Alors que Questlove, batteur de The Roots et documentariste éclairé, signe le film « Sly & the Family Stone : L’héritage » diffusé sur Disney+ et qu’une première biographie française vient de paraître, retour sur l’influence majeure du groupe et de son fondateur, aussi génial qu’énigmatique.
En 1968, un groupe issu de la bouillonnante scène musicale de la baie de San Francisco squattait les charts et les ondes radio du pays avec ce refrain martelé tel une ritournelle enfantine : Dance To The Music.
Une injonction à se mouvoir sur des vibrations musicales qui, malgré la simplicité apparente de ce titre, tranche avec la musique et le concept proposés par Sylvester Stewart, plus connu sous le nom de Sly Stone.
Nous sommes en 1967. Après une carrière au sein de la scène R’nB/Doo-Wop et comme DJ radio, ce musicien surdoué à la solide culture musicale décide de monter un groupe véritablement atypique, aux antipodes des standards de l’époque. Ce groupe, c’est Sly & The Family Stone.
Un sextet (puis septet) où la mixité culturelle, raciale et sexuelle est au cœur du projet, sans pour autant en faire un outil ouvertement politique. Pas dans un premier temps en tous cas.
Même dans cette Californie qui verra un vent de liberté souffler quelques années plus tard, on est à mille lieues de ce qui se fait à cette époque, où le monde et l’industrie de la musique restent très compartimentés. Un premier pavé dans la mare, mais on est encore loin de l’émeute qui gronde et qu’il imprimera sur la pochette de son classique de 1971, There’s A Riot Goin’On.
Sly Stone dans l’œil de Questlove
Rien de surprenant de voir Ahmir « Questlove » Thomson, batteur de The Roots et réalisateur de Summer Of Soul (un « rockumentaire » multi-primé en 2021), s’attaquer au dossier « Sly Stone » dans son nouveau film, quand on connaît les positions, le militantisme et l’obsession de la musique qui animent ce dernier.
En toute logique, dans ce nouveau film intitulé Sly & the Family Stone : L’héritage — Sly Lives! en version originale (disponible sur Disney+), Questlove retrace l’ascension du groupe tout en explorant le poids écrasant que peut représenter le succès pour les artistes noirs en Amérique. Il revient notamment sur ce moment fondateur où débute l’aventure de Sly & The Family Stone.
Aux Etats-Unis, dans cette seconde moitié des sixties, la lutte pour les droits civiques est à son comble, les tensions raciales et les violences exacerbées, et l’industrie musicale reste un monde où la ségrégation est intégrée au système. Les classements de ventes, les groupes, les labels, le circuit des concerts, les radios et autres médias spécialisés l’illustrent parfaitement. Plus qu’une simple notion de communautarisme, le monde de la musique (et ceux qui la vendent) est compartimenté. Il est soit blanc, soit noir, soit latino. Contrairement à un public qui, lui, est de plus en plus avide de diversité.
Pas étonnant alors de considérer Sly Stone comme un novateur avec son groupe abolissant ces frontières, non seulement raciales et sexuelles, mais aussi stylistiques en mixant soul, pop psychédélique, funk, rock, et même certaines formes de musique apparentées au jazz. Mixage, arrangements, orchestrations… Encore aujourd’hui, beaucoup voient en Sly Stone une sorte de génie captivant, bien en avance sur son temps.
Ascension fulgurante et… bad trip
D’ailleurs, il n’aura pas fallu attendre si longtemps après les premières tournées de 1967 pour que le groupe se fasse une place. L’heure est à ce vent de liberté. On refuse le bain de sang du Vietnam, on revendique une vie libérée de tout carcan, la jeunesse rêve d’égalité, d’émancipation et le groupe, humainement comme musicalement, répond logiquement à toutes ces attentes.
Les Sly & The Family Stone seront de tous les festivals et salles que compte la pop music de l’époque (Woodstock, Isle De Wight, Filmore East…). Ils enchaînent des albums géniaux et des engagements à travers le pays, quand Sly n’est pas trop « high » pour se produire devant le public.
Car Sly est sujet à une addiction maladive aux drogues de synthèse, notamment la cocaïne qu’il prend en grande quantité. Il devient ingérable et invivable, se faisant également déborder par certains mouvements qui lui demandent de prendre des positions politiques radicales. C’est le cas par exemple avec les Black Panthers qui, de fil en aiguille, conduiront les deux membres blancs de la « Family Stone » à quitter le groupe.
L’implosion n’est pas loin, mais l’histoire est connue : un dernier sursaut, et pas des moindres. En 1971 sortira des hauts fourneaux du funk le brulot There’s A Riot Goin On, sa mythique pochette et son tube Family Affair devenu marqueur historique.
Recherché par le FBI, toxicomane, SDF, illuminé, ruiné, remplumé… On passera donc sur les rocambolesques – et parfois tragiques – anecdotes liées à ce musicien toujours vivant, dont Maxime Landemaine relate le feuilleton à sensations à travers une toute première biographie en français.
Depuis des décennies jusqu’à cette année 2025, on ne compte plus le nombre de groupes, musiciens ou artistes qui se réclament et s’inspirent de l’œuvre de Sly Stone. De Fishbone, Living Colour ou Red Hot Chili Peppers à Janelle Monáe ou Beyoncé, en passant par la musique et les shows de Prince, Rick James et Nile Rodgers, ou les grandes messes du conglomérat Parliament et Funkadelic, ces derniers rendent compte de l’influence majeure qu’a eu Sly Stone.
On ne manquera donc pas de se plonger dans la BO du film de Questlove, qui regorge de raretés, pour redécouvrir les magistrales chansons de l’énigmatique et légendaire Sly Stone.
En bonus, voici les meilleurs titres du groupe réunis dans une playlist maison, rien que pour vous :
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