Libérateur d’énergie, générateur de vocation et révélateur de talent, le punk mène à tout. De Nick Cave à Lydia Lunch en passant par Patti Smith, de New York à Londres et jusqu’en France, les darons du punk puis du post-punk ont toujours fait sonner le bruit des guitares avec la fureur des mots. À l’occasion de la Fête de la musique, souvenons-nous que ces musiciens devenus des écrivains d’aujourd’hui viennent d’un passé qu’ils chantaient sans futur…
New York, USA
Berceau originel du punk, New York est au début des années 70 le laboratoire et l’incubateur d’une contre-culture d’avant-garde à la fois bourgeoise et lettrée, dont l’objectif est de briser les codes de la création. Sous le haut patronage d’Andy Warhol, musiciens et artistes aux idées folles se donnent alors rendez-vous à la Factory pour s’exprimer sans complexe et à rebours de toute idée de virtuosité. Quelques années plus tard, avec notamment l’avènement du Velvet Underground, le champs des possibles s’élargit pour toute une génération d’artistes punks new-yorkais ne s’imaginant pas une seconde qu’ils pouvaient survivre au temps qui passe.
Patti, Richard & Lydia
Considérée comme la maraine du punk new-yorkais, Patti Smith est avant tout une artiste complète qui s’est servie de l’énergie cathartique du rock’n’roll pour porter aux oreilles de tous ses réflexions poétiques sur le monde. Au-delà de ses onze albums studio, dont certains sont devenus des classiques comme Horses et Easter, et de tous ses engagements humanistes, celle que certains n’hésitent pas à comparer à Rimbaud a publié près d’une vingtaine de livres depuis 1972 dont des recueil de poèmes, des romans et même un carnet de voyage insolite et poétique comme M train, sa dernière production.
Dans son sillage, les deux fondateurs de Television revendiquent ce même goût pour un rock’n’roll cultivé et littéraire. D’un côté, Tom Verlaine, guitariste virtuose au nom de scène évocateur, de l’autre Richard Hell, connu pour avoir livré au monde un hymne punk éternel avec Blank Generation, un stylisme à base d’épingles à nourrices qui s’exportera avec succès en Angleterre et un roman, L’Œil du lézard, aux allures d’errance sentimentale déjantée.
Émanation post-punk des rues crasseuses de la Big Apple, Lydia Lunch est une figure incontournable de l’underground new-yorkais de la toute fin des années 1970. Poétesse punk, performeuse adepte du spoken word (du slam version rock) et auteure de romans sans concessions comme Paradoxia ou Déséquilibres synthétiques, cette grande amie de Virginie Despentes débute en 1980 sa carrière solo avec Queen of Siam et 1313, deux albums indispensables et fulgurants de No-Wave, courant alternatif post-punk proposant une New-wave déglinguée, bruitiste et déstructurée dont elle est une des principales représentantes.
London calling
Importé en Angleterre par ce renard de Malcolm Mc Laren, le mouvement punk change profondément de nature en 1977 pour se réinventer à l’anglaise en quelque chose de moins arty et plus populaire, associant excentricité, irrévérence, art de la provoc’, morgue nihiliste et posture crâneuse. Si l’on ajoute à cela l’héritage Do It Yourself venu des US, on obtient un électrochoc qui va secouer durablement un paysage culturel chloroformé par les roucoulades de ses dinosaures.
Nick & John
Depuis 1979 et les premières déflagrations soniques de Birthday Party dans les clubs londoniens, jusqu’aux dernières perles noires solo d’aujourd’hui, Nick Cave, Australien de naissance mais viscéralement Anglais d’adoption, a imposé au fil de ses 35 années de carrière un personnage d’artiste total, grave et habité, aussi à l’aise en musicien qu’en romancier. Musique ou littérature, il creuse un même noir sillon qui le mène invariablement vers les mêmes obsessions que sont la mort, la violence, l’addiction, l’Amérique profonde et la foi religieuse. Pour s’en convaincre, il suffit de se plonger dans un roman comme Et l’âne vit l’ange ou se laisser emporter par la beauté sépulcrale de son dernier album Skeleton Tree marqué par la perte d’un de ses fils.
En retrouvant son nom après avoir claqué la porte des Sex Pistols, John Lydon (ex Rotten) incarne et impulse à lui seul le passage de l’éruption punk aux expérimentations post-punks. Fan absolu de musique, biberonné au Krautrock de Can et au Reggae de Peter Tosh, il abandonne les délires markétés de Mc Laren pour créer PIL, un projet musical alternatif, ambitieux et précurseur qui est encore et toujours bien vivant. Sa vie est un roman palpitant qu’il raconte avec sa verve légendaire dans La Rage est mon énergie, une biographie singulière construite sur la retranscription quasi in extenso de son récit oral.
Punk in France
Alors qu’à la fin des 70’s, le punk hexagonal se résume pour le grand public à une caricature sautillante comme Plastic Bertrand, le mouvement s’organise dans l’underground où se produisent pléthore de groupes gonflés à bloc. Parmi cette scène musicale vivace et foisonnante, émergeront des personnalités talentueuses dont certaines sont aujourd’hui devenues des auteurs reconnus. On pense à Patrick Eudeline – rock critique émérite, romancier rock’n’roll et guitariste d’Asphalt Jungle – Kent, parolier raffiné, artiste multi-supports, auteur de sept romans et ex-leader de Starshooter – ou encore Karim Berrouka, auteur de SF reconnu et ancien chanteur de Ludwig von 88.
Visuel d’illustration © Maelle Ramsay