Désormais genre majeur aux côtés du rock ou du rap, l’electro s’est imposé en parvenant à toucher le grand public après avoir été longtemps underground. De la musique pour synthétiseur aux dernières tendances, en passant par la techno, la house, la drum’n’bass ou la dubstep, cette catégorie a connu de nombreux développements, grâce à des artistes pionniers qui ont réinventé une musique faite pour la danse ou la rêverie.
Kraftwerk – Trans-Europe Express
Date de sortie : mars 1977
En 1972, le single Popcorn d’Hot Butter devenait le premier tube de musique instrumentale au synthétiseur à connaître un succès planétaire. Quelques notes jouées au clavier Moog allaient changer l’Histoire : désormais, les auditeurs du monde entier acceptaient le son de cette étrange machine, évoquant à la fois l’espace et les zones industrielles, les circuits imprimés et les lignes haute-tension.
Quatre ans plus tard, Kraftwerk parvenait en haut des charts avec leur single Autobahn puis l’album Trans Europe Express. Ce groupe allemand, inspiré du rock planant qui était très à la mode au début des années 1970 outre-Rhin, y réussissait l’exploit d’y inventer de nombreux éléments de l’electro moderne. Leur usage mélodique et atmosphérique du synthétiseur se retrouvait aussi bien dans la disco de Giorgio Moroder que les disques dédiés de Jean-Michel Jarre, comme Oxygène, paru en 1976. La manière avec laquelle les gimmicks de clavier se mêlaient aux boîtes à rythmes anticipait la new wave (à l’exemple de l’hypnotique Blue Monday de New Order). Quant à leur usage d’un vocoder pour déformer les voix, il a fait florès depuis lors, des Daft Punk au rap !
Pionnier d’une musique électronique à la fois artistique et commerciale, Kraftwerk inspirait aussi bien David Bowie lors de sa venue à Berlin que les DJ noirs américains, qui ont beaucoup écouté cet album, ainsi que Computer World au moment de transgresser la disco pour inventer la house et la techno !
Carl Craig – The Album Formerly Known As
Date de sortie : 2005
La naissance des grands genres de la musique électronique n’a jamais été affaire d’albums. Certains des pionniers de la techno de Detroit ou de la house de Chicago n’en ont même jamais sorti : leur travail était découvert en club, dans les années 1980, puis en maxi, et parfois grâce à des compilations.
On ne saurait toutefois parler des meilleurs disques d’electro sans citer ceux par qui tout a commencé avant le succès populaire de cette musique. Frankie Knuckles aimait par exemple le métissage musical : il eut l’idée de faire danser les ghettos de Chicago en mêlant le beat de la disco à des sonorités plus froides et en usant du sampling, inventant ainsi la House Music.
A Detroit, l’influence de Kraftwerk conjuguée à celle du funk explique l’émergence d’un nouveau son, encore plus synthétique, la techno. Elle est le fruit d’une poignée de DJ passionnés, qui se nomment Derrick May, Juan Atkins, Jeff Mills ou Kevin Saunderson. Tous œuvrent au milieu des années 1980, avant de passer le flambeau à des musiciens comme Laurent Garnier en France ou des successeurs à Detroit.
Carl Craig fait partie de ses continuateurs. Sur des disques comme The Album Formerly Known As, dans lequel il met au goût du jour un précédent opus appelé Landcruising, il a montré qu’en dehors des clubs, la techno était un véhicule émotionnel porteur de sens et d’atmosphère. Pour le plus grand bonheur des amateurs !
Aphex Twin – The Richard D. James Album
Date de sortie : novembre 1996
« Intelligent Dance Music ». IDM. Un acronyme pour désigner l’émancipation de la musique électronique des clubs et autres scènes rave, pour devenir une forme d’art qui s’écoute désormais également chez soi, de manière introspective. Avec son goût pour l’ambient, sa méthode hyperinventive pour traiter les sonorités en générant des rythmes aléatoires (les « glitch ») Aphex Twin a créé les bases de ce sous-genre, et lui a donné ses lettres de noblesse sur The Richard D. James Album.
Entre effets prédominants, mélodies naïves soudainement accélérées, harmonies poussées à l’extrême, ce magicien des studios a changé à jamais l’electro avec des morceaux aussi barrés que la pièce de musique de chambre déstructurée de Girl/Boy Song ou les textures mélancoliques de Fingerbib.
Roni Size – New Forms
Date de sortie : juin 1997
En réutilisant les passages de batteries seules (ou « break beat ») des disques de James Brown, les DJ des années 1980 ont donné au rap son rythme caractéristique. Quelques années plus tard, d’autres musiciens décidèrent de l’accélérer et d’y ajouter une basse lourde emblématique : la drum’n’bass était née.
Avec sa touche jazzy, ses moments rappés, New Forms de Roni Size & Reprazent reste le meilleur exemple de ce style particulier de l’electro, preuve de l’ouverture du genre aux influences afro-américaines.
Daft Punk – Homework
Date de sortie : janvier 1997
Avec deux singles sur le pointu label anglais Soma, Da Funk et Rollin’ & Scratchin’, Daft Punk réunifiait toutes les forces de l’electro : sur le premier, la house était traitée d’une façon nouvelle, avec beaucoup de compression, pour un résultat très rentre-dedans. Sur le second, la techno devenait plus granuleuse et texturée.
Après ces deux coups de maître, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo passaient au long format pour créer Homework, un disque révolutionnaire, porté par des titres majeurs comme Around the World ou Revolution 909. Alpha et Omega de ce qu’on devait appeler alors la French Touch (et qui réunissait Étienne de Crécy, Cassius ou Bob Sinclar), ce disque a si bien vieilli qu’il reste toujours une démonstration éclatante du génie du duo casqué.
Chemical Brothers – Dig Your Own Hole
Date de sortie : 1997
Dig Your Own Hole, des Chemical Brothers, a consacré ce duo britannique comme roi de la big beat, aux côtés de Prodigy. Mêlant les machines de l’electro, les mélodies de la pop et l’énergie du rock, cette scène a connu un succès dantesque dans les années 1990, bien aidée par ce type d’album. Le tandem britannique excelle en long format, alternant track hyper dansante (Block Rockin’ Beats) et morceaux aériens (Where Do I Begin) !
Moby – Play
Date de sortie : 1999
La scène electro a su séduire un très large public au travers d’œuvres accessibles, dans lequel le son de synthé se frottait à d’autres atmosphères. Moby, avec Play, a réalisé un excellent disque downtempo, fait pour méditer plutôt que pour danser. Convoquant l’héritage de la musique folklorique américaine, notamment blues. Devenu culte avec des hymnes comme Porcelain ou Natural Blues, cet album a consacré son auteur en tant que roi des samples vocaux et de l’electro connectée à la world.
Ellen Allien – Sool
Date de sortie : 2008
Vedette des dancefloors berlinois dans les années 2000, Ellen Allien s’est distinguée dans le genre dit « minimal », apportant une sensibilité particulière à ce style retrouvant la manière austère et hypnotique de Kraftwerk.
Sur son album Sool, en compagnie d’une autre artiste allemande, AGF, son caractère bien affirmé se trouvait décuplé par la volonté de réaliser un album moins dansant que profond, resté comme l’un des meilleurs exemples de l’effervescence de la techno allemande du tournant du millénaire.
Boris Brejcha – Feuerfalter Part 02
Date de sortie : 2014
Derrière un masque qui cache les séquelles d’un grave accident, Boris Brejcha disrupte la techno minimale depuis une dizaine d’années. Connu pour ses sets intenses, psychédéliques et racés, le DJ allemand compile ses morceaux les plus emblématiques sur des albums remarquables, comme Feuerfalter Part 02, dans lequel il maîtrise une large palette de textures propices à faire trembler les dancefloors !
Four Tet – Rounds
Date de sortie : 2003
Après avoir abordé le post-rock au sein de Fridge, l’artiste anglais Kieran Hebden a adopté le pseudonyme de Four Tet pour produire un nouveau métissage musical : croisant folk et electro, il est l’un des pionniers les plus inspirés du genre dit « folktronica », à découvrir sur l’excellent Rounds !
Justice – Justice †
Date de sortie : 2007
Dix ans après Discovery, une bande de nouveaux venus révolutionnait à nouveau la house et la techno, y incorporant davantage de rock et de psychédélisme qu’à l’accoutumée. Les garçons de Justice, avec leur album Justice †, étaient de ceux-là. Auprès de Sebastian, Digitalism ou Boys Noize, ils forgeaient là une nouvelle légende pour l’electro, contribuant à la rendre immensément populaire en France.
Moderat – Moderat
Date de sortie : 2009
Quand deux piliers de la scène allemande, le groupe Modeselektor et l’artiste solo Apparat, s’associent, cela donne Moderat, l’un des projets les plus intéressants de l’electro moderne. La house/techno minimaliste des premiers y croise les sonorités pop et aériennes du second, dans un mix définitivement adopté par tous les passionnés en Europe depuis leur premier album Moderat !
Thylacine – Transsiberian
Date de sortie : 2015
Auprès de Superpoze, Rone, Petit Biscuit ou Fakear, Thylacine est l’un des nouveaux visages de l’electro française contemporaine. Pour Transsiberian, il a réellement pris le légendaire train Moscou-Vladivostok pour réaliser ce voyage musical aussi efficace que planant.
Porter Robinson – Worlds
Date de sortie : 2014
Les années 2000 ont vu l’émergence d’un nouveau style, l’EDM (Electronic Dance Music), faisant connaître des artistes comme David Guetta ou Skrillex aux États-Unis, et des festivals comme Tomorrowland. Dans ce cadre, les mélodies devenaient de véritables hymnes au service de dancefloors dantesque, avec des drops et des breaks invitant à la danse saccadée la plus sauvage. Porter Robinson, lié à cette scène, en a dégagé la substantifique moelle, pour aboutir à une réussite artistique totale sur l’album Worlds.
Bicep – Bicep
Date de sortie : 2017
Tourné vers le passé de la Grande-Bretagne, et notamment l’émergence de l’acid house et de l’italo disco, le duo Bicep réécrit cette histoire pour créer le son du futur, à l’image des textures et des rythmes divins proposés sur leur premier album, Bicep.
