À mille lieues des faiseurs de best-sellers qui gravitent dans la galaxie fort peuplée du roman noir, il existe une nouvelle génération d’auteurs français réfractaires aux frissons faciles et aux formatages industriels. De Marcus Malte à Sandrine Collette en passant par Antoine Chainas ou encore Elsa Marpeau, ils sont six étoiles de cette nébuleuse moderne dont les romans exigeants arrimés aux tourments de la société sont à lire de toute urgence.
À la tête d’une œuvre inclassable et passionnante, Marcus Malte se révèle au fil des romans comme un adepte invétéré du dépassement de genre. Après des débuts dans le polar où il contribue notamment à la série du Poulpe, il poursuit son chemin littéraire de plus en plus à la marge des intrigues policières, qu’il réserve aujourd’hui aux plus jeunes de ses lecteurs. Dans Cannisses / Far West, Marcus Malte joue avec les limites entre la raison et la folie, tout en renouant avec le western absurde dans Far West.
Brutale rurale
Spécialiste hors pair du non-dit et du hors champ, Sandrine Collette a fait de l’épure psychologique sa marque de fabrique. Dans ses thrillers aux enjeux puissants bâtis autour de personnages fouillés, elle préfère toujours s’en remettre à la force des actes plutôt que d’enchaîner les digressions analytiques. Après la violence fratricide des protagonistes de Des nœuds d’acier, Sandrine Collette s’intéresse à la part de bestialité de l’homme dans Animal, un roman qui brouille les frontières. Les forêts népalaisses n’ont qu’à bien se tenir, Lior est en chasse…
Peur sur la ville
Partisan d’une littérature inconfortable et sans concessions dans le fond comme dans la forme, Antoine Chainas, par ailleurs brillant traducteur de plusieurs de ses confrères anglo-saxons, se distingue par l’âpreté et la noirceur de ses romans. Nouveau fleuron de la Série Noire, il signe en 2013 avec Pur un thriller glaçant proche de la fiction prospective. À travers le contexte socio-politique qu’il décrit, il est question de manipulation médiatique et d’extrémisme de droite prêt au pire pour imposer des idées nauséabondes à un peuple déboussolé.
Miroir noir
La réalité étant parfois un excellent préambule à la fiction, il suffit alors de s’inspirer de sa propre histoire pour donner un supplément d’âme à son roman noir… C’est ce qu’Elsa Marpeau a parfaitement réalisé en écrivant L’Expatriée, un thriller inclassable aux frontières de l’autofiction où elle intègre des éléments autobiographiques pour mieux dérouler une angoissante intrigue criminelle et passionnelle dans la touffeur de Singapour. Chez cet auteur, la noirceur est éclectique : dans son dernier roman, Son Autre Mort, la victime prend la place de l’agresseur et s’infiltre parmi ses proches pour trouver le criminel idéal.
Angoisse provinciale
Citadin fasciné par la face cachée de la campagne, Benoît Minville s’est fait une spécialité de délocaliser ses idées noires du côté des paysages de province. Le Pays Basque est la nouvelle cible de l’auteur : dans Les Géants, Marius et Esteban affrontent le retour d’un grand-père gangster qui bousculera le fragile équilibre de leur vie par des révélations fracassantes sur des secrets de famille.
Thriller et gourmandise
Passionnée de littérature et de gastronomie, Ingrid Astier a la particularité d’avoir écrit avec talent sur la bonne chère avant d’orchestrer d’excellents thrillers. Elle vient au roman noir en 2010 avec Quai des enfers. Premier polar et premier coup de maître pour une ténébreuse intrigue parisienne qui lui permet de glaner au passage quelques prix prestigieux. Avec Haute Voltige, Ingrid Astier reproduit son coup de maître avec une attaque de convoi à la sauce parisienne. Le butin du convoi de ce riche saoudien n’est autre qu’une femme, Ylana, et le commandant Suarez en fera sa nouvelle obsession.
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