Entretien

Sofia Coppola pour Priscilla : “J’aime les contes de fées qui deviennent de véritables cauchemars“

02 janvier 2024
Par Lisa Muratore
Sofia Coppola pour Priscilla : “J'aime les contes de fées qui deviennent de véritables cauchemars“
©DR

Sofia Coppola est de retour sur grand écran pour présenter « Priscilla ». Inspiré des mémoires de l’ex-épouse d’Elvis Presley, le film se concentre sur l’histoire de la jeune femme, de sa rencontre avec le King à leur rupture dans les années 1970. « L’Éclaireur » a rencontré la cinéaste américaine afin de parler de ce nouveau projet, attendu le 3 janvier au cinéma. Pop culture, mise en scène et souvenirs de tournage, Sofia Coppola nous en dit plus sur son huitième long-métrage.

Qu’est-ce qui vous a attirée dans l’histoire de Priscilla Presley ? Pourquoi est-ce important, en 2023, de raconter son histoire ? 

C’est l’une des figures emblématiques de la pop culture, et plus précisément de la pop culture américaine. Quand j’ai lu son livre, j’ai été surprise de découvrir ce qu’elle avait traversé. Il y a des éléments dans son histoire auxquels nous pouvons tous nous identifier, en particulier les jeunes filles, lorsqu’elles grandissent. Je pense que nous pouvons tous et toutes apprendre beaucoup sur les femmes et leurs conditions grâce aux histoires qui nous précédent et grâce à l’histoire de Priscilla. Ce qui était également intéressant dans son histoire, c’était de découvrir son parcours. Finalement, comment est-elle devenue celle que nous connaissons aujourd’hui ? 

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Le film d’apprentissage est un genre que l’on retrouve beaucoup à travers votre filmographie. Qu’est-ce qui fait de Priscilla un récit d’apprentissage unique à travers votre œuvre ? 

C’est vrai que ce film possède beaucoup de liens avec mes précédents travaux, mais Priscilla présente également de nouveaux challenges, ainsi que de nouveaux thèmes. Par exemple, l’une des choses qui m’a vraiment frappée dans son histoire, c’est la force qu’elle a trouvé en elle pour sortir de la relation toxique dans laquelle elle était. C’est fascinant, d’autant plus qu’elle a fait ça durant les années 1960 aux États-Unis, à une époque où les choses n’étaient pas simples pour les femmes.

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Comment avez-vous travaillé avec Priscilla Presley sur le projet ? 

C’était important pour moi de travailler avec Priscilla sur ce projet. J’ai eu beaucoup de chance, car c’est la première fois que je fais un film sur une personnalité qui est vivante et avec qui je peux communiquer. J’ai pu lui poser de nombreuses questions. Elle était très ouverte à l’idée de m’aider, de me conseiller, de m’en dire plus sur les détails de sa vie, bien que son livre soit très complet. Elle a répondu à mes questions, et m’a aidée à comprendre qui elle était à cette époque. 

Peut-on dire que Priscilla est un véritable biopic ? 

Je pense que ce n’est un biopic classique. C’est un portrait de Priscilla Presley durant une époque précise. Ce choix scénaristique reflète d’ailleurs la manière dont je fais mes films. Ce n’est jamais purement linéaire.

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Vous prenez le temps de poser votre caméra pour filmer vos personnages et créer une atmosphère. Pourquoi ce choix de mise en scène ? Est-ce avant tout pour montrer la solitude de Priscilla ?

L’angle et le point de vue de la caméra sont primordiaux pour raconter l’histoire que je veux raconter. Dans ce film, il est question de Priscilla ; tout doit être raconté de son point de vue. À chaque fois que nous plaçons la caméra, c’est toujours avec l’objectif de montrer son état émotionnel, et ce qu’elle pense. 

Vous faites également le choix du huis clos dans le film. Quel challenge ce choix de mise en scène représente-t-il ? 

Ce qui est intéressant dans l’histoire de Priscilla, c’est ce qu’il s’est passé derrière les portes fermées et la vie intime qu’elle a menée avec Elvis. Ses mémoires et mon film ne traitent pas de la vie d’Elvis en tant qu’artiste ; il s’agit de l’histoire en coulisses. C’est la raison pour laquelle le huis clos est important, c’est un portait de leur vie intime, leur vraie vie. 

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Graceland est également un personnage important du film et vous choisissez de le montrer à la fois comme un refuge, mais aussi comme une maison hantée. Pourquoi avoir choisi ce contraste ? 

J’aime beaucoup l’idée de jouer avec les contrastes. J’aime aussi les histoires qui ressemblent, à première vue, à des contes de fées, puis qui se transforment en quelque chose de plus sombre. J’aime les contes de fées qui deviennent de véritables cauchemars. Graceland représente finalement l’envers du décor, ce qui se cache derrière cette vie de rêve. 

Comment avez-vous trouvé votre Priscilla ? 

C’était important d’avoir une actrice qui puisse interpréter Priscilla lorsqu’elle était jeune. De ses 14 ans à ses 29 ans, Priscilla est incarnée par la même actrice, Cailee Spaeny. C’était primordial de trouver une actrice qui puisse être crédible à tout âge. Quand j’ai rencontré Cailee, elle avait cet air de bébé, mais c’est aussi une actrice puissante et mature. Je me suis dit qu’elle serait parfaite dans le rôle. Elle sait comment montrer l’évolution de Priscilla, une fois devant la caméra. 

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Vous avez également choisi Jacob Elordi pour incarner une version toxique d’Elvis. Comment avez-vous travaillé ensemble cet aspect du King ? 

Jacob a fait un travail incroyable en étudiant la voix d’Elvis, ainsi que sa gestuelle. Cependant, il a rapidement compris que nous n’allions pas montrer une facette que le public connaît, la facette du King sur scène. Il s’est concentré sur l’aspect intime d’Elvis. Il s’est aussi interrogé sur la relation entre son personnage et celui de Priscilla. Il devait être irrésistible, charmeur, aimant, mais en même temps très cruel. Jacob voulait vraiment montrer le côté sensible d’Elvis, avec ses vulnérabilités et ses démons. 

Quel genre de challenge était-ce de montrer Elvis, loin de ce que le public a l’habitude de voir ? 

C’était un immense challenge de le représenter ainsi, loin de l’image que l’opinion publique a de lui ! Mais Elvis n’est pas qu’un monstre dans le film. Je voulais vraiment que mes acteurs cherchent dans l’histoire personnelle de leur personnage et que l’on montre Elvis à travers les yeux de Priscilla. Je pense que Cailee et Jacob ont vraiment capté l’essence de Priscilla et d’Elvis, en tant que personnes et non en tant que personnalités publiques. Ils se sont vraiment concentrés sur l’homme et la femme qu’ils étaient à travers une relation complexe. 

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La musique, comme à travers l’ensemble de votre filmographie, est très importante dans Priscilla, et vous n’avez choisi aucune chanson d’Elvis. Comment avez-vous composé le thème musical ?

Lorsque j’ai commencé à travailler sur le scénario du film, j’ai demandé à mon mari, Thomas Mars, qui est le leader du groupe Phoenix, de m’aider sur la musique. Nous avons donc commencé à établir des playlists, à partir de musique et de chansons des années 1960. Ce n’est pas vraiment mon époque en termes de musique, mais je me souviens avoir toujours aimé les girls band comme The Ronettes, avec Ronnie Spector. Ces influences m’ont aidée à construire l’univers musical de Priscilla. L’objectif était avant tout de souligner le voyage émotionnel de notre héroïne, tout en captant l’essence d’une époque. 

Avez-vous un souvenir de tournage qui vous a marquée et que vous pouvez nous partager ? 

Le tournage a été très difficile, mais le travail avec Cailee et Jacob a été merveilleux. Nous avons tourné le film en seulement 30 jours, ce qui est très court pour mettre en boîte un tel projet. Le maquillage ainsi que les coiffures demandaient énormément de préparation en amont. Nous avions de longues journées de travail. 

L’une des choses qui m’a également marquée pendant le tournage, c’est la capacité d’adaptation de Cailee. Le matin, elle incarnait Priscilla à 15 ans, puis après la pause déjeuner elle interprétait Priscilla, plus âgée, enceinte, en pleine crise existentielle. C’était complétement dingue à tourner, mais c’était aussi très amusant ! 

Peut-on dire que Priscilla est une réponse au Elvis de Baz Luhrmann ? 

Je travaillais déjà sur Priscilla avant que Baz Luhrmann entame Elvis. Nous avons quasiment travaillé sur nos projets en même temps. J’ai vu Elvis quand il est sorti, mais je n’avais pas encore fini Priscilla. J’ai beaucoup aimé le film, car c’est différent, c’est un nouveau point de vue. Il est question d’Elvis ici, et grâce à Priscilla, les spectateurs pourront découvrir son histoire à elle. C’est très intéressant et excitant quand deux artistes s’emparent du même sujet. Les deux films fonctionnent très bien tous les deux. 

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Priscilla de Sofia Coppola avec Cailee Spaeny et Jacob Elordi, 1h53, en salles le 3 janvier 2024.

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Lisa Muratore
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