Critique

Avec Linger Awhile, Samara Joy confirme sa place dans le jazz mondial

28 octobre 2022
Par Thomas Louis
Avec Linger Awhile, Samara Joy confirme sa place dans le jazz mondial
©Shervin Lainez

Après un premier album éponyme très remarqué en 2021, la chanteuse Samara Joy revient en force avec un disque tout en virtuosité. Porté par une voix empreinte d’histoire, Linger Awhile est une vraie réussite, et une proposition brillante pour retrouver les sensations que la musique jazz a su faire traverser, décennie après décennie.

Ça commence comme au bar d’un hôtel. La voix de Samara Joy rencontre le piano. Les deux se mêlent, forment quelque chose proche de l’insaisissable et nous plongent instantanément dans un confort généreux, où que l’on aille, quoique l’on fasse.

Linger Awhile, de Samara Joy. Disponible depuis le 23 septembre 2022.

Un album de vocaliste

C’est probablement la force principale de Linger Awhile : l’album est un écrin aux contours bien définis qui renferme dix petits bijoux musicaux. Bijoux, car portés par la jeune chanteuse et son timbre, magnétique, chaud, puissant. Car oui, la voix de Samara Joy est moelleuse, elle s’enroule autour des oreilles. La chanteuse a 20 ans, mais 100 ans de vie derrière elle lorsque sa voix se pousse. Certains décrochés pourraient rendre fou le moindre esthète de la chanson, de l’émotion, ou des deux. Ça n’est sans doute pas pour rien que Samara Joy a, en 2019, remporté la prestigieuse compétition de chant au Sarah Vaughan International Jazz Vocal Competition.

C’est d’ailleurs à cette dernière – mais aussi à Ella Fitzgerald – que beaucoup s’aventurent à comparer sa voix, notamment lorsqu’on sait que le label Verve est commun aux deux chanteuses. S’il y a, certes, des parallèles, Samara Joy développe dans Linger Awhile un univers qui lui est propre. Une sorte de croisée des chemins entre envolées de be-bop, musique d’ambiance et tour de chant, qui se fait entendre sur l’album entier. Quelque chose de grand pousse chez cette jeune femme tout droit venue du Bronx ; il a même déjà commencé à éclore.

Des arrangements réjouissants

Samara Joy a décidé de s’accompagner de vraies références dans leurs domaines pour construire l’âme de Linger Awhile : le guitariste Pasquale Grasso, le pianiste Ben Paterson, le contrebassiste David Wong, ou encore le batteur Kenny Washington. Il faut bien dire que les arrangements sont, dans ce deuxième album, d’une subtilité tout à fait réjouissante. Ils résument à eux seuls la portée du titre du disque : Linger Awhile, ou, en français, « S’attarder un peu ».

Et pour s’attarder, Samara Joy s’attarde. Elle fait traîner en longueur la couleur jazz de certains standards, et incarne de la plus belle des façons le lien durable qui unit une chanteuse de son envergure au piano. Car bien souvent, si ce dernier s’accorde au timbre de la vocaliste, il arrive qu’il prenne une place capitale, comme pour signifier que, oui, ici : c’est bien le jazz qui s’exprime.

Samara Joy se laisser aller à profiter de la richesse de certains titres standards (la reprise de Can’t Get out of This Mood est une pépite), mais elle aime également apposer ses propres paroles sur certaines compositions. On pourrait citer la chanson qui donne son titre à l’album, Linger Awhile, où elle excelle dans l’art de raconter ce qui se passe lorsqu’on s’attarde un peu. Sur quoi ? L’amour, la vie, le sens unique des choses.

Pour découvrir Samara Joy en live, seules trois dates sont, pour l’instant, programmées en France : le 25 octobre au New Morning, à Paris, le 8 mars 2023 à l’Espace culturel Robert Doisneau, à Meudon, et le 11 mars 2023 à l’Espace Sorano de Vincennes.

Linger Awhile, de Samara Joy, Verve. Disponible depuis le 23 septembre 2022.

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