Sélection

Le top des meilleurs albums de rap de l’histoire

12 juin 2023
Par Arthur G.
Le top des meilleurs albums de rap de l'histoire

Resserrer cinquante ans d’histoire en un top de quinze albums, c’est le défi de ce top. Les heureux élus ont été sélectionnés sur différents critères : leur qualité intrinsèque, l’impact dans le rap sur les sorties suivantes et enfin, l’empreinte laissée dans la culture hip-hop. De N.W.A. à Migos en passant par le Suprême NTM et PNL, découvrez la crème du rap américain et français.

N.W.A. – Straight Outta Compton (1988)

Dans la seconde moitié des années 1980, le virus rap se propage à vitesse grand V aux États-Unis. Sur la côte Est, Public Enemy se fait un nom et se dresse en porte-voix de la communauté afro-américaine à travers des textes engagés et dénonciateurs. À l’Ouest, un groupe de Compton va prendre un peu de cela et ajouter une forte touche gangsta pour inventer un sous-genre au sein même du rap : le gangsta rap. Ce groupe, c’est NWA (Niggaz wit Attitudes). Formé en 1986, il se compose de Dr.Dre, Ice Cube, Eazy E, MC Ren, DJ Yella et Arabian Prince. Leur premier album, Straight Outta Compton, va avoir l’effet d’une bombe dans le rap game et la société américaine.

Straight Outta Compton - Wikipedia

Ce style de musique qui était perçu par les autorités comme quelque chose de festif sans grandes revendications va prendre une autre tournure. Straight Outta Compton mélange des histoires de malfrats, la colère d’une jeunesse livrée à elle-même et le traitement de la police qu’elle subit. Fuck Tha Police devient rapidement la carte d’identité de cet album. Ice Cube et les siens dépeignent crûment leur réalité avec ces forces de l’ordre et témoignent d’un ras-le-bol général de leur communauté. Ce premier album des NWA est un tournant décisif dans l’histoire du rap. Il prouve aux rappeurs que plusieurs voies sont exploitables pour les MC d’où qu’ils viennent. Le rap politisé ou feutré ne sont pas les seuls protagonistes de ce genre musical en plein essor.

Snoop Dogg – Doggystyle (1993)

En 1991, Dr.Dre prend la poudre d’escampette et quitte les N.W.A. Le beatmaker, rappeur, compositeur, producteur et fondateur du groupe est sujet à trop de désaccords avec la direction prise par le groupe. De surcroît, l’épaisseur prise par Eazy E aux yeux de Jerry Heller, manager des NWA, l’agace et finit par avoir raison de lui. Dre décide alors la même année de fonder Death Row Records épaulé par un certain Suge Knight. Un an plus tard, il sort The Chronic, album de légende dont nous vous avons parlé en longueur. Dre se prouve à lui-même et au monde entier qu’il peut mener une carrière solo et générer un succès fou. Pour ce faire, il met à contribution tous ses talents et parmi eux, le flair pour les pépites en devenir. Car oui, le jeune Snoop Dogg, inconnu au bataillon avant Deep Cover, va enfoncer la porte du rap game en toute décontraction. L’attente suscitée le pousse à nous délivrer Doggystyle en 1993. Un album certainement encore plus abouti que The Chronic.

Snoop Dogg - 1

Un chef d’œuvre de rap. La G-Funk amenée au firmament du hip-hop, elle qui règnera sur une bonne partie des années 1990. Doggystyle est la présentation au monde entier de celui que l’on appelle encore Snoop Doggy Dogg. Who am I (What’s my name?) est sa carte de visite par excellence. Sur ce premier projet, Snoop dévoile des flows a priori nonchalants mais c’est tout ce qui fait sa force. Il nous endort pour mieux nous piquer à travers des punchlines incisives. Il y a trente ans, un ovni confirmait la magnifique promesse qu’il nous avait faite sur The Chronic et démarrait une très belle carrière qui n’a cessé de s’enrichir jusqu’à aujourd’hui.

Suprême NTM – Paris sous les bombes (1995)

Un album étendard du mouvement hip-hop français. Ou comment représenter de la façon la plus fidèle possible ce que signifiait dans le 93 et plus largement à Paris ce mouvement comportant plusieurs arts. Le titre est sans équivoque. Le jeu de mot met en exergue le graffiti qui à l’époque, fait rage dans la capitale. Les bombes de peinture martyrisent les wagons des RER, les camions, ou tout simplement les murs des rues parisiennes. La piste 9 de cet album paru en mars 1995 rend hommage au graff avec des bruits de bombes de peinture. Une piste qui précède le titre éponyme. 

Suprême NTM - 1

Suprême NTM publie ainsi son troisième album studio après Authentik et 1993…j’appuie sur la gâchette. Paris sous les bombes est un album mature, revendicateur mais aussi très introspectif. Les deux acolytes dionysiens retracent leur parcours dans Tout n’est pas si facile, réveillent la jeunesse dans Qu’est-ce qu’on attend et font danser la France entière sur le mythique La fièvre. Cet album est large, complet et a marqué son époque. Il raconte l’histoire du hip-hop francilien des années 90 et nous permet de nous plonger au mieux dans un temps que beaucoup d’entre-nous n’ont pas connu. Un projet obligatoire pour s’instruire sur l’histoire du rap français.

2Pac – All Eyez on me (1996)

Condamné pour viol à de la prison ferme, 2Pac purge sa peine alors que Me Against the World cartonne dans les bacs et a placé ce jeune new-yorkais de 24 ans parmi les têtes d’affiche du rap américain. Ne possédant pas les moyens financiers pour payer sa caution, il voit Suge Knight venir faire sa rencontre. Le boss de Death Row allonge les 1,4 M de dollars nécessaires à sa libération. 2Pac a signé sa sortie de prison mais s’est fourré dans un pétrin qui sera fatal à sa vie moins d’un an plus tard. Toujours est-il qu’en février 1996, le double album All Eyez On Me fait son apparition. Un projet unique en son genre. Totalement dans l’air du temps, à l’heure où la G-Funk dicte son tempo au pays de l’Oncle Sam.

2Pac - 1

2Pac ouvre le bal avec le mythique Ambitionz Az a Ridah, hymne à la guerre qui pousse même Iron Mike Tyson à son entrée dans les salles avant de boxer. Comme sur son précédent projet, 2Pac varie les plaisirs en servant des morceaux plus légers à l’instar de I Ain’t Mad at Cha ou Ratha Be Ya Nigga. Durant plus de deux heures, celui qui est désormais LA star du hip-hop mondial tient la dragée haute et ne faiblit jamais en intensité. Un retour fracassant couronné d’un franc succès d’estime ainsi que d’un succès commercial rare. All Eyez on Me s’est écoulé à 566 000 copies lors de sa première semaine d’exploitation. Un album incontournable, porté par des hits, des ballades et surtout une hargne témoignant de l’état d’esprit qui animait 2Pac lors des ultimes mois de sa vie.

IAM – L’école du micro d’argent (1997)

Encore aujourd’hui, je pense fermement que c’est le plus grand succès pour un album de rap en France. Non seulement au vu des chiffres qui l’accompagnent mais surtout vis-à-vis de l’empreinte laissée dans la culture française. L’école du micro d’argent d’IAM c’est un album que même des gens qui n’ont aucun attrait pour le rap ont forcément entendu une fois dans leur vie. Du moins les titres les plus populaires. Petit frère fait notamment partie de ceux-ci. Le troisième album du groupe marseillais est enregistré à New York et cela s’entend forcément. Cet opus n’est que très peu daté. Kheops est au sommet de son art et étale tout son savoir-faire sur seize titres.

IAM - 1

Porté par le légendaire Demain c’est loin, cet album se distingue par la diversité des thèmes abordés. De leur fascination pour la saga Star Wars sur l’Empire du côté obscur à un message très conscient sur Petit frère en passant par un storytelling amusant sur Elle donne son corps avant son nom. Akhenaton, Shurik’n et Freeman nous font passer par un tas d’émotions et on ne voit pas l’heure passer. L’école du micro d’argent est une porte d’entrée pour le rap français, un album fédérateur et intemporel.

Notorious B.I.G. – Life after Death (1997)

Le destin du roi de New-York est intimement lié à cet album : Life after Death. Second et dernier album de Notorious B.I.G., il succède à Ready To Die paru trois ans auparavant. Un projet resplendissant et annonciateur d’un vent de fraîcheur sur le rap américain. La même année, non loin de Brooklyn, Nas révèle lui Illmatic. Les deux rookies s’avancent à pas assurés dans un rap game dominé outrageusement par la côte Ouest à cette époque. En effet, on bounce sur Doggystyle, The Chronic ou Regulate…G Funk Era. Celui que l’on surnomme Biggie a généré une immense attente au sujet de son nouvel album. Juicy, Everyday Struggle et surtout Big Poppa ont mis en lumière la technique de ce gaillard alors âgé de 22 ans à l’époque. En 1997, peu avant la sortie de Life After Death, Biggie est sur la côte Ouest pour promouvoir la sortie de son nouvel opus. Malheureusement, l’histoire est connue de tous, il y perdra la vie le 9 mars, assassiné de plusieurs balles, comme son ancien ami devenu rival, 2Pac. Revenons à la musique, car il y a de quoi dire. Si Ready To Die était une certaine introduction pour Notorious B.I.G. Life After Death est un véritable blockbuster made in Bad Boy avec P.Diddy à la baguette.

The Notorious Big - 1

R.Kelly, Jay-Z, RZA, Lil’Kim ou encore DJ Premier garnissent ce double album qui compte 24 titres. Mais on retrouve surtout d’immenses noms de la musique nord-américaine dans la production : Roger Troutman, Lionel Richie, Bobby Caldwell. Rien que ça. Porté par l’envoûtant Hypnotize, cet album sort seize jours après le décès de Biggie Smalls. Pour faire simple, dans ce projet il y a tout. Des ballades romantiques à l’instar de Miss U, du storytelling sur Niggas Bleed ou de l’egotrip bête et méchant sur Mo Money Mo Problems. Comme son ancien rival, Biggie s’en va avec un double album dont la portée et l’accomplissement paraissent identiques. Une pièce maîtresse de la fin des années 90 dans le hip-hop new-yorkais et américain dans leur ensemble.

Lunatic – Mauvais Oeil (2000)

Le premier disque d’or en indépendant de l’histoire du rap français. Le seul et unique album studio du duo Lunatic. Les attributs qui entourent Mauvais Oeil parlent d’eux-mêmes. Ce projet est considéré pour certains comme le meilleur album de l’histoire du rap français. Ali et Booba ont avec un seul projet laissé une trace inaltérable dans le rap game. Nous sommes en 2000. Le duo Mobb Deep, formé par Havoc et le regretté Prodigy, a de par son esthétique, sa technique et sa complémentarité défini un nouveau style. Une nouvelle marche qui sera suivie de près par le duo des Hauts-de-Seine. Ceci dit, ne nous méprenons pas, Lunatic a su, en s’inspirant, imposer son empreinte dans le rap français.

D’abord formé à l’école du Pont-de-Sèvres, côtoyant Zoxea et les Sages Poètes de la Rue, entre autres, Lunatic poursuit son apprentissage à l’école Time Bomb. Un centre de formation semblable à la Masia dans le football. Oxmo Puccino, les X-Men ou encore Pit Baccardi se challengent dans ce collectif et également label indépendant qui voit le jour en 1995. Pour en revenir à Lunatic, Le Crime paie (1996) et les Vrais Savent (1997) nous offrent une mise en bouche savoureuse qui ne fait qu’accentuer l’attente suscitée à leur égard. Il faut patiemment ronger son frein jusqu’à 2000 pour voir les Hauts-de-Seine ouvrir ce nouveau millénaire avec fougue et insouciance. Mauvais Oeil est sombre, peu optimiste, glacial, et ce sont tous ces adjectifs qui forment sa puissance. Civilisé, morceau sur lequel se ferme l’album dans son édition initiale est le premier single dévoilé en 1999. Pas l’temps pour les regrets porte toutefois Mauvais Oeil sur ses solides épaules et livre un message teinté d’ambitions et d’insouciance.

Lunatic - 1

Lorsque l’on parle de Lunatic et qu’on dresse des louanges à ce groupe historique du rap français, on évoque la complicité d’Ali et Booba. Le yin et le yang. Leurs passe-passe sont décortiqués et vénérés par leurs pairs “Qui peut faire mieux que nous à part Lunatic en passe-passe” clamait haut et fort Alpha Wann sur Compte les hommes avec Nekfeu en 2019. Le morceau la Lettre est sûrement celui qui illustre le mieux cet aspect. Ali correspond avec son acolyte alors enfermé entre quatre murs derrière les barreaux. La suite appartient à l’histoire. Mauvais Oeil est le double message de la jeunesse banlieusarde de la fin des années 90. La finesse technique et l’habileté d’Ali et Booba ont fait de ce projet un passage obligatoire pour tout fan de rap. La suite pour les deux hommes fut radicalement différente. Tout compte fait, en octobre 2000, les derniers furent les premiers.

Eminem – Marshall Mathers LP (2000)

À la fin des années 90, si New-York peine à choisir l’élu qui occupe le trône de la cité qui vit naître le hip-hop, l’Amérique toute entière s’accorde à dire que le numéro 1 du pays s’appelle Eminem. Le MC de Détroit a fait face à tous les stéréotypes du rappeur blanc et enjambé les embûches sur son périlleux passage pour grimper jusqu’au sommet de sa discipline. Repéré par Dr Dre, il publie son premier album studio en 1999 Slim Shady LP, deux ans après Infinite, sorti en indépendant qui néanmoins, acquiert un statut flatteur après son éclosion. Nous voilà en 2000 et Slim Shady publie The Marshall Mathers LP.

Eminem - 1

L’album d’une vie qui voit le protégé de Dr Dre déployer un nombre incalculable de flows et se livrer à coeur ouvert. On garde en tête le touchant Stan, chronique d’un fan invétéré qui perd la raison à se suicider. Sur The Way I Am, Eminem exprime toute sa haine d’un système qui espère le voir lisser ses propos. Bitch Please II est de son côté une sorte de All Star Game de l’époque. Snoop Dogg, Dr Dre, Xzibit et Nate Dogg se joignent à Eminem pour un remake de Bitch Please, sorti deux ans auparavant sur No Limit. The Marshall Mathers LP obtient d’emblée un statut hors-norme pour tout ce qu’il représente. Eminem tutoie les sommets et ne laisse à présent aucune place au débat avec ce projet. Il est le maître incontesté du rap américain.

Jay-Z – The Blueprint (2001)

Après la mort brutale de The Notorious B.I.G., le trône de New York est vacant. Le roi s’en est allé, en Californie, loin de son Brooklyn natal. Les prétendants à ce titre de noblesse dans LA ville du hip-hop ne tardent pas à se revendiquer. On pense à Nas et aussi à Jay-Z. Alors que le second lui rend hommage en 1996 sur Dead Presidents II, sur l’immense Reasonable Doubt, un clash prend forme surtout suite à un morceau choc sur The Blueprint cinq ans plus tard, intitulé Takeover. Un morceau dans lequel Jay-Z s’en prend ouvertement à son cadet. Le cofondateur de Roc-a-fella Records sort à l’époque son sixième album studio à raison d’un par an. Sa régularité impressionne mais seul Reasonable Doubt a rendu unanime l’opinion publique et les critiques. The Blueprint sera de cette trempe.

The Blueprint - Wikipedia

Aujourd’hui encore, le monde du rap juge cet album comme le meilleur de Jay-Z. Le principal intéressé l’a lui classé au second rang de sa discographie derrière son premier opus. The Blueprint sort un jour tristement célèbre dans l’histoire des Etats-Unis : le 11 septembre 2001. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cet album n’a pas été éclipsé par les événements dramatiques que nous connaissons tous. Il fut un succès sans précédent dans la carrière de Jigga. 2 millions de disques ont été vendus depuis sa sortie. La force de ce projet ? Avant tout des productions diablement avant-gardistes pour l’époque et intemporelles. Jay-Z s’appuie sur Timbaland, Just Blaze et surtout Kanye West pour ériger ce chef-d’œuvre. Les samples foisonnent sur ces quinze titres. Le plus marquant étant forcément celui des Jacksons 5 sur Izzo (H.O.V.A.). Mais ce n’est pas tout.

Jay-Z se paie le luxe d’inviter Eminem, alors tout près du sommet de sa carrière, un an après The Marshall Mathers LP et un an avant The Eminem Show. La collaboration entre deux des trois meilleurs rappeurs du monde de l’époque donne lieu à un featuring de légende sur une instrumentale signée Slim Shady qui encore aujourd’hui est jouée en battle de freestyles à travers le globe. The Blueprint est un bijou. Nous retrouvons quasiment exclusivement Jay-Z, hormis sur cette fameuse piste douze mais il ne faut vraiment pas occulter cette réunion des meilleurs beatmakers de la planète. Et c’est sans doute le plus grand atout de ce disque de légende.

Booba – Temps mort (2002)

Un peu moins d’un an et demi après avoir cassé la baraque avec Ali sur Mauvais Oeil, seul et unique album de Lunatic, Booba vole de ses propres ailes et prend son envol avec Temps mort. Un premier album solo qui arrive alors que B2o est à la pointe de sa technique. Celui qu’on ne surnomme pas encore le Duc de Boulogne a débuté sa carrière de rappeur au milieu des années 90 mais s’est vu couper l’herbe sous le pied à cause d’ennuis judiciaires. Le voici au frigo durant un peu plus d’un an entre 1997 et 1998 à la suite d’un braquage d’un chauffeur de taxi et la sortie de Mauvais œil retardée. Qu’importe, le Boulonnais patiente et abreuve ses cahiers de textes durant ce séjour derrière les barreaux. Temps mort n’en sera que plus mûr. Un mois après avoir soufflé ses 25 bougies, Booba nous livre le premier de ses dix albums solo.

Booba - 1

Un chef d’œuvre qui encore aujourd’hui, est considéré comme le meilleur album de rap français de tous les temps. Sur quatorze titres, hors bonus, Kopp réalise une démonstration de technique. Sa plume cisaille les prods de Fred le Magicien et d’Animalsons, pour ne citer qu’eux. Malgré son immense talent, il n’oublie pas ses pairs et invite LIM et Moussa sur Animals, Nessbeal sur Sans ratures, la Malekal Morte et Sir Doum’s sur 100-8 Zoo, Mala sur Nouvelle école et Ali sur Strass et paillettes. Un schéma d’album qui sera reproduit sur les opus suivants dans la discographie de Booba. Pour tous ceux qui aiment, font du rap, Temps mort est une sorte d’encyclopédie.

Les schémas de rimes, les punchlines, il y a énormément à dire et à apprendre à ce sujet dans Temps mort. Booba y raconte sa jeunesse dans Ma définition, son désir d’indépendance dans Indépendants et diffuse un message explicite et dont la résonance est décuplée après toutes ces années de carrière dans le rap game : Repose en paix. Ce titre fut d’ailleurs le premier single de l’album. En bref, Temps mort c’est l’aube de la carrière la plus riche pour un rappeur en France. Un game changer qui marqua son époque à travers les sorties suivantes.

Kanye West – Graduation (2007)

Le 11 septembre 2007, deux des artistes majeurs du rap game se sont livré une bataille médiatique presque sans précédent. 50 Cent publiait Curtis tandis que Kanye West a lui dévoilé son troisième album studio, Graduation. Seize ans après, on peut tirer un bilan et discerner deux trajectoires diamétralement opposées pour les deux rappeurs. 50 Cent a entamé un lent déclin en termes de ventes tandis que Kanye West a doucement approché de son apogée, atteinte en 2010 avec My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Graduation a permis à Kanye West de s’affirmer au-delà même du rap. Un virage a été pris par le beatmaker désormais rappeur en termes de productions.

Kanye West - Graduation

Là où The College Dropout et Late Registration, à moindre mesure, étaient tous deux très hip-hop, Graduation s’ouvre au monde de la musique en général. Ye emprunte un hit, Harder, Better,Faster,Stronger aux Daft Punk ainsi qu’au pont de fin de P.Y.T. de Michael Jackson sur Good Life. Cela s’en ressent immédiatement dans les backs puisque Kanye West réalise, encore à jour, le meilleur démarrage de l’histoire de sa carrière avec 957 000 copies écoulées en première semaine d’exploitation. Treize titres ornent ce projet toujours plus varié, riche et travaillé. Un chef d’œuvre qui, au contraire de beaucoup d’albums de rap de l’époque, n’a pas pris tant de rides que ça. Un album phare des années 2000, emblème d’une génération et nécessaire à la compréhension de la carrière de Kanye West. Celui qui fut le pont entre le Kanye purement axé sur le rap et celui qui un an plus tard, se confiera à outrance sur 808’s Heartbreak.

Kendrick Lamar – Good Kid MAAD City (2012)

Il était impossible de réaliser un top des meilleurs albums de rap de tous les temps sans placer Kendrick Lamar. L’enfant de Compton a un destin promis au rap dès la petite enfance. La légende raconte qu’il était présent au clip de California Love de 2Pac et Dr.Dre sur les épaules de son père. Bref, une quinzaine d’années plus tard, Kendrick est l’étoile montante du rap californien. En 2011, il publie Section 80. Son premier projet qui toutefois n’a pas donné lieu à une promotion et une couverture médiatique très poussée. Deux ans plus tard, le dernier opus de Grand Theft Auto en date, GTA V, lui rend ses lettres de noblesse en jouant A.D.H.D. sur la radio Los Santos. Entre ces deux années, Kendrick Lamar érige sans doute ce qui est l’album le plus complet et abouti de sa carrière : Good Kid MAAD City.

Kendrick Lamar - 1

Le premier projet du rappeur depuis qu’il a quitté le statut indépendant. Car oui, Kendrick Lamar rejoint l’écurie rutilante de Dre en mars 2012, Aftermath. Il est également signé chez Interscope et TOP DAWG Entertainement. Son nouvel album est donc chapeauté par Dr.Dre, sommité du hip-hop qui a traversé quatre décennies et entamé dernièrement sa cinquième dans ce domaine. Good Kid MAAD City est une introspection au cœur de cette banlieue malfamée de Los Angeles tristement célèbre pour son taux de criminalité plus élevé que n’importe quelle ville des Etats-Unis. Divers thèmes sont abordés avec tact et finesse par celui qui se faisait appeler K-Dot à l’aube de sa carrière. Si sur la tracklist on ne distingue aucun interlude, il réside toutefois dans cet album de nombreux ponts qui y ressemblent grandement. Ceci permet d’avoir un lien et un fil conducteur qui maintiennent nos yeux rivés sur Compton tout au long du projet. Si nous avons des singles très rafraîchissants comme Swimming Pools, nous avons également droit à des featurings délicieux avec Drake, alors en pleine ascension et MC Eiht, gloire historique de la Californie. Good Kid MAAD City est un formidable album. Résolument le plus axé rap de Kendrick Lamar, avant un virage vers les influences funk-jazz sur To Pimp a Butterfly et la soul sur DAMN.

Kaaris – Or Noir (2013)

Au tout début des années 2010, la Sexion d’Assaut fait sa loi dans le rap français. Le collectif parisien a remis la capitale sur la carte du rap hexagonal et entraîne derrière elle un engouement rare. Ce rap est vu comme un genre accessible au plus grand nombre et se retrouve parfois taxé de rap niais ou gentillet. Qu’importe, Maitre Gims, Lefa et les leurs écrasent tout sur leur passage et redonnent à Paris ce qui lui est dû de droit. De la même manière que 1995 à la même période. Un rappeur à l’esthétique bien différente va lui élargir de nouveau le focus et nous pousser à regarder du côté de Sevran pour la décennie à suivre. Kaaris. Repéré par Booba, il apparaît sur Autopsie 4 aux côtés du Duc de Boulogne sur Criminelle League en 2011. Le franco-ivoirien passe une tête dans le clip de Comme une étoile la même année. Tout va s’accélérer ensuite. Z.E.R.O. sort en 2012 mais surtout, Kaaris place sans doute le couplet le plus iconique des années 2010 sur Kalash. Invité par Booba sur Futur, le sevranais livre une performance tout simplement exceptionnelle. Un couplet qui transcende les auditeurs et qui fait de son auteur le challenger le plus attendu pour l’année 2013. Une année qui le voit sortir Or Noir.

Kaaris - 1

Si vous souhaitez vous familiariser avec la trap à la française et avoir un aperçu de la crème de ce genre, procurez-vous ce disque. Des punchlines saignantes, trash, teintées d’une pointe d’humour et de second degré. Kaaris démontre une agilité impressionnante. De Zoo à Bouchon de liège en passant par Ciroc, le sevranais étale une technique à toute épreuve. Il faut dire qu’il n’en est pas à son premier coup d’essai. Kaaris a débuté sa carrière dans le rap sous le nom de Fresh en 1999. Or Noir c’est l’album d’un rappeur qui a une maturité totale dans son écriture et son habileté au micro. C’est l’album d’un genre qui régna sur le rap français durant près d’une décennie. Un album qui replaça le 93 sur la carte après une courte période de vaches maigres.

PNL – Dans la légende (2016)

En 2015, le phénomène PNL a frappé la France entière. Les deux frères ont importé le cloud rap et ainsi fait planer une nouvelle vague sur le rap hexagonal. Que La Famille et surtout Le Monde Chico introduisent ce duo complémentaire et avant-gardiste qui se distingue par une esthétique, un style et des flows singuliers. Dans La Légende est ainsi leur troisième projet et sort à la rentrée 2016. PNL nous livre un album encore plus abouti que le précédent. Quatre singles sont dévoilés en amont. Parmi eux, l’entêtant DA et son refrain mémorable qui marqua une, voire plusieurs, générations d’auditeurs. Naha est révélé la veille de la sortie de l’album et sera un des singles étendards avec tout ce que PNL maîtrise à la perfection.

PNL - 1

Je pourrais évoquer l’histoire de chaque morceau tant leur personnalité rendent pantois. Si les morceaux de PNL sont si saisissants, c’est parce que c’est leur seule communication. Ils ne donnent aucune interview, aucun featuring. Leur musique et leur image sont leurs forces et la stratégie qu’ils opèrent a su se montrer efficace lorsque l’on voit notamment l’attente suscitée avant la sortie d’un single. Sur Dans la Légende, les deux frères nous détaillent leurs ambitions, leurs tourments. Luz de Luna permet à Ademo de se confier à lui-même sur un seul et même couplet. Le chef d’œuvre de l’album demeure le devenu classique Jusqu’au dernier gramme. Près de six minutes de rap sans refrain qui clôturent dans la mélancolie et la tristesse un album qui représente l’apogée musicale du duo. Viendra ensuite Deux frères qui permettra à PNL de battre des records, mais on se souviendra longtemps de cette rentrée 2016.

Migos – Culture (2017)

Au début des années 2010, le rap américain est dans un relatif creux de la vague. Si Eminem a connu un succès flatteur avec Recovery, la majeure partie des fans de la première heure voient une popisation de sa musique. Il est clair que ce qui fonctionne à cette époque dans le rap, c’est une variation de styles. Kanye West en est le meilleur exemple avec My Beautiful Dark Twisted Fantasy, excellent album soit dit-en passant. L’archétype de cette idée reste Drake. Le chanteur/rappeur canadien casse la baraque avec son rnb mielleux couplé à des morceaux plus kickés. Le champ est relativement libre pour un nouvel élan dans le rap game outre-atlantique. Migos va s’engouffrer dans cette brèche. Le trio d’Atlanta formé de Quavo, Offset et Takoff se fait connaître avec Versace en 2013. Un single dont le remix sera effectué avec…Drake.

La même année, les Migos sortent Y.R.N. Un projet qui contribue grandement à imposer la trap. Un style novateur où les mots se font plus rares mais leur placement sur l’instrumentale est primordial. L’aspect final donne quelque chose de très saccadé mais à la fois entraînant. Les Migos dévoilent plusieurs mixtapes puis un premier album, Yung Rich Nation en 2015, avant Culture, leur chef d’œuvre. Nous sommes alors en 2017. La trap fait sa loi depuis 2012 environ. La pièce maîtresse de ce genre est sans doute Culture. Un album de treize titres agrémenté d’un casting XXL : DJ Khaled, Lil Uzi Vert, Travis Scott, Gucci Mane et 2 Chainz sont en featuring avec le trio. Bad and Boujee sort le 28 octobre 2016. Il est le premier extrait de cet album et a dépassé en novembre 2020 le milliard de vues. La déflagration est immédiate. Ce morceau est un hit incontesté et lance brillamment la promotion du second album des Migos.

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Le 27 janvier 2017, Culture est enfin dans les bacs. Son homogénéité ébahit le monde entier. De T-Shirt à Get Right Witcha en passant par Slippery, on prend une leçon de trap durant 58 minutes. Un disque d’autant plus important qu’il installe pour de bon les Migos sur le trône du rap US. Leur influence sur le rap mondialement parlant n’en sera que décuplée par le futur. Si le trap devait choisir un ambassadeur, ce serait les Migos et l’album serait Culture.

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Arthur G.
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