Entretien

Les Autres, Misery, L’Exorciste… La playlist d’Halloween de Bernard Werber

29 octobre 2022
Par Agathe Renac
Les Autres, Misery, L'Exorciste… La playlist d’Halloween de Bernard Werber
©Roberto Frankenberg

Que ce soit à travers Les Thanatonautes, Depuis l’au-delà ou La boîte de Pandore, Bernard Werber aime nous faire voyager dans des histoires fascinantes et effrayantes. On a profité de la sortie de son dernier livre, La Diagonale des reines, pour lui demander quel était son programme pour Halloween.

En tant que maître de l’horreur, êtes-vous aussi un fan d’Halloween ?

Pour tout vous dire, je n’aime pas Halloween. La violence, les têtes coupées et les yeux arrachés ne me font pas rire. Je préfère les carnavals, quand on met des masques, que les rôles sont inversés et qu’il n’y a plus de statut. La fête des Morts mexicaine est aussi un très beau moment, rythmé par la joie. Je pense que le fait de diffuser des images choquantes n’est pas anodin et que les horreurs racontées par les écrivains ou les scénaristes sont dans leur tête.

Quand j’ai rencontré Thomas Harris, qui a imaginé Le Silence des Agneaux, j’ai ressenti beaucoup de noirceur en lui. De la même manière, je pense que l’auteur d’American Psycho a des points communs avec son héros. Pour moi, on ne peut pas se mettre dans la peau d’un serial killer si on n’a pas des parties très sombres en nous.

Anthony Hopkins dans Le Silence des Agneaux.©Orion Pictures Corporation

Néanmoins, j’adore Lovecraft et Stephen King, car le premier voyage dans l’imaginaire et le deuxième parle des peurs de l’enfance. À l’inverse, la violence pour la violence ne m’intéresse pas. C’est un spectacle horrible qui cherche à créer des émotions et qui entretient le côté voyeur du public. Par exemple, le film Hostel, c’est une heure de pur sadisme. Je n’aime pas le gore, ni la mise en valeur des tortionnaires.

Étonnamment, j’écoute de la musique hard rock. Des groupes comme Iron Maiden et AC/DC dégagent une énergie violente et intéressante. Ils agissent comme une catharsis et c’est ma limite entre le malsain et l’acceptable. Des films comme Duel ou Les Dents de la mer de Spielberg m’ont fait très peur, mais ils restent subtils. Ils jouent simplement avec nos peurs.

Mais il y a aussi des films sur l’invisible, le surnaturel et les esprits…

Oui, le Sixième Sens et Les Autres sont des films extraordinaires. On comprend à travers ce dernier que les esprits ont leur propre système : ils pensent qu’ils sont la “norme” et que nous sommes les intrus. Le film nous explique simplement que quand on entre dans un endroit dit “hanté”, il faut respecter le lieu et ses habitants. Il faut être poli et humble avec le monde invisible.

Quel film vous a le plus terrifié ?

L’Exorciste, de William Friedkin. Il est très bien réalisé, et la mention “inspiré de faits réels” ajoute une dimension horrifique supplémentaire.

Et quel livre vous a le plus effrayé ?

Misery, de Stephen King. Il y a une énorme différence entre l’œuvre originale et l’adaptation cinématographique. Dans le film, Annie Wilkes apparaît comme une femme folle et méchante. Dans le livre, on ne sait pas quoi en penser. Ce qui m’a le plus effrayé, c’est le thème de la folie. Ceux qu’on ne peut plus raisonner me font peur. J’espère sincèrement ne pas devenir fou.

Une expérience que vous nous conseillez pour Halloween ?

Venez voir mon spectacle, Voyage intérieur ! Je fais voyager les spectateurs dans leurs vies antérieures. Il y a une vraie ambiance : le show est rythmé par la musique d’une harpiste, et toute la salle est en transe, les yeux fermés. C’est incroyable.

Quel événement vous a le plus traumatisé dans votre vie ?

J’ai été moniteur de colonies de vacances et j’ai passé une semaine à Luchon, avec des enfants de soldats de 11 à 13 ans. Ils avaient recréé les grades de leurs parents : le fils du colonel dirigeait, ceux de l’adjudant et du capitaine l’assistaient, etc. Ils persécutaient un petit rouquin, qui était fils de gendarme – ils ne sont pas considérés comme des militaires. J’ai voulu mettre fin à ce harcèlement et j’ai confisqué tous les couteaux et les lance-pierres des ados. Un soir, le fils du colonel m’a dit qu’il allait me “casser la gueule”. Ils ont tous récupéré leurs armes et ont décidé de venir m’attaquer.

C’est comme si je m’étais retrouvé dans le film Misery. Je devais affronter dix gosses qui me voulaient du mal. Ils étaient certes plus petits, mais plus nombreux et armés. J’avais l’impression d’être face à une meute de loups. Il était minuit et j’ai essayé de trouver la bonne intonation pour leur dire d’aller se coucher. Pendant dix secondes, tout le monde se regardait sans parler. Ils attendaient que le fils du colonel attaque en premier. Il a hésité. Les secondes passaient, puis il y a eu un bruit. Ils ont cru qu’un autre moniteur arrivait, alors ils ont tous détalé.

La nouvelle Les Démons du maïs (Children of the Corn) a été adaptée au cinéma.©Syfy

Le mono m’a dit qu’ils ne me respectaient pas car je ne les frappais pas. J’ai raconté cette histoire au directeur en lui demandant ce que j’aurais dû faire. Selon lui, j’aurais dû punir le rouquin pour faire plaisir au reste du groupe. Après cette nuit, j’ai décidé de ne plus jamais faire ce métier. Cette histoire m’a fait penser à une nouvelle de Stephen King, Children of the Corn. C’est un groupe d’enfants qui attaquent les adultes. Ils sont tout petits et se cachent dans les champs de maïs, mais dès qu’ils grandissent et dépassent leur taille, ils s’éliminent entre eux. Le parallèle était aussi amusant qu’effrayant.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste