Livre événement, ce recueil hétéroclite accompagne l’exposition à la Cité de la musique qui commémore les trente ans de sa disparition. Chanteur, poète emblématique du paysage musical français, Brassens exerce toujours la même fascination au fil des générations. Joann Sfar, véritable couteau-suisse de l’écriture, se retrouve aux commandes de cette exposition et de ce livre objet décapant.
On le sait l’auteur du Chat du rabbin fait figure de touche à tout. Et avec talent. Et ce livre sur Brassens ne fait pas exception. Mêlant bande dessinées, manuscrits de Brassens, photos, lettres et une monographie plus qu’intéressante.
En évitant l’écueil de la biographie et de la construction linéaire, Clémentine Deroudille et Joann Sfar ont su présenté l’itinéraire et les choix du personnage à travers des thématiques importantes pour le chanteur. Que ce soit son attirance pour la littérature, son rapport à la musique ou encore ses positions libertaires ; cette approche sort des sentiers battus – et c’est tant mieux. Entrecoupé de citations de l’ami Georges les analyses et les anecdotes présentées sont savoureuses.
Introduite par quelques pages de bande dessinées chaque thématique s’ouvre sur un ton comique. Les enfants du dessinateur ont entamé une véritable quête autour de Brassens pour préparer l’exposé et l’exposition, puisque leur papa est un authentique fainéant. Le créateur du Petit Vampire se représente sous les trait d’un trentenaire accro aux jeux vidéos, qui passe sont temps à remettre les choses à plus tard.
Puis la bande dessinée laisse place à une visite de Brassens dans la chambre d’hôtel de Sfar d’où s’ensuivra une curieuse conversation. Délires narratifs, illustrations foisonnantes, l’iconographie créee pour l’occasion montre toutes les facettes de l’interprète de la Mauvaise réputation – et du dessinateur.
Outre les illustrations de Joann Sfar, l’autre point fort de ce livre reste la reproduction, et la transcription, de lettres et du carnet de notes de Brassens. Laboratoire d’écriture, journal intime, carnet futile,… ce cahier offre une nouvelle approche de l’univers du poète. On connait tous ses chansons, au moins en partie, mais l’on connait moins ses poèmes ou encore son roman. On ne sait peut être pas que Brassens ambitionnait au départ d’écrire, d’être écrivain plutôt que chanteur, ou encore que sa technique d’écriture consistait, en partie, à planquer des bouts de papiers couverts de notes et de citations dans les livres de sa bibliothèque et de composer à partir de ce qu’il retrouvait au hasard dans sa bibliothèque.
© Gallimard
Un mot également sur le livre de Chansons illustrées. Véritable bottin, l’ouvrage regroupe l’intégrale des paroles des chansons enregistrées du poète sétois. Abondamment illustré par l’auteur de Klezmer, l’ouvrage se dote également des accords pour pouvoir accompagner votre voix cristalline à la guitare, au piano ou au ukulélé. Songbook ultime du chansonnier à moustache, il ravira tout les musiciens, amateurs ou non, malgré son format peu transportable.
Bref, c’est vivant, c’est intéressant et les deux marques pages cousus ne sont pas de trop pour se rappeler de passages captivants, émouvants. Et vu que ces articles passionnants sont délayés au milieu de bandes dessinées, d’aquarelles, de croquis, et de photos cela en fait un ouvrage très accessible. Fini l’élitisme des pavés monographiques, voici un livre d’un nouveau genre auquel la bande dessinée doit être fière d’être une partie prenante.
Photo © Erling Mandelmann