Patricia Kaas : ces 10 chansons qui la racontent

Mademoiselle chante le blues (1988) 

Nous sommes en 1985. Patricia Kaas frappe à toutes les portes des maisons de disques afin de se faire connaître, elle qui chante depuis ses 9 ans. Le producteur et compositeur François Berheim la repère à Sarrebruck et lui propose un titre écrit par Elisabeth Depardieu, Jalouse, et produit par le mari de la parolière, un certain Gérard. Passée aux oubliettes, la chanson.

La rage au ventre, Patricia Kaas continue à frapper aux portes et recontacte François Bernheim. Il lui propose une chanson écrite par Didier Barbelivien. D’autres l’ont déjà refusée. Cette chanson s’appelle Mademoiselle chante le blues (qui figurera sur son album Mademoiselle chante le blues en 1988), un titre taillé pour sa voix rocailleuse si unique. La suite, c’est le début d’une grande carrière. 

Les hommes qui passent (1990)

Plutôt que Mon mec à moi, Il me dit que je suis belle, autant de hits qui ont façonné la carrière de Patricia Kaas, intéressons-nous aux hommes qui passent (sur l’album Scène de vie).

La force de cette chanson tient à l’interprétation mélancolique de la chanteuse, ce souffle à chaque mot, chaque phrase qui nous retient et donne envie de serrer fort ce personnage dans ses bras. L’histoire de cette prostituée qui ne vit l’amour (si on peut parler d' »amour ») qu’à travers son métier, est touchante. Elle exprime cette quête infinie et universelle d’affection ici traversée par ce manque cruel de sincérité dans la relation que ces hommes entretiennent avec elle. Ce titre fait partie des chansons phares de l’artiste. 

Entrer dans la lumière (1993)

Parue sur l’album Je te dis vous, Entrer dans la lumière est sans doute l’une des plus belles chansons de Patricia Kaas. Elle est emblématique de l’artiste car la scène est son lieu de vie. C’est presque là qu’elle est née. « Entrer dans la lumière », c’est entrer en scène, apparaître soudain de l’ombre devant un public. Patricia Kaas dit qu’elle n’a pas peur de la scène, car c’est là que les chansons prennent vie. Elle résume assez bien l’adrénaline de l’artiste. Cette lumière, c’est naître une deuxième fois d’une certaine manière. 

Je voudrais la connaître (1997)

Les histoires d’amour ont la part belle dans la discographie de Patricia Kaas. Quelques fois heureuses, d’autres fois plus mélancoliques, Patricia Kaas a cette manière de faire vivre la passion dans ses interprétations. L’angle d’approche de Je voudrais la connaître est – il faut le souligner – assez original.

Cette chanson extraite de l’album Dans ma chair parle d’une femme qui, délaissée par son mari, désire pourtant connaître la nouvelle compagne de ce dernier. Pas seulement dans un esprit de vengeance vis-à-vis de celle qui a pris sa place, mais une simple envie de la connaître. Le contraste entre cet homme qui part et la clairvoyance de la narratrice est assez subtil.

Une fille de l’est (1999)

En 1999, Patricia Kaas a déjà chanté ses origines. Barbelivien et Berheim lui ont écrit D’Allemagne. Jean-Jacques Goldman, avec Une fille de l’Est (sur l’album Le Mot de passe), offre une chanson différente. Cette « fille de l’Est » qui se dévoile révèle un portrait particulièrement réussi et sincère de ce qu’est Patricia Kaas, de cette région qui l’a vu naître et grandir, de ces paysages, de ces saisons, de ces histoires (parfois avec un grand H) qui ont façonné les cœurs, les âmes, les valeurs des gens.

Goldman a écrit une chanson cousue sur mesure. C’est pourquoi elle compte parmi les chansons les plus fortes de la discographie de Patricia Kaas. Plus tard, Pierre-Dominique Burgaud lui proposera La langue que je parle, autre texte fort sur les origines de Madame Kaas.

If You Go Away (2002)

Difficile de résister au réalisateur Claude Lelouch. Lorsqu’on lui propose un rôle, l’hésitation ne dure qu’un temps. La musique du film And now … Ladies & Gentlemen, Piano bar est bien sûr chanté par l’actrice débutante. Patricia Kaas n’a pas l’habitude de chanter en anglais, même si cette langue ne lui déplaît pas. Lorsqu’elle est sur les scènes étrangères, c’est en français qu’elle chante, ou éventuellement en allemand.

Pour ce film qui sera vu à l’international (Claude Lelouch oblige), elle reprend en anglais quelques titres majeurs de la chanson française. Un exercice plus que réussi même si le film, en lui-même, n’a pas eu le succès escompté malgré un casting prestigieux, comme l’acteur Jeremy Irons. Le succès de Piano bar ne l’a cependant pas poussée à développer sa carrière aux Etats-Unis, comme l’ont fait avant elle Edith Piaf ou Céline Dion, en chantant en anglais. « Mes émotions sont françaises. Le français fait de moi ce que je suis, quelqu’un de particulier. Si j’avais décidé de chanter en anglais pour développer ma carrière aux Etats-Unis, j’aurais sans doute été une chanteuse parmi des milliers« , explique-t-elle dans le livre Les 1000 chansons préférées des Français.

Et S’il Fallait Le Faire (2009)

Après plus de 20 ans de carrière, Patricia Kaas se lance un défi : représenter son pays. Pas simple car à l’époque, le concours de l’Eurovision a une image un peu ringarde. L’expérience a été très difficile. « Artiste ou non, je ne connais personne qui aime l’échec. Je n’ai pas ramené la coupe à la maison et j’avais peur qu’on m’arrête dans la rue en me disant que j’avais déçu les gens. Je m’étais mis une pression énorme, c’est allé très loin dans ma tête« , confie-t-elle à Ouest-France.

Composée par Fred Blondin et écrite par Anse Lazio, Et S’il Fallait Le Faire a été le single choisi par les internautes à l’époque, pour que ce soit le premier extrait de l’album Kabaret. C’est ce choix du public qui a poussé ce titre à être aussi choisi par les instances françaises de l’Eurovision pour représenter la France. Le choix de Patricia Kaas n’est pas anodin. Certes, elle représente extrêmement bien la France dans le monde, mais le concours se passe à Moscou, en Russie donc, où Patricia Kaas jouit d’une grande popularité. Elle finit à la 8^e place. Mais elle remporte le prix Marcel-Bezençon de la meilleure performance artistique de l’année à l’Eurovision.

Kabaret (2009)

On le souligne assez peu, mais Patricia Kaas est de ces artistes qui aime prendre des risques artistiques. Kabaret, avec un « K » comme Kaas, en est un. Cet album hommage aux années 30 et à ses grandes héroïnes de Garbo à Dietrich, en passant par Suzy Solidor et Martha Graham, en est un et un gros.

Les gens savent qu’elle a commencé à chanter sur des petites scènes de cabaret en Allemagne ou l’Est de la France, et entamer un projet comme Kabaret ne devrait pas surprendre. Cependant, quand on enchaîne albums sur albums de variété française, présenter un tel projet en interpelle plus d’un. Et pourtant, qui mieux que Patricia Kaas pouvait porter un tel projet artistique comme celui-là, elle qui a la culture, les références musicales ancrées en elle, et surtout la carrure pour en faire un beau disque et spectacle. 

Hymne à l’amour (2012)

Elle a la voix, le charisme, et c’est le cinquantième anniversaire de la mort d’Edith Piaf. Alors Kaas chante Piaf est d’une logique presque implacable. En tout cas, il y a du sens à se lancer dans un tel album. Comme Piaf, Kaas parcourt les scènes du monde. Comme Piaf, elle s’est élevée d’un milieu populaire.

Son hommage est légitime et réussi. Il n’y a qu’à entendre par exemple cette magnifique chanson, l‘Hymne à l’amour, pour avoir des frissons comme quand on l’écoute par Edith Piaf. Il y a chez les deux artistes les mêmes fêlures, les mêmes fragilités qui se transforment en force dans leurs interprétations. 

Cogne (2016)

« On a souvent tendance à vous proposer des copies de ce que vous avez déjà chanté. On va vous proposer toujours les mêmes thèmes, les mêmes histoires. Personne n’osait me proposer ces textes. J’ai eu besoin d’auteurs qui grandissent avec moi. J’ai eu besoin de leur dire ‘allez-y, proposez-moi des choses‘ », confie-t-elle dans Les 1000 chansons préférées français

C’est ce qui s’est passé dans le dernier album en date de la star, tout simplement intitulé Patricia Kaas. Outre une chanson sur la pédophilie (La maison du bord de mer), une autre sur le rejet par les parents de leur enfant homosexuel (Le refuge), Patricia Kaas aborde le sujet encore tabou des violences conjugales et des féminicides avec Cogne.

A l’époque, on en parle bien sûr, mais ce n’est pas encore un sujet au cœur de l’actualité – #MeeToo n’étant pas encore passé par là. Elle a raconté que lors de la tournée de cet album, lorsqu’elle terminait cette chanson engagée et touchante, des femmes se sont levées pour dire : « Ça n’arrive pas qu’aux autres ». Une, puis deux, puis dix. C’est la force des grandes chansons, non ?

20 millions de disques vendus, plus de 150 dates à chaque tournée, six Victoires de la Musique. Patricia Kaas a chanté avec Luciano Pavarotti et Placido Domingo. Elle a fait deux concerts aux côtés de Michael Jackson- lors de concerts humanitaires Michael Jackson and Friends. Elle a foulé des scènes mythiques de par le monde, et cela en chantant en français.

Cette officière de l’Ordre des Arts et des Lettres, avec sa croix d’officier de l’Ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne pour l’amitié franco-allemande, en a fait du chemin. Pourtant, malgré la gloire et les récompenses, elle reste la « fille de l’Est », fière de sa Lorraine natale, de ses racines populaires. Son humilité face à ses 40 ans de carrière est le signe d’une élégance rare. Le bruit court d’un nouvel album à venir. L’artiste laisse la porte ouverte. « Je n’ai pas forcément toutes les chansons. Mais c’est une belle enveloppe. Et bon, il faut l’ouvrir à un moment. Je ne sais pas quand, confiait-elle à Laurent Delahousse il y a peu. De quoi écrire une nouvelle page de sa magnifique histoire, probablement.