Membre, comme Eric Clapton et Jimmy Page, des Yardbirds, Jeff Beck a été l’un des guitar-héros flamboyants des sixties. Dans les décennies suivantes, comme leader, il a exploré tous les genres, du blues au hard rock en passant par le jazz, et imprimé une légende qui se poursuivra bien après son décès survenu le 10 janvier 2023.
The Yardbirds – Roger the Engineer
L’une des visions les plus authentiques du swinging London se trouve dans le film Blow-Up d’Antonioni. Pour une scène de concert, le cinéaste italien avait convié un groupe à la réputation de showmen invétéré : les Yardbirds. Dans l’effectif de ce jeune orchestre, on découvrait, sur grand écran, deux guitaristes d’importance, Jimmy Page – qui fonda plus tard Led Zeppelin – et Jeff Beck, montré en train de détruire consciencieusement une guitare.
Jeune musicien en pleine formation au mitan des sixties, Jeff Beck est recruté dans les Yardbirds pour remplacer un certain Eric Clapton, devenu le premier guitar-hero de l’histoire du rock. Sur Roger the Engineer, sorti en 1966, il apporte à la formation son sens aigu de l’électricité : inventif, le jeune gratteux multiplie les effets de distorsion et de larsen, pour mieux capter l’énergie de son instrument. En résulte le meilleur album studio du groupe, et aussi l’un des premiers disques de hard rock !
Truth
Dès 1967, l’empreinte de Jeff Beck sur le rock semble définitive. Avec Clapton, il a notamment inspiré l’émergence d’un nouveau guitar-hero, Jimi Hendrix, et peut d’ores et déjà entamer une carrière solo. Il s’entoure pour ce faire d’une bande de musiciens tous très talentueux : Rod Stewart, devenu chanteur solo à succès par la suite, Ron Wood à la basse, Keith Moon des Who ou Jimmy Page pour un cameo sur Beck’s Bolero, concourent à faire de Truth un superbe disque de blues-rock tendance heavy.
Beck-Ola
Un an après Truth, Jeff Beck monte un véritable groupe pour accompagner ses saillies guitaristiques : Ron Steward et Ron Wood sont rejoints par Nicky Hopkins au piano et Tony Newman à la batterie. Beck-Ola, paru en 1969, se veut un exercice de rock’n’roll jubilatoire, où Beck et les siens démontrent un certain sens de l’électricité, sur des reprises comme All Shook Up ou Jailhouse rock ou l’excellent single original Plynth.
Rough and Ready
Ses petits camarades partis fonder un nouveau groupe, les Faces, Jeff Beck monte en 1970 un nouveau « Jeff Beck Group », avec d’autres vétérans du rock britannique. Sur Rough and Ready, cette formation inédite abandonne quelque peu le hard rock pour s’adonner au jazz et au funk, deux musiques que Beck aborde à la perfection, comme l’atteste le groovy single du disque, Got the Feeling, et son riff d’anthologie exécuté à la pédale wah-wah.
Jeff Beck Group
Pour son deuxième disque avec la formation ayant abouti à Rough and Ready, Jeff Beck continue sur sa lancée : la rythmique de Cozy Powell et Clive Charman se met au service de la voix racée de Bobby Trench, tandis que le pianiste Max Middleton instaure un climat jazzy magnifique. Le guitariste, quant à lui, règle l’ensemble en usant de solos de guitare des plus originaux. Son phrasé unique, à la fois virtuose et efficace, se remarque tout au long des neuf tubes que propose Jeff Beck Group.
Beck, Bogert and Appice
En ce début des années 1970, l’heure est à la formation de supergroupes rassemblant des musiciens issus de différents groupes. Après Clapton pour Derek and the Dominos ou Emerson, Lake, and Palmer, du côté du rock progressif, Jeff Beck est rejoint par deux musiciens venus de Vanilla Fudge et de Cactus, et forme Beck, Bogert and Appice. Exploitant au maximum le groove bluesy de ses camarades bassiste et batteur, il s’y révèle encore une fois en guitar-hero patenté et capable de jouer avec pléthore de virtuoses venus d’univers différents.
Blow by Blow
Pour son premier album sans la mention « group » après son nom, Jeff Beck s’offre en 1975 un disque de pure démonstration instrumentale. Sans chant, Blow by Blow fait la part belle à l’harmonie jazz-rock façon Jeff Beck, proposant par exemple une relecture laid-back du She’s a Woman des Beatles avec une touche de vocoder, et bien d’autres surprises !
Flash
En 1985, Jeff Beck, adulé des musiciens et des fans de hard rock, mais moins célèbre auprès du grand public, se décide à tenter une expérience du côté de la pop. Il retrouve alors son vieux compère Rod Stewart, devenu une immense star, et enregistre avec lui une reprise de Curtis Mayfield, People Get Ready. Sur l’album, il travaille également avec Nile Rodgers, le bouillonnant génie derrière Chic ou le Let’s Dance de Bowie, et peaufine un son très eighties. Si le résultat a étonné, à l’époque, Flash reste un bon témoignage du caractère versatile de Jeff Beck.
Live At The Hollywood Bowl
50 ans de carrière méritaient un événement à la hauteur. L’anniversaire de Jeff Beck a réuni des milliers de personnes en 2016, à l’occasion d’un concert capté sous le nom de Live At The Hollywood Bowl. Avec des guests comme Beth Hart ou Steven Tyler d’Aerosmith, ce gig de prestige rassemble de nombreuses reprises et des interprétations exceptionnelles de quelques grands tubes issus du répertoire beckien, comme Shapes of Things ou Beck’s Bolero.
Avec Johnny Depp – 18
En 2016, Jeff Beck faisait la rencontre de l’acteur Johnny Depp, également guitariste à ses heures perdues. L’entente musicale avec la star de Pirates des Caraïbes a finalement abouti à une collaboration très officielle : sur l’album 18, les deux interprètent ensemble des compositions de Depp et des reprises, pour un résultat à la fois rock et classe. Un ultime témoignage du génie partageur de Jeff Beck, qui aura été un accompagnateur de talent jusqu’à la fin de sa vie, en 2023.
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