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Les essais féministes incontournables de la rentrée littéraire

30 septembre 2022
Par Hugo Mangin
Les essais féministes incontournables de la rentrée littéraire
©DR

[Rentrée littéraire 2022] Parmi les romans à paraître d’août à octobre se cachent aussi de nombreux essais. Très bien représentés cette année encore, cinq après #Metoo, les textes féministes ont su s’imposer sur les étals des librairies. Voici notre sélection des immanquables.

1 La Culture de l’inceste, d’Iris Brey et Juliet Drouar

En écho aux réflexions sur la culture du viol, les contributrices et contributeurs du livre collectif La Culture de l’inceste s’attachent à penser ce qui, dans notre société, ancre l’inceste dans nos représentations, le permet – voire l’encourage. En invitant à penser l’inceste en termes culturels et politiques plutôt qu’individuels, ces réflexions d’une rare exigence intellectuelle invitent à comprendre à la fois l’ampleur du problème et les moyens de l’enrayer.

La Culture de l’inceste, d’Iris Brey et Juliet Drouar (dir.), Seuil, 208 p., 20 €. En librairie depuis le 9 septembre 2022.

2 De chair et de fer, de Charlotte Puiseux

Charlotte Puiseux profite du récit de son parcours individuel pour étendre sa réflexion vers l’un des points aveugles du féminisme : les conditions d’existence des femmes handicapées. Reléguées aux marges de la société – par des espaces et des infrastructures qui peinent encore à s’adapter, par la difficulté d’accéder à la vie professionnelle, mais aussi à l’amour et au désir –, ces femmes apparaissent alors au cœur d’une double discrimination : patriarcale et validiste. En soulignant les mécanismes qui mènent à l’exclusion, l’autrice examine le système idéologique qu’est le validisme – qui fait croire que ce seraient les corps handicapés plutôt que la société elle-même qui entraveraient la vie des personnes handicapées.

De chair et de fer. Vivre et lutter dans une société validiste, de Charlotte Puiseux, La Découverte, 160 p., 17 €. En libraire depuis le 18 août 2022.

3 Vieille fille, de Marie Kock

Marie Kock est journaliste – mais aussi « vieille fille ». Dans un récit personnel ponctué de références à la pop culture et d’analyses sociologiques, elle s’attaque ici avec efficacité aux poncifs qui circulent encore sur les femmes célibataires « d’un certain âge ». Loin des clichés de laideur, de solitude et d’aigreur, l’autrice dresse un portrait bien plus flatteur – mais surtout plus vrai – de ces femmes qui ont choisi de vivre seule. Elle met ainsi en valeur les nombreux avantages de ce mode de vie, qui permet à celles qui l’embrassent d’échapper à la surveillance et aux loyautés parfois pesantes, mais qui les encourage surtout à inventer d’autres manières de vivre avec soi et avec les autres.

Vieille fille, de Marie Kock, La Découverte, 220 p., 19 €. En librairie depuis le 8 septembre 2022.

4 Toute une moitié du monde, d’Alice Zeniter

La romancière Alice Zeniter poursuit ici la réflexion entamée dans Je suis une fille sans histoire (Arche, 2021). À partir de ses propres expériences de lectrice et d’autrice, et portée par une rare érudition, elle fait apparaître le fait que la plupart des récits qui composent depuis toujours nos imaginaires littéraires sont immanquablement ancrés dans des représentations masculines. Elle pointe ainsi non seulement la difficulté pour les femmes de se reconnaître dans les personnages qu’elles croisent dans la littérature, mais aussi la position pénible qu’occupent encore aujourd’hui les autrices dans le milieu littéraire.

Toute une moitié du monde, d’Alice Zeniter, Flammarion, 240 p., 21 €. En librairie depuis le 31 août 2022.

5 La Norme gynécologique, d’Aurore Koechlin

C’est une véritable enquête sociologique que mène Aurore Koechlin autour de cette branche de la médecine qu’est la gynécologie. À partir de questions particulièrement pertinentes, mais pourtant rarement posées – pourquoi une partie de la médecine se consacre-t-elle au soin de personnes non malades ? –, elle interroge la légitimité des pratiques et des normes instituées par cette spécialité médicale. Très éclairant, ce texte fait bien sûr écho aux récentes prises de paroles publiques de patientes qui dénoncent les violences qu’elles ont subi ou qu’elles subissent dans leur prise en charge gynécologique et/ou obstétrique.

La Norme gynécologique. Ce que la médecine fait au corps des femmes, d’Aurore Koechlin, Amsterdam, 288 p., 20 €. En librairie depuis le 16 septembre 2022.

6 Féminicides, de Christelle Taraud

Sur presque 1 000 pages se croisent textes et documents de plus d’une centaine d’auteurs et d’autrices – travaux de spécialistes, contributions d’activistes, œuvres, témoignages – qui examinent les tenants et aboutissants de cette « guerre mondiale patriarcale contre les femmes » que forment les féminicides. Aussi scientifique que militant, Féminicides croise les voix de celles et ceux qui analysent et se dressent contre cette situation. L’ouvrage replace les féminicides dans le continuum des violences faites aux femmes dans le monde entier et depuis l’époque préhistorique. Un texte incontournable et nécessaire ; d’une ampleur absolument stupéfiante.

Féminicides. Une histoire mondiale, de Christelle Taraud (dir.), La Découverte, 928 p., 39 €. En librairie depuis le 8 septembre 2022.

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Article rédigé par
Hugo Mangin
Hugo Mangin
Journaliste