capteurs micro 4:3 ont un coefficient multiplicateur d’environ x2.

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© Pixabay

La capture de l’aurore

Cette règle des 500 est donc utile pour votre photo, puisqu’il y a de fortes chances que les étoiles soient en arrière-plan de l’image. Mais il faut parfois beaucoup moins de temps pour capturer une aurore.

Là, de nombreuses possibilités de réglages sont offertes en mode Manuel (M), mais l’utilisation d’un objectif grand-angle vous permet déjà de régler l’ouverture maximale, admettons f/2.8. Il va falloir également monter la sensibilité de l’appareil pour capturer le plus de lumière possible, tout en faisant attention à ne pas brûler le premier plan, ou ne pas surexposer certaines parties de l’image. Travailler dans un environnement dénué de pollution lumineuse aide beaucoup, et les lumières des villes environnantes sont autant un ennemi qu’un allié selon les clichés.

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Une aurore boréale capturée avec un Panasonic G9, mais une scène surexposée. © Romain Challand / Labo Fnac

Selon la vitesse de l’aurore, vous pourrez alors adapter votre temps de pose et la sensibilité de votre appareil. Sur la base de 3200 ISO – ce qui est déjà une valeur élevée – vous pourrez capturer entre 8 et 20 secondes d’aurore. Notez tout de même qu’on conserve mieux la texture et la forme des aurores avec des temps de pose amoindris. Des poses longues ont tendance à donner un effet voile aux aurores du fait de leur déplacement.

Si vous en avez la possibilité, n’oubliez pas de shooter en RAW, afin de permettre quelques retouches bienvenues lors du passage de vos clichés par un logiciel de développement.

La mise au point

Dans des conditions où la lumière est faible, la mise au point n’est pas chose aisée, surtout pour le système autofocus de votre appareil. Privilégiez une mise au point manuelle, par exemple en visant une étoile, et avec l’outil de grossissement proposé par le boîtier. Une fois la mise au point réglée, n’y touchez plus. Toutefois, si votre scène comporte un sujet intéressant au premier plan et que vous souhaitez y faire le focus, tentez de l’éclairer avec une lampe de poche le temps de faire votre mise au point.

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© Pixabay

Enfin, une fois que vous avez installé votre appareil sur son trépied, ou sur une surface stable, désactivez la stabilisation de votre objectif. En effet, ce système compense des vibrations, mais en l’absence de mouvement, les clichés sont moins nets avec la stabilisation que sans. Un paradoxe qui trouble bon nombre de débutants en photographie.

Le timelapse

Une fois que vous avez trouvé les bons réglages d’exposition pour capturer une aurore, et pour peu que vous soyez sur un joli spot, vous pourriez être tenté d’essayer un timelapse, c’est-à-dire une courte vidéo obtenu par l’assemblage de dizaines/centaines de photographies. Certains appareils proposent nativement la fonction intervallomètre qui permet de définir l’intervalle entre chaque déclenchement, et le nombre de clichés qui devront être pris. Attention, le temps de pose que vous avez défini pour vos photos ne rentre évidemment pas en compte dans ce que vous définirez comme intervalle entre vos photos. Dans cet exercice, vous pouvez donc très bien définir l’intervalle sur 2 secondes, avec une durée d’exposition de 15 secondes. Il existe même certains sites qui permettent de calculer l’intervalle nécessaire selon la durée de l’évènement et la longueur de séquence que vous souhaitez.

Exemple de timelapse réalisé par notre rédaction, ici au format GIF (cliquez pour lancer) :

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© Romain Challand / Labo Fnac

Article rédigé par
Romain Challand
Romain Challand
Journaliste