Dossier

Langrisser I & II : Retour aux fondamentaux du Tactical-RPG

21 mars 2020
Par Valérie Précigout (Romendil)

Jamais sortis en Europe, les deux épisodes fondateurs de la saga de Tactical-RPG Langrisser font une intrusion sur Switch, PS4 et PC à l’occasion d’un remake inespéré ! Logiquement bien moins connue chez nous que Shining Force ou Fire Emblem, cette série trentenaire a pourtant grandement contribué à donner au genre ses lettres de noblesse.

Langrisser

© Langrisser I & II / NIS America

Au Japon, la saga Langrisser est auréolée d’un certain prestige qu’elle doit autant à la qualité de ses mécaniques qu’au charme de ses protagonistes et à l’efficacité de ses thèmes musicaux. De 1991 à nos jours, la franchise n’aura eu de cesse d’évoluer au travers de cinq épisodes principaux et d’un certain nombre de spin-offs dont les plus récents sont cependant loin d’être les plus convaincants.

Langrisser

© Langrisser, Langrisser II / NCS Corp Masaya

Un morceau d’Histoire

Comme son titre l’indique, le double remake que nous propose aujourd’hui NIS America sur Switch, PS4 et PC via Steam revisite les deux opus originaux de la saga. Le premier Langrisser, sorti notamment sur Genesis (notre Mega Drive européenne) en 1991, avait été renommé Warsong aux États-Unis, le deuxième datant de 1994 sur ce même support. Cela nous ramène à une époque où la grande famille du Tactical-RPG japonais accueillait, entre autres, les premières itérations de Shining Force et de Fire Emblem. Deux franchises dont le parcours est assez comparable à celui de Langrisser, si ce n’est que cette dernière n’avait encore jamais bénéficié d’une localisation européenne jusqu’à ce mois de mars 2020.

Langrisser

© Langrisser, Langrisser II / NCS Corp Masaya

Tous pour un !

Ayant en commun un rythme agréablement soutenu grâce au caractère instantané des combats qui se résolvent généralement en un tour ou deux, ces trois sagas n’en ont pas moins chacune leurs particularités. Dans le cas de Langrisser, l’élément le plus singulier réside peut-être dans le fait que chaque personnage de notre équipe n’évolue pas en solitaire sur le terrain. Considéré comme un général à part entière, il est entouré d’une poignée d’escadrons que l’on a la possibilité de recruter en amont de la bataille contre espèces sonnantes et trébuchantes. Plusieurs types d’unités étant disponibles en fonction de la classe de chaque protagoniste, cette seule particularité permet de démarrer chaque mission dans des conditions différentes et renouvelées.

Langrisser

© Langrisser I & II / NIS America

Une zone partiellement maritime sera ainsi toute désignée pour accueillir des sirènes ou des hommes-lézards tandis que les unités volantes telles les anges ou les harpies prendront facilement les ennemis à revers. Bien sûr, plus ces troupes sont aguerries et nombreuses, plus leur coût s’avère élevé, mais c’est le prix à payer pour s’octroyer un avantage décisif sur le terrain. Sachant qu’un général mort entraîne la destruction immédiate de ses escadrons, c’est bien lui qu’il convient de cibler en priorité tout en assurant une protection maximale aux généraux alliés. Tout l’aspect tactique de Langrisser I & II réside d’ailleurs essentiellement dans cette gestion offensive et défensive des troupes qui, en plus de faire gagner de l’expérience à leur leader, peuvent se régénérer lorsqu’elles se trouvent à leur côté.

Langrisser

© Langrisser I & II / NIS America

Le livre des règles

Tout aussi appréciable, la nouvelle permissivité de l’arbre des classes – surtout comparé au système rigide des promotions de Fire Emblem – a le mérite d’autoriser les retours en arrière pour qui veut débloquer un maximum de jobs pour chaque héros. Paladins, prêtres, sorciers et autres chevaliers-dragons restent dans la veine habituelle du registre médiéval-fantastique, mais la diversité de jobs proposés est le gage d’une stratégie solide qui ne lasse pas sur l’ensemble de la campagne des deux jeux. Des ajustements ont d’ailleurs été faits sur ces remakes afin de dépoussiérer les mécaniques de gameplay, avec par exemple un affichage plus détaillé des avantages et des inconvénients liés à la topographie.

 

Langrisser

© Langrisser I & II / NIS America

En parallèle, Langrisser I & II conserve les restrictions propres à certaines unités, comme ces mages qui ne peuvent lancer de sorts et se déplacer durant un même tour, ce qui vaut également pour les soins. Dommage que l’IA suicidaire des unités ennemies n’ait pas été remaniée, ces dernières optant systématiquement pour une « stratégie » kamikaze, même si le recours aux ordres du général permet d’orienter un minimum le comportement des alliés. L’expérience se rapproche malgré tout sensiblement de celle qui était proposée sur les versions d’origine, sans que le résultat paraisse totalement en décalage avec les standards actuels. Le challenge s’avère cependant largement en deçà de celui d’un Fire Emblem, surtout en l’absence de mort définitive, et aurait mérité d’être revu à la hausse.

 

Langrisser

© Langrisser I & II / NIS America

Dragon Force « power »

En 1991 déjà, Langrisser se démarquait par sa volonté d’offrir un certain nombre de dénouements accessibles au travers d’embranchements scénaristiques multiples qui ont bien entendu été conservés ici. L’interface d’inter-missions permet ainsi de vérifier si plusieurs chemins étaient autorisés sur les batailles déjà terminées, avec un retour en arrière possible pour qui souhaite emprunter une autre voie. Un élément précieux, tout particulièrement dans Langrisser II où il est nécessaire de tester plusieurs résolutions des batailles si l’on veut découvrir l’ensemble des routes proposées. Inutile de souligner qu’en termes de durée de vie, les campagnes cumulées de Langrisser I & II se comptent en dizaines d’heures de jeu, quand bien même vous zapperiez systématiquement le déroulement des combats.

 

Langrisser

© Langrisser I & II / NIS America

Ce serait d’ailleurs passer à côté d’une autre des signatures de la franchise qui, à travers la présence de troupes dont le nombre diminue proportionnellement aux dégâts reçus, met en scène ses affrontements de manière originale et dynamique. Difficile de ne pas penser à Dragon Force au vu de ces unités qui se jettent les unes sur les autres dans une mêlée générale parfaitement organisée ! Le lifting des sprites et le nouveau rendu en HD ne compromet en rien l’aspect old school de ces phases de jeu qui laissent la part belle aux illustrations des généraux lorsque ces derniers prennent directement part aux conflits.

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© Langrisser I & II / NIS America

 

Le choix des styles

Au registre des bonnes nouvelles, il faut souligner la possibilité offerte par ce remake de switcher entre les portraits remaniés par Ryô Nagi (Ar tonelico) et le character design original de Satoshi Urushihara. Apprécié entre autres pour son travail sur les anime Plastic Little et Legend of Lemnear, l’artiste n’a pas volé sa réputation et l’absence de son travail sur la refonte de Langrisser I & II aurait sérieusement entamé l’authenticité de ces remakes. Cette option est d’ailleurs d’autant plus précieuse qu’elle est incluse par défaut dans le sous-menu, alors qu’il était obligatoire de passer par un DLC payant pour en profiter au Japon. Il est même possible de jongler à la volée entre les deux styles selon les préférences de chacun !

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© Langrisser I & II / NIS America

Même chose au niveau sonore puisque, à l’occasion de ce « full-remake », le compositeur original Noriyuki Iwadare (connu pour les OST des séries Lunar et Grandia) a planché sur une réorchestration des thèmes musicaux. À tout moment durant la partie, on peut ainsi juger de la pertinence du travail réalisé en passant des musiques rétro aux nouvelles versions des morceaux. Un doublage japonais inédit spécialement réalisé pour ce remake vient même rythmer efficacement les discussions pendant et en dehors des batailles.

 

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© Langrisser I & II / NIS America

Dans sa volonté de satisfaire aussi bien les anciens joueurs que les néophytes, le titre permet de combiner librement les maps classiques avec le character design moderne, ou les portraits d’origine avec les maps en version remaster. Il faut tout de même préciser qu’il n’est pas possible d’avoir un aperçu fidèle du rendu des phases de combat (de 1991 et 1994) et que les graphismes dits « originaux » ne correspondent pas réellement à ceux des versions Mega Drive, car les sprites utilisés sont obligatoirement ceux du remake. On se retrouve donc avec un résultat hybride qui donne une vague idée de ce que pouvaient donner ces jeux tels qu’ils étaient sortis il y a maintenant presque trente ans. Un compromis sans doute indispensable pour adapter raisonnablement cette expérience rétro à nos écrans HD, même si celle-ci se prête encore mieux au mode portable proposé sur la version Switch.

Langrisser

© Langrisser I & II / NIS America

 

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