Notre Test

Le magnifique Clair obscur : Expedition 33 va-t-il propulser les RPG vers de nouveaux standards ?

Si leurs sources d’inspiration sont à chercher de l’autre côté de la planète, les créateurs de Clair obscur : Expedition 33 n’en sont pas moins français. Passionnée par le jeu de rôle japonais, les histoires poignantes et la dark fantasy, la jeune équipe de Sandfall Interactive vient de mettre la touche finale à son tout premier jeu.

Beaucoup d’entre nous guettaient la sortie de ce titre avec curiosité, tant sa direction artistique ambitieuse promettait un voyage singulier dans une Belle Époque irréelle et fantasmée. Ce à quoi personne ne s’attendait, en revanche, c’est à ce que cette production signée par une toute petite équipe nous oblige à revoir entièrement nos critères d’appréciation.

Élever le jeu au rang d’art

Si l’on devait juger « mécaniquement » ce titre sur la qualité de sa réalisation (visuelle et musicale), la finesse de son écriture et la richesse de son système de combat, nous serions bien en peine de trouver quoi que ce soit à redire. Combien de fois sommes-nous restés bouche bée devant le génie de ces artistes qui ont compris que le jeu vidéo était un formidable moyen d’expression pour nous faire vivre une histoire de l’intérieur ?

Nous n’oublierons ni ce mélancolique air d’opéra survenu de nulle part au moment de livrer un douloureux combat, ni les contours sinistres de toutes les abominations que nous avons dû affronter. Et encore moins ce « flow » qui pousse notre niveau de concentration à un degré rare lors de ces joutes au tour par tour entièrement modernisées. Mais reprenons les choses dans le bon ordre pour mieux vous aider à comprendre pourquoi Clair obscur : Expedition 33 a bouleversé notre vision du RPG.

De l’autre côté du miroir

« Une fois par an, la Peintresse se réveille. Sur son Monolithe, elle peint son nombre maudit. Et tous ceux de cet âge partent en fumée. Année après année, ce nombre diminue et nous sommes toujours plus nombreux à être effacés. Demain, elle se réveillera pour peindre “33”. Et demain, nous partirons pour notre ultime mission : éliminer la Peintresse, pour que plus jamais elle ne peigne la mort. »

Il n’y a pas beaucoup de jeux qui débutent de manière aussi brutale. Dès les premières minutes, on devine la détresse terrible de ceux qui s’apprêtent à perdre leurs proches. Juste parce qu’une entité supérieure l’a décidé. Le charme festif de la Belle Époque française contraste avec le drame qui se déroule sous nos yeux. Et lorsque les premiers acteurs de cette poésie mélancolique s’évanouissent dans un cortège de fleurs, l’histoire ne fait vraiment que commencer.

Avec sa galerie de portraits réalistes qui tentent de trouver de l’espoir là où il n’y en a plus, Clair obscur est bien loin des clichés du RPG japonais. Gustave, Maëlle, Lune et tous les autres ne sont ni plus ni moins que des gens qui nous ressemblent. Bien sûr, ils ont des prédispositions pour des talents surnaturels qui nous dépassent, mais on perçoit tout de suite leur fragilité. Chacune de leurs histoires personnelles nous bouleverse, surtout à la lumière du dilemme final qui s’annonce, dès le départ, comme inéluctable. Et si, derrière la peinture, se cachait une autre réalité ?

L’émotion par la musique

Il faut avoir joué à Clair obscur pour comprendre à quel point l’émotion, difficilement contenue par le compositeur Lorien Testard dans le making-of musical dédié au jeu, n’est pas feinte. Par sa diversité, son audace et sa sensibilité, cette musique est l’illustration parfaite de la dualité positive-négative qui définit l’entièreté du jeu. L’ombre et la lumière, le bien et le mal, la réalité et l’imaginaire, le beau et le terrible… La variété des mélodies et des instruments employés bouscule nos émotions à un point tel qu’on ne peut y être indifférent.

Chœurs, accordéons et envolées lyriques se succèdent sans crier gare, s’essayant à tous les genres avec une réussite admirable. Prise hors contexte, cette BO serait déjà fascinante, mais au sein du jeu, elle est immédiatement transcendée. On se surprend alors à faire durer volontairement certains passages, juste pour le plaisir des oreilles… ou à laisser des notes de musique brillantes résonner dans notre tête, ultimes souvenirs des passages les plus marquants de cet opus.

L’aboutissement du RPG au tour par tour

Boudé par ceux qui lui reprochent son inhérente répétitivité, le système du tour par tour atteint ici une forme d’aboutissement maîtrisée qui devrait mettre tout le monde d’accord. Clair obscur n’est certes pas le premier à dynamiser la formule en y introduisant des actions à réaliser en temps réel (on pense à Shadow Hearts ou aux Mario RPG), mais il pousse l’idée tellement loin qu’elle en devient renversante.

Sachant que toutes les attaques adverses peuvent être esquivées, parées ou retournées à l’envoyeur, « lire » les gestes des ennemis est essentiel. Ces combats exigent donc un vrai degré de concentration et offrent une marge de progression très intéressante à mesure que l’on parvient à anticiper ce que prépare l’adversaire. Mais cela n’implique jamais de connaître les schémas ennemis par cœur. La plupart du temps, l’animation des attaques est suffisamment limpide pour nous permettre de réussir une esquive du premier coup. Et, à mesure que les enjeux deviennent plus grands, l’erreur est de moins en moins pardonnée.

Si ces tours défensifs, basés sur les réflexes et l’anticipation, ressemblent à des ballets dignes des jeux de rythme, les tours offensifs misent davantage sur la stratégie. Chaque protagoniste dispose de techniques bien particulières qui relancent à chaque fois le système de jeu, au point qu’il est terriblement difficile de se résoudre à en laisser certains de côté pour sélectionner seulement trois membres actifs. Heureusement, le partage d’expérience et d’aptitudes permet de garder tout le monde à niveau sur l’ensemble de l’aventure.

Un sans faute ?

Pour nous inviter à observer encore plus attentivement nos adversaires, le jeu introduit aussi un système de destruction de points faibles à l’aide d’attaques à distance bienvenues. Le tout fonctionne admirablement bien, une fois l’ensemble des subtilités acquises, car la difficulté est contrebalancée par la quantité de possibilités tactiques dont on dispose à chaque tour d’action.

Remarquable à tous les niveaux, le titre impressionne sans doute un peu moins lorsqu’on explore sa carte du monde en quête de missions annexes. La progression est aussi résolument dirigiste, comme si les concepteurs ne souhaitaient pas vraiment que l’on s’éloigne des sentiers battus. Qu’importe, l’expérience est déjà si fascinante que les 40 heures minimales requises pour le terminer ne manquent ni de saveur ni d’intensité. Et le challenge que représentent les boss optionnels rallonge considérablement la proposition.

Toutes les infos

Le Xbox Games Showcase de juin 2024 a été particulièrement riche en annonces. En plus de célèbres licences comme Fable, Perfect Dark ou encore Gears of War, de nouveaux univers ont été présentés, et un jeu développé par un tout jeune studio français a notamment retenu l’attention. Clair Obscur : Expedition 33 sortira le 24 avril 2025 sur PC, PS5, Xbox Series, et sera disponible dès le jour de sa sortie dans le Xbox Game Pass.

Fondé en 2020 par Guillaume Broche, un ancien de chez Ubisoft (The Division 2, Breakpoint), Sandfall Interactive est un nouveau studio français dont l’ambition affichée est de produire des jeux solo immersifs dans des mondes fantastiques et visuellement impressionnants. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le mot d’ordre semble avoir été respecté pour ce premier jeu, Expedition 33, dont le trailer est particulièrement réussi.

L’univers créé pour l’occasion a le mérite d’être original, grâce à un savoureux mélange des styles d’abord, qui mêle le fantastique traditionnel à l’esthétique de la Belle Epoque, une période qui fait référence à la France de la fin du XIXème siècle. Mais aussi grâce à son intrigue, qui met en scène une mystérieuse entité, appelée La Peintresse, qui se réveille chaque année pour venir peindre un numéro sur un grand monolithe.

Un numéro qui aura de graves conséquences, puisque toutes les personnes dont l’âge a été inscrit sur le monolithe disparaissent en fumée. L’année dernière, toutes les femmes et hommes de 34 ans sont ainsi partis, et l’année prochaine, ce sera au tour des personnes de 33 ans. Pour mettre un terme à ce cycle infernal qui condamne des générations toujours plus jeunes, un groupe, dirigé par un certain Gustave, se forme pour partir sur les traces des précédentes tentatives infructueuses pour arrêter La Peintresse.

Les joueuses et joueurs pourront donc incarner les membres de ce groupe, pour explorer les magnifiques environnements du jeu et pour affronter des ennemis, dans des combats au tour par tour. Pour rendre ces phases de jeu plus dynamiques, il sera également possible d’appuyer sur la bonne touche au bon moment pour profiter de bonus d’attaque ou de défense, à l’image de ce que l’on a pu connaître dans Super Mario RPG, ou plus récemment dans l’excellent Sea of Stars. RPG oblige, il faudra aussi veiller à constamment améliorer les membres de votre groupe, grâce à de l’équipement, mais aussi des compétences et autres points de statistiques.

Que ce soit grâce à son esthétique, à la qualité des animations de combats et des environnements développés sous Unreal Engine 5 ou à son univers très original, Clair Obscur : Expedition 33 s’annonce comme l’une des productions françaises les plus attendues de l’année 2025.

Clair Obscur : Expedition 33 sera disponible le 24 avril 2025 sur PC, PS5 et Xbox Series, et disponible dès le jour de sa sortie dans le Game Pass.