Dossier

Dragon Ball Z Kakarot : ce qui lui aura fait défaut

28 janvier 2020
Par Valérie Précigout (Romendil)

Remontons une dizaine d’années dans le passé, alors queCyberConnect 2 se prenait à réinventer les adaptations de mangas shônen en poussant sa vision au-delà du sempiternel jeu de combat. Avec ses premières déclinaisons de Naruto Ultimate Ninja Storm, le studio japonais suggérait une alternative viable à un modèle que l’on croyait immuable, replaçant la narration et la mise en scène au tout premier plan. Nous étions alors nombreux à rêver d’une déclinaison de la saga Dragon Ball calquée sur cette même philosophie, mais il aura fallu attendre la sortie de DBZ Kakarotpour voir ce rêve se concrétiser… sans doute un peu tard.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

Malgré toute sa bonne volonté, Dragon Ball Z: Kakarot affiche un visage daté qui nous donne dès le début l’impression d’avoir ressorti la galette d’un titre qui n’appartient pas à sa génération. Non pas que sa réalisation soit condamnable, même si l’équilibre du traitement personnages/décors reste par trop inégal, mais c’est surtout dans son approche globale que le titre paraît en décalage avec son époque. La faiblesse de sa mise en scène, son univers morcelé haché de temps de chargement, son manque de rythme causé par un déroulement qui traîne parfois inutilement en longueur font que l’on ne se sent jamais vraiment happé de l’autre côté de l’écran, alors même que l’on est en train de revivre l’intégralité d’un mythe qui déchaîne les passions depuis plus de trente ans.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

Une hybridation fragile

Trop restrictif dans sa proposition, Dragon Ball Z: Kakarot a déjà du mal à trouver son juste équilibre entre ses emprunts timides à des composantes dérivées du RPG et son aspect baston qui ne s’assume qu’à moitié. Que l’on vienne à lui pour l’un ou pour l’autre, on sera forcément déçu dans la mesure où aucune de ces deux facettes ne se voit pleinement exploitée. Ce qui s’apparente au départ à une bonne surprise finit même assez vite par nuire à l’efficacité du titre. Car le jeu prend son temps – presque trop ! – pour retracer dans le détail (mais en version censurée) l’intégralité de la saga DBZ : de l’arrivée de Raditz jusqu’au dénouement face à Boo… quitte à s’égarer trop souvent dans un labyrinthe de sous-événements interminables.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

Dès lors, si on se hasarde à comparer son rythme à celui de la série animée, le résultat se révèle finalement nettement moins efficace en raison d’un souci du détail excessif qui laisse sans doute trop de place aux scènes de moindre importance. On peut comprendre que c’est justement en extrapolant autour de ce qui n’est que suggéré dans le manga que le titre peut trouver sa plus-value au travers d’objectifs inédits et optionnels, mais pas lorsque leurs tenants et aboutissants se résument à trouver tel objet pour le livrer à tel ou tel NPC (personnage non-joueur) situé à un autre point de la map. La redondance et le manque d’imagination des quêtes annexes n’incitent alors que trop peu à s’éloigner du fil rouge, seuls le doublage japonais et les réorchestrations de certains thèmes musicaux issus de l’anime parvenant à sauver le titre sur le plan de l’immersion pure. Quant à l’émotion, elle est à des années-lumière de ce que l’on avait pu ressentir au contact de la série TV et se cantonne à des préoccupations d’ordre strictement nostalgique.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

Vrai ou faux open world ?

Quelques heures avant la levée de l’embargo, l’éditeur éprouvait encore la nécessité de communiquer sur le fait que Dragon Ball Z: Kakarot n’appartenait pas au registre de l’open world. Pourtant, le titre n’est pas si éloigné que cela de la conception que l’on peut se faire d’un jeu en monde ouvert. Le problème réside sans doute davantage dans le caractère restreint et morcelé des zones explorables que dans la liberté que le jeu nous accorde d’aller où on le souhaite, par voie terrestre ou aérienne. La contrainte technique de devoir séparer les différentes contrées du jeu alors même que le titre nous pousse constamment à voyager d’une zone à l’autre a pour effet nocif de hacher la progression au point de la rendre inutilement poussive.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

Si le titre était parvenu à s’affranchir de ses temps de chargement incessants pour proposer un Dragon World plus vaste et plus cohérent, ses ambitions auraient été à prendre au sérieux. Et la nécessité d’étoffer son contenu en matière d’éléments cachés et autres sous-objectifs se serait peut-être alors faite plus limpide en contribuant à rendre le monde plus vivant. En l’état, le Dragon World de DBZ Kakarot n’est certes pas une coquille vide, mais son caractère morcelé et répétitif limite considérablement ses possibilités en termes d’exploration. La chasse, la pêche, les courses en véhicule ou la collecte d’orbes visant à débloquer l’arbre des compétences propres à chaque personnage jouable ne font que nous éloigner encore plus du propos originel tel que l’avait imaginé Akira Toriyama dans son manga.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

Même la recherche des Dragon Balls disséminées aux quatre vents prend des allures anecdotiques tant elle est simple à mener à bien et ne débouche que sur des récompenses mineures, si ce n’est la possibilité pour les fans d’assister à des dialogues spéciaux dans certains cas bien précis de résurrection d’ennemis. Bandai Namco avait ainsi donné l’exemple d’une rencontre inédite entre Goku et Frieza après avoir débloqué la transformation Super Saiyan 3. Mais la finalité de ces quêtes de résurrection d’ennemis ne se répercute concrètement qu’au travers du tableau des emblèmes de communauté, interface permettant de renforcer ses bonus de manière relativement libre. Il aura d’ailleurs fallu attendre le déploiement d’une mise à jour pour pouvoir accéder à l’ensemble des quêtes secondaires en fin de partie, la plupart n’étant initialement accessibles qu’avec des personnages précis et durant un chapitre donné.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

Des combats tout en retenue

Indissociable des affrontements épiques caractérisant les épisodes vidéoludiques de Naruto Ultimate Ninja Storm, le savoir-faire de CyberConnect 2 au service de Dragon Ball Z: Kakarot pouvait laisser espérer un impact fort en termes de mise en scène pure. Rappelez-vous, le studio était alors parvenu à aller au-delà de la série animée Naruto en catapultant le joueur au cœur même des cinématiques via des combats de boss spectaculaires truffés d’intenses QTE (Quick Time Event). On ne retrouve cependant pas cette empreinte-là dans Dragon Ball Z: Kakarot où l’on a presque le sentiment que CyberConnect 2 s’est contenté du strict minimum sur le plan de l’action. Le fait est que si les combats sont effectivement nerveux, rapides et plutôt simples à s’approprier, leur manque de profondeur nuit considérablement au charme du soft sur la durée.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

En l’absence de subtilités dignes de ce nom, on se retrouve à appliquer trop souvent les mêmes schémas d’action en conservant suffisamment de ki pour se téléporter dans le dos de l’adversaire afin de contre-attaquer par un combo étourdissant permettant de faire mouche avec une attaque spéciale. Les rayons d’énergie ne s’entrechoquent qu’à de trop rares occasions et le fait de pouvoir stocker des potions à l’infini condamne la notion même de challenge. Sans compter les mauvais tours que nous joue régulièrement la caméra en nous obligeant trop souvent à jouer à l’aveugle lorsqu’un élément du décor entrave la lisibilité.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

Dans un titre qui s’étale allègrement sur plusieurs dizaines d’heures de jeu, on finit fatalement par se lasser du manque de subtilités tactiques de l’ensemble, quand bien même le déclenchement des transformations, attaques de soutien et autres combos Z viennent pimenter ponctuellement l’ensemble. Au point de se demander si ce n’est pas à l’épreuve d’un mode Versus (absent) que les concepteurs du jeu auraient peut-être pu mettre en évidence les limites du système de combat et l’enrichir de subtilités. En optant pour un titre uniquement solo, ils donnent le sentiment d’avoir volontairement délaissé cet aspect du jeu, pourtant essentiel dans son équilibre global.

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

Le temps viendra peut-être

À quand une adaptation de DBZ réunissant le prestige des meilleurs jeux de combat aussi bien en termes de nervosité que de diversité de protagonistes jouables ? Combien de temps encore devrons-nous prendre notre mal en patience avant de voir la magie du Dragon World transposée avec pertinence dans un véritable action-RPG ? Dragon Ball Z: Kakarot ne fait qu’effleurer l’idée que nous nous étions faite de ce qu’aurait pu être le messie attendu depuis trop longtemps par les fans de l’œuvre de Toriyama. Faut-il alors s’en contenter ou bouder sa sortie ? À vous d’en décider !

Dragon Ball Z: Kakarot

© Dragon Ball Z Kakarot / Bandai Namco

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