Avec « 1989 (Taylor’s Version) », disponible ce mois d’octobre, Taylor Swift poursuit sa campagne de réenregistrement de son propre répertoire. Entamé en 2021, ce processus est inédit, à une telle échelle dans la pop culture. Pour autant, de Brian Wilson aux frères Cavalera (Sepultura), en passant par Roger Waters, nombreux sont les artistes à revenir sur leur œuvre, pour différentes raisons. On vous explique.
Taylor’s Version : le réenregistrement au rang d’art
Alors que Taylor Swift : The Eras Tour a déferlé sur les salles obscures du monde entier, que Taylor Swift déchaîne les passions sportives aux États-Unis après avoir officialisé sa relation avec le joueur de football américain Travis Kelce, c’est une annonce musicale qui vient enrichir l’actualité de la star américaine. En effet, l’album 1989, initialement sorti en 2014, paraît dans une déclinaison réenregistrée, 1989 (Taylor’s Version).
C’est le sixième disque à connaître pareil sort dans la discographie de Taylor Swift. À l’origine de ce projet de réenregistrement inédit dans l’histoire de la pop, il y a une bisbille majeure entre l’artiste et sa première maison de disques. En 2018, le contrat entre la chanteuse et Big Machine Records arrivait à expiration. Après avoir signé un deal avec Republic Records, l’interprète se rend compte qu’elle ne dispose d’aucun droit sur ses enregistrements pour Big Machine. Des « masters » qui valent pourtant de l’or : les six albums qu’elle a créés pour le label, entre 2006 et 2017, se sont vendus à environ 150 millions d’exemplaires, et continuent de rapporter des sommes considérables à ses anciens patrons.
Après avoir épuisé les voies traditionnelles pour récupérer ces masters – une procédure à l’amiable et des mesures judiciaires –, Taylor Swift se décide en 2019 à faire un gros coup : elle a en effet le pouvoir de réenregistrer l’intégralité de son répertoire et de recouvrer sa propriété artistique sur ces nouvelles versions. Après ses disques originaux Folklore et Evermore, elle fait donc paraître en 2021 Fearless (Taylor’s Version), réinterprétant l’ensemble de son deuxième album, incluant des singles et des inédits. Et continue sur sa lancée : cet automne, avec la parution de 1989 (Taylor’s Version), c’est son œuvre de consécration, avec des titres comme Blank Space, Shake It Off ou Wildest Dreams, qui bénéficie du projet. En recréant en studio toutes ses chansons antérieures à 2018, l’artiste se livre à un exercice particulièrement judicieux : elle se rapproche à la fois des sonorités authentiques des morceaux de la période Big Machine Records, tout en apportant de subtiles modifications qui font de ces nouveaux disques de vraies opportunités de (re)découvrir ces titres.
D’autres artistes, avant Taylor Swift, ont réenregistré leurs disques suite à des changements de label : c’est le cas notamment de Suicidal Tendencies, dont il existe trois versions de Still Cyco After All These Years !
Le réenregistrement, un moyen de rendre justice à des projets avortés
Le douzième album des Beach Boys a été pendant quatre décennies un joli serpent de mer. Baptisé Smile, le disque a bénéficié de moyens exceptionnels, du talent créatif du bassiste du groupe, Brian Wilson, et les pochettes du disque ont été imprimées en 1967, après le succès du premier single à en avoir été extrait, Good Vibrations. Il ne restait que la presse des 33 tours pour que cet album devienne l’une des œuvres cultes du rock des sixties. Sauf que la santé mentale de son compositeur a décliné d’un seul coup, que le studio d’enregistrement a brûlé, et que le groupe a fait machine arrière face à ce projet faramineux. Même si différentes chansons issues de Smile ont été dispatchées sur des opus suivants, la version définitive du disque n’a été diffusée qu’en 2004, à la faveur d’un album solo de Brian Wilson (Brian Wilson Presents Smile). Celui-ci avait réenregistré, avec une voix un peu plus chevrotante que dans ses jeunes années, les chefs-d’œuvre de pop classique que sont Heroes and Villains ou Child is Father of the Man. Bien lui en a pris : sept ans après ce réenregistrement très réussi, la légende de l’album perdu des Beach Boys rebondissait avec la parution de The Smile Session, reconstruction du disque à partir des masters d’époque.
Le réenregistrement, une manière de célébrer le passé
Pour des disques cultes, le réenregistrement peut parfois être un moyen de réussir des prouesses sonores impossibles à l’époque de la sortie originale d’un disque. Ce cas s’est notamment produit avec Mike Oldfield, magicien des studios, qui a réenregistré son plus grand chef-d’œuvre 30 ans après sa parution. Tubular Bells – 2003 est l’œuvre d’un perfectionniste qui voulait fêter un anniversaire avec un projet encore plus ambitieux qu’une réédition/remasterisation traditionnelle.
Cette tendance s’observe ces dernières années dans le metal, genre dans lequel la production a considérablement évolué entre les années 1980 et aujourd’hui. Le groupe familial Cavalera, mené par les frères du même nom, a réenregistré les deux premiers albums de Sepultura, Morbid Visions et Bestial Devastation, et livré un disque à des kilomètres des opus originaux, qui étaient très perfectibles au niveau du son.
Dans le même registre, Roger Waters, parolier et co-compositeur de nombre des albums de Pink Floyd, a choisi de réenregistrer le magnum opus du groupe, The Dark Side of The Moon. Pour le cinquantième anniversaire de la sortie de l’album, le bassiste a recréé les dix titres originaux en insérant de nouveaux éléments et en donnant de l’œuvre une vision toute personnelle. The Dark Side of The Moon Redux offre tout le loisir pour les fans de se livrer aux jeux des différences entre les versions 1973 et 2023, et de mesurer l’évolution de l’une des âmes du Pink Floyd.
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