Sur ma platine : les recos vinyles de Sacha, créateur du compte Insta Tangerine

Il a fait de sa moue désabusée l’une de ses marques de fabrique. Mais derrière ses airs nonchalants, Sacha Lebas est un passionné. Biberonné aux Strokes, Libertines, Yeah Yeah Yeahs et autres Arctic Monkeys, ce modélisateur 3D de 32 ans a créé Tangerine en 2019. Son objectif ? « Partager mon amour pour la scène indie-rock et post-punk ».

Tangerine se décline ainsi sur un compte Instagram. Sur ce fil rock’n’roll, Sacha distille actus des sorties, anecdotes pointues, interviews de mélomanes et décryptages de disques cultes. Un vrai petit labo musical. Tangerine, c’est aussi une chaîne YouTube où l’on retrouve des formats longs, des sessions live, des interviews. Avec toujours l’envie de mettre en lumière des artistes passés sous les radars et des pépites indie.

« Il n’y a rien de plus grisant que de révéler des perles rares qui m’animent et d’avoir le retour de la communauté pour qui les artistes vont parfois devenir des incontournables. Et inversement, ma communauté est vraiment top et force de propositions », explique-t-il.

Quels sont les 33T indispensables de Sacha ? Voici les prescriptions vinyles du créateur de contenu.

Te souviens-tu de ton tout premier vinyle ?

Animals de Pink Floyd. Chez mes parents, on avait déjà The Wall qui me plaisait beaucoup et, quand, en brocante, je suis tombé sur la pochette avec le cochon (Algie) dans les airs au-dessus de la centrale électrique, j’ai tout de suite été conquis. Cette pochette m’a tellement intrigué que j’en ai fait un épisode sur la chaîne YouTube de Tangerine pour expliquer toute l’anecdote improbable autour de ce choix artistique. Les gars ont fait monter un cochon en hélium dans les airs avec un tireur d’élite posté sur le bâtiment d’en face au cas où il s’envolerait- ça n’a pas empêché. C’était vraiment une autre époque !

Qu’est-ce qui t’a fait tomber amoureux du vinyle ?

L’objet. Je le trouve fascinant, alors pas très pratique parce qu’il faut se bouger pour le retourner dès que la face est terminée, mais la qualité du son sur un bon ampli est inégalable avec ce que l’on écoute sur nos téléphones. Et c’est aussi l’un des seuls moyens que l’on a aujourd’hui, en plus des concerts et du merchandising, de soutenir nos artistes préférés.

Quel est le nombre approximatif de vinyles dans ta collection ?

J’en ai exactement 66. Je viens à l’instant de finir de les trier par ordre alphabétique. Pendant longtemps, je les rangeais par genre (pire idée), tu te retrouves avec des intercalaires tellement précis que ça donne des trucs du type post-punk/indie/flûte de pan ou encore electro/jazz/Biniou Kozh.

As-tu une platine automatique ou manuelle ?

Automatique. Pendant longtemps, j’ai eu une manuelle. J’ai changé par pure fainéantise et je me rends compte que pour la prochaine, je retournerai sur une manuelle : tu peux bouger le saphir comme tu veux sans avoir le sentiment de déranger le bras mécanique dans son trajet avant l’arrivée.

 Tes conseils pour choisir une platine ? Quelle est la tienne ?

J’ai une platine vinyle Sony PSLX310BT, achetée à la Fnac. À l’époque, je l’avais prise pour l’option bluetooth qui permet de diffuser le son sur n’importe quelle enceinte. En l’installant, j’ai découvert que le bluetooth, c’est pratique mais ça compresse énormément le son et réduit la qualité d’écoute.

Mon conseil principal : il faut que le design vous plaise, et si vous voulez faire du scratch ou devenir disc-jockey, privilégiez la courroie à entraînement direct. Après, le choix entre une platine horizontale ou verticale, c’est à vous de voir selon la place que vous avez chez vous (verticale, c’est cool, mais pour changer de titre c’est pas très pratique).

Tu préfères écouter au casque ou en mode salon plein volume ?

Plutôt en mode salon plein volume pour donner de l’ambiance et de la constance à la pièce. Après, les voisins ne sont pas toujours d’accord avec cette réponse… On se fait souvent des ping-pongs entre nous : eux m’envoient des tubes des années 80 et généralement je réplique, je leur fais découvrir des groupes de post-punk ou de krautrock.

Le dernier vinyle que tu as acheté ?

La réédition de Lux Prima de Karen O et Danger Mouse. J’aurais dû l’acheter à sa sortie et je n’ai fait que repousser, repousser et repousser. J’ai un listing de vinyles à acheter tellement long que même Google aurait du mal à tout référencer.

L’album que tu recommandes pour initier quelqu’un au vinyle ?

Random Access Memories des Daft Punk. Ce disque est réputé pour avoir une qualité sonore exceptionnelle, le mastering est parfaitement équilibré et le mix d’une clarté exemplaire. C’est valable pour la version originale, mais également pour l’édition des 10 ans : dans les deux cas, l’écoute est d’une très haute qualité.

Le meilleur album live à écouter en vinyle ?

MTV Unplugged de Nirvana, c’est un incontournable. Kurt Cobain dégage dans sa voix une sorte de mélancolie des années 90, qui fait encore écho aujourd’hui. C’est assez profond surtout lorsque l’on sait qu’il se donne la mort quelques mois après cet enregistrement live. C’est un petit peu les derniers instants du grunge, dans une ambiance intimiste.

Un morceau qui sonne vraiment mieux sur vinyle qu’en numérique ?

Le 45 tours de Paranoid Android de Radiohead. La qualité sonore est largement supérieure à la version CD de l’album OK Computer, les transitions sont moins abruptes et la compression moindre, ce qui fait que l’on se laisse plus facilement porter par l’atmosphère du titre. On vit l’expérience avec plus d’immersion- parce que je considère que Radiohead se vit plus que ne s’écoute !

Un duo d’artistes rêvé pour une face A/face B ?

Alex Turner (chanteur des Arctic Monkeys) et Jorja Smith. Le duo parfait : d’un côté, la poésie romantique et de l’autre, la prêtresse d’une soul moderne. Deux mondes qui paraissent complètement éloignés dit comme ça, mais qui créeraient une conversation amoureuse, intime et suspendue dans le temps.

Ce serait un véritable ralentissement du temps à travers la musique. Rien que de vous le dire là maintenant, j’ai du mal à réaliser.

Une pochette de disque que tu pourrais accrocher chez toi comme une œuvre d’art ?

Le premier album des Stone Roses (The Stone Roses), réalisé par John Squire, le guitariste du groupe. L’inspiration principale de cette pochette est le peintre américain Jackson Pollock. Les traits bleus/blancs/rouges font référence au drapeau de la France et le citron à Mai 68.

Pour l’anecdote, Ian Brown, le chanteur du groupe, avait rencontré un ancien soixante-huitard qui lui avait expliqué que la seule solution efficace en manif contre le gaz lacrymo, c’était de se mettre du citron sur les yeux. J’ai essayé mais je ne comprends toujours pas le concept…

Le vinyle préféré de ta collection ?

In The Grace of Your Love (2011) de The Rapture, qui est à mes yeux un album complètement sous-côté. Ce disque est en partie né après la mort du père du chanteur Luke Jenner. On ressent une vraie catharsis sincère, notamment à travers des titres comme Children, Never Die Again ou In The Grace of Your Love. Plutôt que d’en avoir fait un album très mélancolique, l’émotion ne se cache pas, elle se danse.

Ce disque a une touche dance-punk-rock unique, propre à son ADN, que l’on avait déjà pu constater sur le précédent album du groupe Echoes. Je pense que ce renforcement un peu plus mature du côté dance est lié au producteur Philippe Zdar, qui, lui, avait déjà pas mal d‘années d’expérience. Il y a d’ailleurs beaucoup de similitudes dans le son entre l’album de The Rapture et 1999 de Cassius.

Un disque que tu pourrais écouter en fond sonore toute la journée ?

Phaedra de Tangerine Dream, je l’écoute en fond sonore à longueur de journée d’ailleurs. Il est à la fois méditatif et aussi booster. Ce sont des longs titres de 17/20 minutes, c’est une belle expérience d’écoute. Il faut être dans un certain mood pour écouter Tangerine Dream, j’en conviens que ce n’est pas accessible pour tout le monde.

Et le vinyle parfait du dimanche ?

La BO de Good Morning England. C’est parfait pour transformer une journée, c’est un peu comme un rayon de soleil, ça transpire le positivisme musical. C’est à la fois une déclaration d’amour à la liberté, plus précisément celle des radios pirates, et ça permet de lier les gens entre eux. Ce film est une très bonne expérience musicale des années 60, il est très bien apprécié, chaque titre est un moment de grâce. À mettre dès le réveil.

As-tu un disque que tu ne passes jamais parce qu’il est trop précieux ?

Sgt. Pepper’s Lonely Heart Club Band des Beatles. J’ai la chance d’avoir un original qui me vient de ma mère, qui elle-même l’avait reçu de sa tante, qui l’avait acheté à sa sortie en 1967. Le disque est rouge, ce qui n’était pas très commun dans les 60’s. Le groupe a vraiment bien exploité le concept de la stéréo dessus, ce qui n’était jusque-là principalement utilisé que pour les enregistrements orchestraux et symphoniques.

Un artiste actuel qui devrait sortir un vinyle collector ?

Les Arctic Monkeys et leur tout premier EP, When the Sun Goes Down, dont on ne parle presque jamais. Il est sorti en 2006, pressé à très peu d’exemplaires. Il contient 4 titres dont 7, qui est assez bien représentatif de l’ADN que le groupe se construit à l’époque. La voix d’Alex Turner n’est pas encore trop travaillée, on sent que ça tire sur les cordes vocales. Le solo de ce titre annonce bien celui de I Bet You Look Good On The Dancefloor. C’est un très beau marqueur de temps dans l’histoire du groupe.

Un album que tu aimerais voir réédité en vinyle ?

Blue Sunshine (1983) de The Glove, side-project de Robert Smith (The Cure) et Steven Severin (Siouxsie and the Banshees). Ce disque est une véritable parenthèse psychédélique dans l’univers gothique.

La genèse de ce disque, on la doit à une instabilité du côté de Robert Smith qui est au sein de The Cure mais aussi guitariste pour Siouxsie and the Banshees. Les deux décident de faire une pause et de lancer un projet artistique qui les amuse. Et on sent vraiment qu’il n’y a aucune pression commerciale derrière ce disque, que c’est purement une exploration artistique. C’est vraiment un petit bijou.

Le graal absolu de ta wishlist vinyle ?

Mon listing Discogs me dit : le premier EP de Anika, un original de Disintegration de The Cure, le B-side Fire Escape/Waterdrop de The Horrors et Turn This Mutha Out d’Idris Muhammad.