Tous les fans de bandes dessinées et de mangas en parlent : Piccoma, le géant mondial du webtoon, pose ses valises en France et devrait séduire un public encore plus large.
Tout a peut-être commencé avec Psy et son Gangnam Style. Quatre milliards de vues sur YouTube et un aperçu du tsunami coréen à venir. Depuis, il y a eu BTS et la K-pop, l’Oscar du meilleur film pour Parasite et Bong Joon-ho ou encore Squid Game sur Netflix. À tous les niveaux et partout sur Terre, la culture coréenne se fait une place de choix et séduit un public toujours plus large. Dans le monde de la bande dessinée également : ça s’appelle le webtoon. Un phénomène venu tout droit de Corée du Sud, largement répandu en Asie et notamment au Japon, qui prend de plus en plus de place en France.
Mais c’est quoi au juste, un webtoon ? C’est une bande dessinée, généralement des mangas ou manhwas (BD coréennes), qui se lit sur smartphone et qui se scrolle, horizontalement ou verticalement. Le webtoon est apparu au début des années 2000 en Corée du Sud. En France, c’est avec Delitoon que le format a vu le jour, 15 ans plus tard. Pendant longtemps, la plateforme est restée la seule active, telle une lame de fond sur le marché hexagonal. Elle propose des webtoons coréens et chinois, avec quelques titres phares comme Honey Blood, Adonis ou encore Ombres et lumières, des romances et parfois de la fantasy visant plutôt un public féminin et jeune.
Une bande dessinée animée pensée pour les écrans
Dans la foulée, Izneo, qui fait aussi de la BD numérique, le mastodonte coréen Naver et sa plateforme Webtoon (deux millions d’utilisateurs mensuels en France) ou encore les éditions Dupuis et leur Webtoon Factory, le groupe Delcourt avec Verytoon, Allskreen Webtoon, Mangatoon et Toomics ont senti le filon et rejoint l’aventure. Enfin, en mai dernier, séduit par l’engouement français pour le neuvième art asiatique, le géant japonais du webtoon est arrivé avec son application Piccoma Europe.
Mais qu’est-ce qui différencie le webtoon du manga ou de la BD numérique ? Ce n’est plus seulement une bande dessinée scannée pour être lue sur smartphone, tablette ou ordinateur. Non, terminés les dessins statiques et pensés en pages A4, appelés manhwa en Corée du Sud. Contrairement au manga qui passe du papier au numérique, les auteurs créent leur webtoon spécifiquement pour ce format digital. Ils peuvent être adaptés en papier, si le succès au rendez-vous, mais ce n’est pas automatique.
Davantage de couleurs, de mouvements, parfois même d’animations, des effets de ralenti, sonores et pas de publicité. Bref, les illustrateurs s’en donnent à cœur joie et jouent avec ces nouvelles possibilités. Pour Hyung-Rae Kim, CEO de Piccoma Europe, « c’est le meilleur moyen de faire lire les jeunes. Il faut les chercher là où ils sont, à savoir sur les écrans. Il faut proposer une expérience qui se rapproche de ce qu’ils trouvent sur TikTok, YouTube, Twitch ».
Lore Olympus premier mondial, Solo Leveling premier français
Le webtoon, c’est aussi un retour au modèle originel de la bande dessinée, à savoir une publication épisodique et régulière, comme le sont les comics américains ou comme l’étaient certaines revues en France, telles que Spirou ou Fluide Glacial. Car le modèle webtoon ne ressemble en rien à celui des plateformes existant pour d’autres domaines culturels. Ici, pas d’abonnement, mais généralement des premiers chapitres gratuits et ensuite un paiement à chaque nouvelle sortie d’épisode. Une transaction qui se fait dans une monnaie numérique propre à chaque plateforme.
Parfois, il est possible d’attendre (une journée, plus ou moins) pour gagner des crédits gratuits et débloquer un nouvel épisode. Autre spécificité du webtoon : la dimension communautaire permise par le numérique. Auteurs et lecteurs sont directement en contact et peuvent échanger autour de l’intrigue, des personnages, des dialogues… Pour le moment, la fonctionnalité n’est pas encore au goût du jour en France.
Parmi les webtoons les plus connus : Lore Olympus, True Beauty, Down To Earth, unOrdinary, Solo Levelling, Tower of God, Lecteur Omniscient, Bâtard ou encore Age Matters atteignent des sommets. Les plus connus ont leur adaptation BD, animée ou même cinématographique. C’est le cas de Lore Olympus, le webtoon le plus connu à travers le monde : Naver revendique 975 millions de vues pour ce titre. Cette histoire d’amour inspirée par la mythologie grecque a également sa version papier, tout aussi fructueuse. En France, c’est Solo Leveling (une histoire de chasseurs de monstres éditée par Delcourt en numérique, en papier et bientôt en anime) qui remporte la palme.
L’arrivée de Piccoma Europe, un tournant pour le webtoon
L’arrivée de Piccoma en mai dernier devrait donc accentuer cet engouement français pour la BD asiatique. Le pionnier du webtoon mondial compte beaucoup sur deux titres déjà adaptés sur Netflix, Demon Catchers et Itaewon Class, « vraiment parfaits pour entrer dans l’univers des webtoons », toujours selon Hyung-Rae Kim. Au Japon, en tout cas, la plateforme est devenue leader en seulement quelques années.
Elle arrive donc en France (c’est déjà la première application dans la catégorie BD sur le Play Store) avec l’envie de réussir le même coup de force. En tout cas, son catalogue devrait lui permettre de bousculer les acteurs déjà présents. Pour ce qui est des mangas, elle a les droits de Fairy Tail, Edens Zero ou encore Spy x Family et pour les webtoons, SSS-Class Revival Hunter, Comment tuer la vilaine et La Vraie, c’est moi. De vrais best-sellers. Le tsunami coréen n’a donc pas fini de déferler sur la culture mondiale et française. Oppa Korean Style.