Sélection

1Mois/1Piano : pourquoi (ré)écouter le génial Herbie Hancock

10 avril 2025
Par Christophe Augros
1Mois/1Piano : pourquoi (ré)écouter le génial Herbie Hancock

Herbert Jeffrey « Herbie » Hancock a traversé six décennies en musique depuis son premier album de 1962. Ce pianiste, compositeur et arrangeur, né le 12 avril 1940 à Chicago, est un vrai caméléon, curieux et versatile. Admiré ou critiqué, il n’a jamais laissé indifférent. Un précurseur qui fête ses 85 ans cette année. Zoom sur cette figure incontournable du jazz.

Comme son mentor le trompettiste Miles Davis, il a toujours été inclassable, iconoclaste. Herbie Hancock a tout absorbé, du blues au funk en passant par le gospel et les musiques électroniques. Un style au piano et aux claviers unique, doublé d’un phrasé vite identifiable grâce à ses harmonies urbaines et complexes et sa signature rythmique. Tant de jeunes musiciens ont essayé de l’imiter sur ces six décennies. Mais Mister Hancock reste unique.

Herbie Hancock et le jazz

Herbie Hancock a été un pionnier du piano électrique « Rhodes » et du clavinet « Hohner », puis de tous les nouveaux synthétiseurs et ordinateurs. Mais jamais il ne perdra de vue son amour pour le piano classique. Son style continuera d’évoluer vers des formes plus complexes, aussi à l’aise avec un groupe funk qu’avec une section rythmique « bop ». C’est cette gymnastique, cette curiosité et cette polyvalence qui gêneront les puristes tout au long de sa carrière. C’est également l’explication majeure de sa longévité et de son génie.

Après des études au Grinnell College dans l’Iowa, il est invité par un autre génie du jazz, le trompettiste Donald Byrd, à rejoindre son groupe. Nous sommes en 1961. Il ne faudra pas longtemps avant qu’une maison de disques ne lui offre son premier contrat. C’est Blue Note qui le signe pour l’album Takin’ Off. La reprise de son titre Watermelon Man par Mongo Santamaria participera au succès de l’œuvre.

12,50€
16,17€
En stock
Acheter sur Fnac.com

En 1963, Miles Davis lui propose de rejoindre son groupe pour l’enregistrement de l’album Seven Steps To Heaven. Hancock restera cinq années avec lui, jouant un rôle majeur dans les changements de direction artistique du trompettiste.

À partir de
10€
En stock
Acheter sur Fnac.com

C’est Miles aussi qui lui suggère de se diriger vers le piano électrique. Sur Blue Note, il laisse des classiques du jazz comme Maiden Voyage, Cantaloupe Island (repris un nombre incalculable de fois), Goodbye To Childhood et Speak Like A Child. Il a également joué sur de nombreuses sessions d’enregistrements pour le producteur Creed Taylor.

Enfin, il signe sa première musique de film sur le long-métrage Blow Up en 1966. De nombreuses B.O. suivront les décennies suivantes, dont celle d’Autour de minuit de Bertrand Tavernier.

Herbie Hancock et le funk

En 1968 – grande année -, il quitte Miles pour enregistrer l’album funk Fat Albert Rotunda. En 1969, il forme son sextet qui sera l’un des plus passionnants de l’ère jazz-rock. Puis, il s’immerge totalement dans l’électronique en ajoutant des synthétiseurs à son funk, des pédales wah-wah et du clavinet. Sa musique devient plus libre et plus complexe, dans le rythme comme dans la structure.

Herbie Hancock est avant-gardiste. Cette démarche aboutit à la création du groupe funk génial Headhunters, dont le premier opus éponyme – très influencé par Sly Stone – contient l’incroyable Chameleon. Cet album est, avec le Kind Of Blue de Miles, la plus grosse vente dans l’histoire du jazz.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

À partir de
12,57€
Voir sur Fnac.com

Désormais, Herbie assure tous les claviers seul. Dans les années 70, il enregistre des albums électriques d’une qualité incroyable. Nénanmoins, il n’abandonne pas le jazz acoustique.  

M. Hancock et la culture hip-hop

Plus que jamais, Hancock se transforme en caméléon dans les années 80. Herbie en 1983, c’est Rockit : de l’électronique avec des sons de scratching de la culture hip-hop alors balbutiante. 1983 est aussi l’année du Thriller de Michael Jackson. On sent qu’une nouvelle ère s’ouvre, en totale rupture avec tout ce qui a précédé.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

Herbie Hancock réussit (presque) à faire oublier qu’il a été un grand du jazz. Toute une génération le découvre en maître de l’électro (à l’époque, on parlait de « smurf »).

Herbie Hancock, le caméléon

Trois ans après Rockit, il entame un partenariat avec Foday Musa Suso, virtuose de la kora dont le point culminant sera l’album Jazz Africa de 1986. Il continue les compositions pour le cinéma et tourne dans les festivals jazz avec les frères Branford et Wynton MarsalisGeorge BensonMichael Brecker et d’autres.

Après le Perfect Machine de 1988 très orienté techno-pop, Herbie quitte Columbia – son label depuis 1973 – et signe avec Qwest, label de Quincy Jones. Rien de marquant n’en sortira, et il ère ensuite de label en label.

Après des années 90 désastreuses dans lesquelles il existe grâce aux nouvelles générations qui utilisent son travail, son œuvre la plus marquante sera Future 2 Future en 2001. Un album magnifique où son exploration de l’électronique est magistrale. En 2007, son interprétation du catalogue de Joni Mitchell aboutit au non moins somptueux River The Joni Letters.

À partir de
10€
En stock
Acheter sur Fnac.com

En 2010, il enregistre Imagine Project dans sept pays avec les collaborations de Jeff Beck, Dave Matthews, John Legend, India ArieSealWayne Shorter et P!nk – pour ne citer que ceux-là.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

16,99€
19€
En stock
Acheter sur Fnac.com

Une influence majeure

Herbie Hancock a été influencé par de nombreux artistes, dont Maurice Ravel, Igor Stravinsky, Claude Debussy, Thelonious Monk, Miles Davis bien sûr, George Gershwin ou Oscar Peterson font partie.

À son tour, il est devenu une source d’inspiration pour une multitude d’artistes à travers le monde. Les Anglais des années 1990 plongeront allégrement dans son catalogue. En 1993, les Londoniens Us3 commercialisent l’album Hand On The Torch chez Blue Note.

On y trouve la plus réussie des reprises du titre Cantaloop Island intitulée Cantaloop (Flip Fantasia). Elle assure leur succès mondial.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

À partir de
29,95€
Voir sur Fnac.com

Plus tard, en 2016, les Massive Attack de Bristol utiliseront son Watermelon Man sur leur titre Dead Editors, duo avec le rappeur Roots Manuva. Plus de quarante ans après sa sortie, le titre reste toujours aussi actuel.

Carl Craig, DJ de Detroit et maître de l’électronique, avouera avoir Hancock comme influence majeure. Ce dernier fera appel à lui pour la conception de son album Future 2 Future en 2001.

Bill Laswell, bassiste, producteur et compositeur touche-à-tout et avant-gardiste, aura la même démarche. Ensemble, ils enregistrent Rockit en 1983.

Paolo Rustichelli et Alex Bugnon – pianiste de jazz dont la carrière couvre la période 1988-2025 – ont aussi reconnu avoir Herbie comme influence. Bugnon lui consacre un titre intitulé Mr Hancock sur son album Tales From The Bright Side en 1995.

Brandon Coleman, Patrice Rushen, Roy Ayers, Azymuth, Graham Central Station, Daft Punk (il suffit d’écouter I Thought It Was You d’Herbie Hancock pour s’en rendre compte) reconnaissent également leur admiration pour l’artiste…

Herbie Hancock, la discothèque idéale (1962-2007)

Takin’ Off (1962, Blue Note). Un premier album qui révèle un compositeur et un pianiste hors pair. Hancock rend accessible à un grand nombre de personnes une musique sophistiquée. Un album exceptionnel pour une première œuvre. Il installe les bases essentielles de sa carrière : pas de frontières musicales et de l’expérimentation. Un quartet impressionnant et déjà un standard du jazz : Watermelon Man.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

My Point Of View (1963, Blue Note). Un an après Takin’Off, il confirme son talent immense. Cinq titres dont deux sont très puissants : King Cobra et The Pleasure Is Mine.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

L’album réunit des musiciens à la réputation déjà mondiale : Donald Byrd à la trompette, Grant Green à la guitare et Tony Williams à la batterie. La complicité dans le groupe est impressionnante. Un album captivant avec une base hard-bop qui explore soul et blues (And What If I Don’t Know).

Empyrean Isles (1964, Blue Note). L’album d’un autre standard du jazz et un classique de sa carrière : Cantaloupe Island. Ici, il ajoute un big band et une section de percussions. One Finger Snap et The Egg sont aussi de grands titres. Il repousse encore les limites du jazz avec des mélodies assez minimalistes et des improvisations géniales. Cet album l’impose comme un artiste majeur.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

Maiden Voyage (1966, Blue Note). Seulement trois ans de carrière et déjà quatre albums et pas des moindres. La section rythmique composée de Ron Carter (bass) et Tony Williams (batterie) se dépasse encore. Les influences de Miles sont évidentes sur cet opus. Maiden Voyage est un beau disque avec des mélodies superbes et accessibles, comme sur Dolphin Dance ou Little One. Les cuivres tenus par Freddie Hubbard (trompette) et George Coleman (tenor saxophone) apportent le côté sublime.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

Speak Like a Child (1968, Blue Note). De la grâce et du lyrisme dans cet album qui semble plus conventionnel en surface (il n’en est rien). Le titre du même nom prouve encore qu’Herbie Hancock est capable de sortir des mélodies faciles à retenir. Le son est différent des précédents grâce à la présence d’un flûtiste (Jerry Dodgion) et du bugle (Thad Jones).

Fat Albert Rotunda (1970, Warner Bros.). Cet opus marque son incursion dans le jazz-funk avant le projet Headhunters. L’intro de Wiggle-Waggle sera samplée quinze ans plus tard dans le rap, tout comme le rythme de Fat Mama. Du funk avec rythmiques puissantes, créativité constante et superbes solo de Fender Rhodes, le tout par un sextet surréaliste. Voir les riffs funky du saxophoniste Joe Henderson. Un standard de plus : le titre Tell Me a Bedtime Story. Énorme !

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

Mwandishi (1971, Warner Bros.). Trois titres entre 10 et 21 minutes remplis d’expérimentations sonores. Hancock joue avec les reverbérations, les effets électroniques et la pédale de guitare Echoplex. Il confirme la direction prise avec Fat Albert Rotunda et s’inscrit dans la voie électrique ouverte par Miles Davis. Le travail du trompettiste Joe Henderson est remarquable. Idem pour celui de Bennie Maupin. Une œuvre unique et hallucinante.

À partir de
13€
En stock
Acheter sur Fnac.com

Crossings (1972, Warner Bros.). Trois titres entre 7 et 25 minutes dans lesquels les sept musiciens ont de la place pour improviser librement, sans complexes. Quasar visite des territoires musicaux alors inexplorés. En composant deux des trois titres, Bennie Maupin s’impose comme un compagnon de route essentiel. Le moog de Patrick Gleeson, les effets sur le Fender Rhodes, l’utilisation du clavier mellotron font de Crossings une expérience musicale à part.

À partir de
32,34€
Voir sur Fnac.com

HeadHunters (1973, Sony). Quatre titres qui laisseront des traces profondes dans l’esprit des générations suivantes. Un funk pur, des synthétiseurs électriques, de longues improvisations, de la soul fortement enracinée dans les musiques de Curtis Mayfield, Sly Stone et James Brown, et des sons qui serviront de bases au rap. Bennie Maupin, musicien de Detroit, y joue un rôle central tout comme le guitariste Paul Jackson et le batteur historique Harvey Mason.

9,99€
12€
En stock
Acheter sur Fnac.com

Thrust (1974, Sony). À nouveau quatre titres et Mike Clarke remplace Harvey Mason. Des rythmiques plus complexes que sur Headhunters, des harmonies sophistiquées, des clavinets, des synthés et des pianos électriques au service d’un funk imparable. Et un titre incroyable : Butterfly. Majeur.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

À partir de
10€
En stock
Acheter sur Fnac.com

V.S.O.P. (vol 1) (1976, Columbia / Sony). Un opus marquant dans l’histoire du jazz. Un très grand album live dans lequel le saxophoniste Wayne Shorter rivalise de créativité et de prouesses techniques avec le bassiste Ron Carter, le batteur Tony Williams et le trompettiste Freddie Hubbard. Herbie au piano électrique et un album merveilleux.

Future Shock (1983, Sony). En soit, cet album n’est pas un grand disque. En plus, il est assez court. Mais voilà, c’est l’album du single Rockit. Hancock s’entoure du bassiste avant-gardiste Bill Laswell et du DJ hip-hop Grand Mixer D.S.T. pour créer une musique hybride entre rap et électronique. Un titre précurseur qui change le cours de sa carrière, et un succès commercial planétaire qui participe à l’essor d’une culture hip-hop alors balbutiante.

Round Midnight / Autour de Minuit B.O.F. (1986, Columbia). Ce film de Bertrand Tavernier est aussi beau dans le scénario que dans sa bande son. Herbie Hancock y est musicien, compositeur et arrangeur. On lui doit Berengere’s Nightmare et Still Time. Wayne Shorter, Dexter Gordon, Pierre Michelot et Ron Carter sont dans le projet. Inoubliable.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

1 + 1 (1997, Verve). Deux amis de longue date, deux musiciens instinctifs, deux grands spécialistes de l’improvisation pour un album audacieux. Le saxophoniste le plus sensuel avec le pianiste spécialiste des mélodies et des harmonies complexes dans un dialogue unique. Sonrisa écrit par Hancock, et Diana écrit par Shorter sont à retenir.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

Gershwin’ World (1998, Verve). Un tour de force. Percutant, mélodique, funky, cet album bénéficie de superbes arrangements. Herbie s’entoure d’une cohorte de musiciens tels Joni Mitchell, Chick Corea, Kenny Garrett ou Ron Carter pour un hommage grandiose à la musique de Gershwin. Cotton Tail et Summertime sont les plus réussis.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

Future 2 Future (2001, Transparent Music). Un album beaucoup critiqué par les puristes à sa sortie. Pourtant, Herbie explore le courant drum & bass anglais ainsi que la musique électronique moderne. Un exercice de style dans lequel il va encore de l’avant, aidé par Carl Craig et par le DJ new-yorkais Rob Swift. Également présent le spécialiste de la drum & bass A Guy Called Gerald.

The Essence, avec la star Chaka Khan au chant, est une merveille. Il en va de même pour Black Gravity et Ionosphere. Guitare wah-wah, claviers aériens, sonorités hip-hop, rythmiques drum & bass, piano acoustique, cet album avant-gardiste est un digne héritier des projets Headhunters.

Pour lire la vidéo l’activation des cookies publicitaires est nécessaire.

River : the Joni Letters (2007, Verve). Herbie invite cinq femmes et deux hommes pour un projet somptueux, hommage à son amie et icône de la folk Joni Mitchell. Tina Turner, Norah Jones, Corinne Bailey Rae, Luciana Souza, Wayne Shorter et Leonard Cohen, ainsi que Joni Mitchell en personne, accompagnent le maître pour ce projet pur jazz. Une petite merveille.

À lire aussi

Décryptage
09 août. 2019
Article rédigé par
Christophe Augros
Christophe Augros
Disquaire à Fnac Chambéry
Pour aller plus loin
Sélection de produits