Critique

Ma part de l’ours de Marine Veith, un conte jeunesse écologique et sensible

18 novembre 2022
Par Milo Penicaut
Ma part de l’ours de Marine Veith, un conte jeunesse écologique et sensible
©Pixabay

Avec Ma part de l’ours, Marine Veith signe un deuxième roman jeunesse aussi haletant que sensible.

Ouest et Aurore sont frère et sœur. Ils n’ont qu’eux-mêmes depuis que leur père leur « a dit ciao » à la naissance d’Ouest, il y a 13 ans de cela, et que leur mère, souffrant d’importants troubles de santé mentale, vit en maison de repos psychiatrique.

Aurore a 20 ans. Pétrie de solitude et de chagrin, elle jongle entre ses études et son petit frère, dont elle a la charge. Ouest et Aurore s’entendent mal : ils se chamaillent, s’insultent, se boudent. L’ambiance est glacée dans l’habitacle de la 306 qu’Aurore a empruntée pour aller passer une semaine de vacances à la montagne auprès de leur mère.

Dans la vraie vie, il s’appelle Tim. Mais je l’appelle Ouest, vous devinez pourquoi. Moi, à vingt ans, j’ai envie de lire Pascal mais surtout de ne parler à personne […] Mon prénom, c’est Aurore, mais il m’appelle Poule parce qu’il dit que je caquette […]. Ouest n’a peur de rien parce que personne n’est là pour lui dire de faire attention. Je n’ai peur de rien parce que je n’aime rien.

Marie Veith
Ma part de l’ours

Au programme : quatre heures de route à flanc de montagne. Mais une tempête de neige sans précédent s’abat d’un grand coup sur le col de l’Homme Mort, obligeant Ouest et Aurore à rebrousser chemin. Commence une épopée fantastique à travers la forêt enneigée, dans la nuit et la peur…

Ma part de l’ours, de Marine Veith. En librairie depuis le 2 novembre 2022.©Sarbacane

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Ma part de l’ours est avant tout une histoire d’amour entre un frère et une sœur qui rapiècent et retissent, ensemble, leurs liens abîmés. Face au danger, Ouest et Poule se découvrent. Pour survivre, ils n’ont pas d’autre choix que d’apprendre à se faire confiance et à compter l’un sur l’autre.

Ils se parlent pour la première fois de leur vie : se confient la solitude, le chagrin et la peur. L’amour, aussi, et la tendresse : « Je l’observe. Sa force, sa vitalité, sa sagesse, sa puissance. Tout ce que je ne lui avais pas reconnu jusqu’ici éclate, là, dans le vent, la glace et le danger ».

Il est touchant de voir leur relation évoluer au fil des pages et des péripéties, gagner en profondeur et en maturité. Dans une société encore culturellement très centrée sur la romance, on ne peut que se réjouir quand d’autres histoires nous sont proposées – à l’instar des films d’animation La Reine des neiges (2012) et Rebelle (2013), centrés autour de relations sœur-sœur et mère-fille.

Au fond de la forêt, l’amitié

Ouest et Poule n’affrontent pas le blizzard seuls. Les protagonistes rencontrent des personnages hauts en couleurs. Il y a Jacques, l’aventurier solitaire rompu aux techniques de survivalisme (et au mansplaining !) ; Carmen et Juan, les communards et militants pro-ours qui ne sont pas sans rappeler Morticia et Gomez Addams ; Piou l’enfant sauvage qui ne quitte jamais sa peau d’ours ; Nord le chaleureux doctorant en anthropologie ; et puis Marie, celle qu’on dit vivre et danser avec les ours au fond des bois depuis 13 ans déjà…

Une ribambelle d’enfants (et de parents) perdus qui forment une attachante famille, de celles qu’on choisit, toute prête à accueillir nos héros solitaires et à leur enseigner le pouvoir de l’amitié.

En file indienne, de la neige jusqu’aux genoux, notre procession prend des allures de famille de grizzlys.

Marie Veith
Ma part de l’ours

“L’homme a une place mais n’a pas toute la place”

Ici, explique Carmen, « on écrit, on chante, on écoute la nature, nous ne prélevons que ce dont nous avons besoin ; nous avons notre place dans l’écosystème, qui n’empiète pas sur celle des autres […]. Il nous a fallu réapprendre à nous servir de nos mains, de nos corps, à nous écouter, à accueillir les variations des saisons, leur versatilité́ et leurs colères… » Ici, dans la forêt, tout le monde « a sa part », y compris les ours et celles et ceux qui les défendent.

À travers une intrigue haletante, un univers riche et des personnages attachants, Marine Veith tisse ainsi un conte écologique d’une grande sensibilité. Il y est question de trouver sa place : au sein d’une fratrie, d’une famille choisie, mais aussi au sein du vivant. On recommande chaudement !

Ma part de l’ours, de Marine Veith, Sarbacane, 16 €. En librairie depuis le 2 novembre 2022.

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Article rédigé par
Milo Penicaut
Milo Penicaut
Journaliste