De Six Feet Under à The Leftovers, en passant par This Is Us, The Haunting of Hill house ou encore, plus récemment, The First avec Sean Penn et Kidding avec Jim Carrey… Les séries TV n’en finissent plus de broyer du noir. Vecteurs incontournables de la pop culture, elles sont de plus en plus nombreuses à s’emparer de la mort pour nous aider à enterrer nos peurs de l’ « après ».
Six Feet Under
La mort sans tabou
Formidable chronique du deuil déroulé sur cinq saisons, Six Feet Under compte parmi les premières séries à avoir osé se frotter sans détour à la réalité de la mort. Souvenez-vous, c’était au début des années 2000. On y suivait le quotidien de la famille Fisher qui, à la suite d’un accident de corbillard, le pater familias, croque-mort de profession, laissait ses fils Nathaniel Jr. (Peter Krause) et David (Michael C. Hall) reprendre les rênes de son entreprise de pompes funèbres. À leurs côtés, Ruth, la mère, et Claire, la jeune sœur. Dans Six Feet Under, la mort est omniprésente, abordée sans tabou tantôt avec tragédie, tantôt avec humour, voire même avec indifférence. D’habitude symbole de fin insurmontable, elle devient ici un commencement, le début de tout. De l’acceptation de soi, d’une nouvelle vie…
This Is Us
Mange ton soap !
Autre portrait polyphonique d’une famille en deuil suite à la perte du patriarche (Milo Ventimiglia), celui de la famille Pearson dans This Is Us. Avec certes le curseur lacrymal placé un peu plus haut, la création de Dan Fogelman n’en aborde pas moins frontalement ce lourd sentiment de vide qui n’en finit pas. Et un peu comme dans Six Feet Under, une fois encore la mort du père constituera pour chaque personnage le point de départ d’un long mais nécessaire chemin vers la reconstruction.
Les Revenants
Le réalisme onirique
La mort, la perte, la disparition… Autant de leitmotivs dont se nourrit depuis toujours le cinéma de genre, fantastique ou horrifique. Les séries n’ont pas tardé à emboîter le pas, à l’instar notamment des Revenants de Fabrice Gobert, adapté du long-métrage éponyme de Robin Campillo. Avec la diffusion de la saison 1 en 2012 sur Canal+, on avait ainsi vu notre curiosité piquée au vif par ce « rêve » inquiétant à l’ambition visuelle inédite et à l’histoire génialement terrifiante. Celle, dans un petit village de montagne, d’une communauté de vivants contraints de composer avec des morts bien décidés à reprendre leur place.
The Haunting of Hill house
La maison hantée dépoussiérée
Autre série de genre, The Haunting of Hill House. Adaptée du livre de Shirley Jackson et hommage détourné à La Maison du Diable de Robert Wise, la série plonge ses racines narratives dans la longue tradition horrifique du manoir hanté et des fantômes. Celui notamment d’une mère morte brutalement et dont le spectre – le souvenir – ne cesse d’obséder le présent de ses cinq enfants devenus grands. La série se construit ainsi, entre passé et présent, autour de leurs réactions respectives face au violent traumatisme de leur enfance. Et derrière son décorum fantastique, la série décortique avec une rare justesse toutes les composantes du deuil, du déni à la colère, en passant par la dépression ou l’acceptation. Beauté des images et mise en scène impeccable !
The Leftovers
À ceux qui restent…
Attention chef d’œuvre ! Entre 2014 et 2017, HBO frappait encore un très grand coup avec The Leftovers. En trois saisons et pas une de plus, Damon Lindelof (Lost) et Tom Perrotta parvenaient à toucher à l’essence même du deuil avec cette histoire de disparitions en masse inexpliquées dans la petite ville de Mapleton. Ici, le deuil est collectif, communautaire. À chacun de faire le sien et de trouver ses réponses… ou pas. Car en se gardant justement de tout expliquer, en nous perdant entre réel et irréel, The Leftovers nous parle surtout ici de la nécessité pour ceux qui restent d’accepter la perte, quelle qu’en soit la raison, et nous presse par dessous tout de vivre dans le présent.
Kidding
Vous allez pleurer de rire…
Qui dit « série sur le deuil » ne signifie pas forcément s’enfoncer dans son canapé sous le poids d’une tristesse absolue. La preuve avec la récente Kidding, comédie dramatique réalisée par Michel Gondry qui signe ici ses joyeuses retrouvailles avec Jim Carrey. L’acteur y interprète le rôle d’un présentateur télé dévasté par la mort de son fils. En affichant ostensiblement ses ambitions comiques, en épinglant en tête d’affiche l’un des plus grands clowns tristes de ces dernières années (The Truman Show, Eternal Sunshine of the Spotless Mind), la série nous révèle ainsi l’infime frontière qu’il peut exister entre la douleur et le rire.
The First
Vers l’infini et au-delà !
Dans The First, Sean Penn campe un astronaute qui, alors qu’il a perdu sa femme, est chargé d’organiser la première mission sur Mars. Mais passé son côté « conquête de l’espace », la série imaginée par Beau Willimon (House of Cards) s’approche davantage d’un bouleversant récit intimiste : le parcours intérieur d’un homme solitaire qui, pour étouffer sa douleur, préfère aller se perdre dans l’espace, deux ans durant, loin de toute vie sur Terre. Seul point d’accroche à sa vie ici-bas, sa fille adolescente, en crise… Fuir vers l’espace infini ou rester les pieds sur terre pour s’occuper de celle qui a besoin de lui ? Telle est la question posée par The First.
Vous l’aurez compris, à la télé comme dans la vie, à chacun son deuil. Et comme dans la vie, également, le plus dur avec ces histoires de « pertes », c’est sans doute de les oublier… Toutes nos condoléances…
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Visuels d’illustration : © France 2 / NBC / Canal + / Steve Dietl/Netflix / HBO / Erica Parise/SHOWTIME / Hulu