Pierre Bachelet nous quittait il y a 20 ans déjà. Il a bâti une carrière exemplaire, à l’image de l’homme simple qu’il était. Des « Corons » à « Elle est d’ailleurs », en passant par « En l’an 2001 », les tubes se sont enchaînés. Une nouvelle compilation, regroupant ses plus grands classiques, vient de sortir. L’occasion de se redécouvrir les facettes surprenantes du parcours de ce chanteur populaire.
L’homme des Corons
Il n’a pas de mineurs dans la famille de Pierre Bachelet. Et pourtant, la chanson Les corons, hommage aux hommes des terrils du Nord, pourrait le faire croire. Né en banlieue parisienne et ayant vécu quelques années de son enfance à Calais, Pierre Bachelet a le coeur très attaché à cette région du Nord.
« Cette chanson-là est pleine de sincérité. C’est le reflet même de la vie de cette époque. Les gens de la mine avaient bien du mal à vivre. J’ai vu comment ils sont morts. Voilà ce que rappelle cette chanson…« , expliquait-il. « Au départ, ça a été une envie de faire une chanson sur le Nord. Ça fait longtemps que j’en avais envie. Mais cette chanson, c’est aussi une chanson sur l’enfance, l’amour... ».
Cette chanson, sortie en 1982, est devenue un classique de l’artiste. A l’époque, peu de personnes au sein de sa maison de disques étaient convaincues de la force de ce titre, qui est paru en plein été. Ce titre, empreint d’une certaine tristesse, deviendra pourtant le tube de l’été 1982, touchant le public bien au-delà des frontières de cette région.
Les corons est par ailleurs devenue l’hymne du club de football de Lens. Pourtant, la chanson n’a rien d’un titre sportif. Elle a été reprise de manière éparse par les supporters à la mort de Pierre Bachelet en février 2005, puis désormais chantée dans le stade Boallert à chaque début de deuxième mi-temps. Rappelons que le RC Lens avait été créé par des patrons de Houillères pour occuper les mineurs le dimanche après-midi.
Brel au coeur
Au début de sa carrière, il a été comparé, par sa stature et sa gestuelle, à Jacques Brel, l’autre grand homme du Nord, celui de l’autre côté de la frontière, en Belgique. Pas étonnant donc qu’à un moment de sa carrière, il lui ait pris l’envie de lui consacrer tout un album en 2002, Tu ne nous quittes pas. Sur cet album, des chansons de Brel bien sûr, mais aussi un titre hommage en ouverture écrit par son complice Jean-Pierre Lang.
Compositeur d’Emmanuelle
Bien qu’il soit devenu un chanteur populaire, ce sont des études de cinéma que commence Pierre Bachelet. Lorsqu’il fait son service militaire, c’est au service cinématographique des armées. Il travaille dans un laboratoire de cinéma, dans le domaine de la publicité. C’est là qu’il fait la rencontre de jeunes réalisateurs comme Jean-Jacques Annaud ou Patrice Leconte. Le cinéma, plus que la musique, semble être son domaine.
Il commence à faire des incursions dans la musique en jouant dans des cabarets parisiens, surtout en travaillant sur les illustrations sonores de la célèbre émission de l’époque Dim Dam Dom, mais aussi sur des musiques pour des documentaires et des publicités. Il rencontre Just Jaeckin qui n’est autre que le réalisateur d’Emmanuelle. C’est Bachelet qui se chargera de la bande originale du film érotique culte. Elle deviendra un carton.
Cette musique de film ne sera pas la dernière. Coup de tête (1978) La victoire en chantant (1976), Histoire d’O (1977), les Bronzés font du ski (1978), les Les Enfants du marais (1998), Un crime au paradis (2000) sont quelques autres exemples du talent de compositeur de Pierre Bachelet au cinéma.
L’amoureux de la mer
Bien que né en pleine banlieue parisienne, Pierre Bachelet était fasciné par le vaste monde marin. Il était d’ailleurs propriétaire d’un bateau. Sur l’album Quelque part c’est toujours ailleurs, il a invité la navigatrice Florence Arthaud à partager quelques titres avec lui.
Au moment où Pierre Bachelet lui demande si elle veut participer à son nouvel album, nous sommes en 1989. Elle n’a pas encore gagné la Route du Rhum, mais fait déjà partie des grands noms de la voile. Pierre Bachelet et Jean-Pierre Lang s’inspirent de sa vie et de son parcours pour Flo, Typhon et Quelque part c’est toujours ailleurs.
L’aventurière expliquera dans une émission de Thierry Ardisson que si elle avait été fière de cette incursion musicale, elle en avait été très intimidée, tremblant comme une feuille alors qu’elle faisait du play-back. « Flo »- qui périra dans un accident d’hélicoptère en Argentine en 2015- semblait plus à l’aise sur des océans en furie que sur les plateaux de télé.
Sur l’album Un homme simple, sorti en 1998, Pierre Bachelet rendra également hommage au grand Eric Tabarly, ce marin libre et solitaire dont les vagues ont façonné la vie, le visage.
Son album concept avec Yann Queffélec
Le 10e album de Pierre Bachelet, La Ville ainsi soit-il (1995), est un album concept. Pour la première fois, il fait appel à un écrivain, Yann Quéffélec, pour écrire tous ses textes. La ville est le décor de l’album, l’espace où il parle de l’humain, car c’est toujours ça qu’il veut traiter : l’humain, l’humanité. Les critiques applaudissent et estiment que cet album est le plus abouti et le plus profondde l’artiste.
La plume de Queffélec (lauréat du prix Goncourt en 1985 avec Les Noces barbares) y serait-elle inconsciemment pour quelque chose ? Peut-être. Le public, lui, avait été un peu surpris de ce virage. Cet opus n’a pas été simple, Quéffelec ayant écrit des textes longs et sans refrain. Qu’importe : cette rencontre/union entre deux artistes – a priori différents -, fonctionne à merveille.
Cette collaboration inédite et fructueuse prouve, à celles et ceux qui voient souvent les artistes trop populaires comme des artistes « ringards », qu’ils et elles ont cette simplicité et cette chaleur humaine qui plaît. Quel est le but d’une chanson ? Procurer du bonheur et avant tout apporter du réconfort. C’est ce que Pierre Bachelet a fait tout au long de sa carrière. Alors que la compilation Pierre Bachelet, les grands classiques (enrichi d’un titre inédit Frérot (retrouvailles)) vient de sortir ce 14 février, il serait bon de le rappeler et de le faire savoir aux générations qui ne l’ont pas connu.
