En résumé
À trop vouloir s’inspirer des références d’autrefois, Lost Sphear donne l’impression de rester figé dans le passé sans réellement se donner les moyens d’y puiser une véritable inspiration. Si l’expérience reste plaisante de bout en bout, elle n’a pas la prétention de marquer les esprits sur la durée et ne satisfera que les plus nostalgiques en quête d’une petite madeleine de Proust.
Note technique
Les plus et les moins
- La volonté de renouer avec l'âge d'or du RPG
- Un système de combat plutôt subtil dans son ensemble
- La personnalisation des bonus passifs via les artefacts
- Les attaques spéciales et combinées propres aux Exomechs
- Intégralement traduit en français
- L'aventure post-game assez consistante
- Une D.A. qui ne compense pas les faiblesses de la réalisation
- Pas assez ambitieux sur le plan narratif
- Des cut scenes intempestives qui hachent le rythme
- Rebondissements majoritairement prévisibles
- Progression linéaire impliquant trop d'allers-retours dans la capitale
- Plutôt facile si l'on exploite tous les avantages conférés par le jeu
Notre test détaillé
Ouvertement dédié aux nostalgiques des RPG à l’ancienne, Lost Sphear est la nouvelle création du studio Tokyo RPG Factory qui s’était fait connaître avec I am Setsuna en 2016. Misant cette fois sur des mécaniques permettant de recréer le présent à l’aide de souvenirs perdus, Lost Sphear n’en reste pas moins toujours aussi profondément ancré dans les rouages d’un passé révolu.
(Ce test a été effectué sur une Nintendo Switch.)
Essentiellement parsemé de blanc, le monde de Lost Sphear est en sursis. Ce n’est pas la blancheur immaculée de la neige qui s’étend sur lui, mais bien celle d’une malédiction, signe de l’effacement de quelque chose qui était là auparavant et dont un phénomène mystérieux a brutalement rayé l’existence. Mais qu’est-ce qui peut bien dématérialiser inexorablement cet univers, faisant disparaître une à une toutes les choses sans distinction ?
Tout doit disparaître
Parmi les habitants de ce monde en péril se trouve un certain Kanata. Ce jeune orphelin a priori comme les autres va rapidement découvrir qu’il est le seul à pouvoir apporter une solution viable au phénomène de « perte » qui frappe sa planète. Un fléau qui se traduit par la disparition de pans entiers de l’environnement qui deviennent totalement inaccessibles, et même de personnes autrefois bien réelles dont il ne reste plus qu’une ombre livide. Pour Kanata et ses compagnons, l’urgence première est donc de restaurer ce monde perdu en dépit des agissements de l’empire, grâce aux souvenirs éparpillés dans les mémoires de ceux qui n’ont pas encore disparu.
Concrètement, notre rôle en tant que joueur sera de dénicher les sources susceptibles de générer des souvenirs cruciaux afin de restaurer les innombrables objets brumeux symbolisant les choses perdues, les environnements évaporés ou les personnes effacées.
Maître des artefacts
Sur la carte du monde, la restauration de ces étranges zones blanches qui peuvent recouvrir des villes ou des régions tout entières s’avère bien souvent facultative. En effet, selon la nature des fragments de souvenirs utilisés pour les matérialiser, le processus génère différents artefacts pouvant produire des effets bonus divers et variés qui affectent l’ensemble du monde. Autrement dit, cette création d’artefacts rend chaque partie unique en permettant au joueur de s’octroyer les effets bénéfiques qui l’intéressent le plus afin de faciliter sa découverte du jeu.
Les bonus plus basiques afficheront par exemple la jauge de vie des ennemis ou accéléreront nos déplacements, tandis que les plus évolués favoriseront l’apparition d’adversaires rares riches en points d’expérience. Une trouvaille plutôt habile qui brille aussi par son extrême souplesse, chaque artefact pouvant être remplacé à volonté, du moment que l’on possède les souvenirs associés à sa création.
Spirites, Momentum et Exomechs
En marge de ce concept, le système de combat, bien que fondamentalement old school, combine de manière intéressante l’alternance des tours via la classique jauge ATB héritée des Final Fantasy ainsi que le positionnement des unités sur le terrain. En mode semi-actif, l’action se fige pour nous laisser le temps de choisir nos techniques et de nous placer du mieux possible sur la zone de combat, ce qui est primordial pour optimiser les dégâts infligés aux ennemis. Car chaque type d’attaque ou de magie peut s’étendre sur une zone d’effet touchant plusieurs cibles à la fois. Il convient donc de prendre en compte la trajectoire de la technique utilisée, en se plaçant si possible dans le dos des adversaires, pour mettre ces derniers en difficulté.
Les affrontements trouvent aussi une certaine subtilité dans la nature des éléments équipés sur les personnages. Ce sont ces derniers, appelés « spirites », qui définissent la palette de compétences de chaque membre du groupe et donc leurs aptitudes à user de techniques de type physique ou magique. Alliée à la notion de Momentum, qui consiste, lorsque les conditions sont réunies, à optimiser une attaque pour déclencher un effet secondaire librement défini par le joueur, le système de combat se montre de plus en plus sympathique à mesure que l’on avance dans le jeu. S’ajoute à cela la possibilité pour les héros de se glisser à tout moment dans des robots géants baptisés Exomechs afin de décupler leur potentiel offensif. Les pilotes ont alors accès à de nouveaux types d’attaques spéciales pouvant faire intervenir plusieurs Exomechs à la fois pour des résultats dévastateurs.
Des faiblesses à conjuguer au présent
Plaisant à jouer et plutôt touffu sur le papier, Lost Sphear souffre en contrepartie de plusieurs défauts qui pourraient bien s’avérer rédhibitoires pour une majeure partie du public. Si l’approche old school est pleinement assumée, la direction artistique ne suffit pas à compenser les faiblesses de la réalisation d’un autre âge. Bien qu’intégralement traduit en français, le titre manque aussi cruellement d’ambition sur le plan narratif, avec des rebondissements souvent prévisibles et des cut scenes intempestives qui hachent le rythme au point de le rendre poussif. Très linéaire, la progression impose trop d’allers-retours dans la capitale et, même en difficulté normale, le challenge n’est que rarement au rendez-vous.
L’aventure devient d’ailleurs d’autant plus aisée si l’on prend la peine de renforcer au maximum ses pièces d’équipement moyennant finances. Enfin, la durée de vie de la quête principale avoisine seulement les vingt heures de jeu, ce qui peut sembler assez faible pour un RPG proposé à une quarantaine d’euros. Une longévité qui ne prend toutefois pas en compte l’aventure post-game accessible après les crédits et dont nous tairons ici les enjeux.
Conclusion
À trop vouloir s’inspirer des références d’autrefois, Lost Sphear donne l’impression de rester figé dans le passé sans réellement se donner les moyens d’y puiser une véritable inspiration. Si l’expérience reste plaisante de bout en bout, elle n’a pas la prétention de marquer les esprits sur la durée et ne satisfera que les plus nostalgiques en quête d’une petite madeleine de Proust.