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Prix Goncourt des Lycéens 2023 : quand le réel inspire la fiction

23 novembre 2023
Par Lisa Muratore
Prix Goncourt des Lycéens 2023 : quand le réel inspire la fiction
©Sarah Bastin

Les premières rencontres du Prix Goncourt des Lycéens se sont tenues ce lundi 9 octobre au coeur du Théâtre Édouard VII. L’occasion pour les élèves et auteurs présents de discuter du lien entre réalité et fiction. On vous raconte.

Neige Sinno remporte Le prix Goncourt des Lycéens pour Triste Tigre (P.O.L)

Ce jeudi 23 novembre, à Rennes, les 13 lycéens délégués nationaux ont délibéré à huis clos afin d’élire le 36è Prix Goncourt des Lycéens. 7 titres restaient encore en lice, dont Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea, Prix Goncourt et Prix du Roman Fnac 2023. Après une matinée de débats, Neige Sinno s’est vu remettre le prix pour Triste Tigre paru aux éditions P.O.L. 

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Le Goncourt des Lycéens donne l’opportunité à près de 2 000 élèves de se plonger dans une lecture passionnée et de faire entendre leur voix pour élire leur lauréat. Cette année, ils sont 16 écrivains et écrivaines en lice pour le célèbre prix littéraire organisé par la Fnac et le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, sous le haut patronage de l’Académie Goncourt.

Depuis le mois de septembre, plusieurs classes, issues de 54 lycées (seconde, première et terminale, technologique comme professionnelle) n’ont eu de cesse de se plonger dans les histoires et récits, des différents ouvrages sélectionnés. Jusqu’au 23 novembre – jour de proclamation du lauréat – ils auront également l’opportunité d’échanger avec les auteurs et autrices, à l’occasion de rencontres organisées par la Fnac. Celles-ci se dérouleront, durant les prochaines semaines, entre Toulouse, Nancy, Lille, Lyon, Rennes, Aix, après une première étape à Paris, cette semaine.

En effet, c’est au coeur du Théâtre Édouard VII que le Prix Goncourt des Lycéens a donné le coup d’envoi des rencontres, le lundi 9 octobre. À cette occasion, plusieurs classes ont pu discuter directement avec les auteurs et autrices présents tout au long de la journée. Ces échanges leur ont permis d’obtenir un nouvel éclairage sur les romans sélectionnés, mais surtout de comprendre quel rapport chaque artiste entretient avec son oeuvre.

« Le feu, l’embrasement, la musique, l’amour ce sont des choses que l’on ressent dans la vie et que je ressens d’un point de vue personnel quand j’écris et que je joue. »

Questionner le rapport de la fiction et du réel

Plusieurs lycéens ont notamment interrogé, de façon frontale et spontanée, le lien que les écrivains et écrivaines ont avec leur propre écrit. Pour Cécile Desprairies, et son roman La propagandiste (Seuil), ceci lui vient avant tout de sa formation d’historienne et de son désir de transmettre : « Je suis une historienne qui écrit un roman, mais je suis attachée à être le plus juste possible ». Interrogée sur Lucie, son personnage principal, l’autrice explique aux lycéens présents dans la salle de théâtre qu’elle a « voulu avant tout aborder l’humain et l’humanité » à travers un roman qui mélange fiction et Histoire.

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Difficile en effet de ne pas voir dans la fiction que représente La propagandiste, les obsessions de son autrice pour l’Occupation et la Seconde guerre mondiale. Mais Cécile Desprairies n’est pas la seule à avoir nourri son roman de sa fibre personnelle. C’est également le cas de Léonor de Récondo, à qui l’on doit Le grand feu (Grasset). Dans ce livre, l’autrice se raconte à travers son protagoniste féminin principal, celui d’Ilaria, une jeune violoniste italienne.

Elle-même musicienne, Léonor de Récondo a voulu mettre en lumière la passion enflammée que représente l’écriture et la musique pour elle. À travers une Venise historique, et des personnages fictifs, l’auteure raconte ses passions et la sensation d’embrasement que cela lui procure. « Le grand feu n’est pas un titre au hasard car le feu, l’embrasement, la musique, l’amour ce sont des choses que l’on ressent dans la vie et que je ressens d’un point de vue personnel quand j’écris et que je joue. »

« Je pense que la personnalité et l’histoire de la personne ont vraiment influencé leur écriture. C’est très intéressant de pouvoir entendre ces témoignages. »

Questionner le réel passe également par l’inspiration originelle qui émane des oeuvres sélectionnées. C’est le cas Croix de cendre (Grasset) d’Antoine Sénanque qui prend pour point de départ un événement historique. « L’idée de ce roman m’a été donnée par un fait réel qui, je me rappelle, m’avait impressionné, c’est celui de l’origine de la peste noire. » 

L’ex-neurologue trouve non seulement ici une narration en lien avec sa fibre médicale, mais incorpore dans ce livre d’aventure d’autres thématiques qui résonnent en lui.

C’est le cas de la religion, et « de la spiritualité » auxquelles Antoine Sénanque se dit être « très attaché ». C’est d’ailleurs ce qui l’a poussé « à s’intéresser aux sermons de Maître Eckhart », célèbre théologien que l’on retrouve dans Croix de cendre.

Affiche 2023 du Prix Goncourt des Lycéens. ©Fnac

Celui à qui l’on doit Blouse (Grasset, 2004) insère donc à travers une narration rocambolesque et imaginaire, des personnages historiques et s’inspire de faits réels. Un procédé finalement similaire à celui d’Émilie Frèche qui dans Les amants du Lutetia (Albin Michel) prend pour point de départ un fait divers de 2013 : celui du suicide d’un couple d’octogénaires dans un grand hôtel parisien.

Non seulement son histoire retrace celle d’une histoire vraie, mais le lien entre la réalité et la fiction est ici particulier tant il entre en résonnance avec le parcours personnel de son autrice, et celui de la société. « Ce fait divers est entré en résonance avec la relation que j’ai avec mes parents. Ils ne sont pas morts, mais j’ai toujours entretenu un rapport compliqué avec eux. La fille de ce couple connaît un sentiment d’abandon au moment du suicide de ses parents, et je comprends ce sentiment. J’ai trouvé que c’était un bon moyen, à travers elle, de parler de ça, d’autant plus que ce fait divers entre également en résonance avec la problématique du droit à mourir dans la dignité. »

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Se raconter, c’est également ce que propose Neige Sinno dans son courageux roman, Triste tigre (POL). Le sujet des violences sexuelles dont elle a été victime durant son enfance et qu’elle raconte dans son roman a d’ailleurs interpellé plusieurs lycéens, notamment Eva-Marie, élève en seconde au lycée Hélène Boucher : « Pour moi, Triste tigre parle vraiment d’un sujet personnel, mais aussi d’actualité. C’est un sujet très important et je trouve que c’est très bien que l’autrice ait été là pour qu’on en parle, qu’on en parle surtout aux lycéens. Il faut en parler. »

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Comprendre les auteurs et les autrices

Un point de vue que partage son camarade, Évariste : « Leur présentation nous a permis d’avoir un point de vue différent des livres parce qu’on découvre leurs personnalités. Cette rencontre nous permet d’apprécier des livres que l’on avait pas forcément aimé au début. Je pense que la personnalité et l’histoire de la personne ont vraiment influencé leur écriture. C’est trés interessant de pouvoir entendre ces témoignages. »

Comprendre le point de vue des auteurs et autrices présents semble être essentiel pour les lycéens, car ceci leur permet de mieux appréhender les oeuvres sélectionnées. « Le Prix Goncourt des Lycéens, ça donne envie de découvrir plusieurs points de vue, de s’ouvrir à l’autre, et de fonder sa propre critique » selon Selma. Pour Eva-Marie, c’est le « besoin de culture, mais aussi la joie de découvrir des histoires et des sujets que l’on ne connaît pas. » Évariste voit, quant à lui, cette expérience de lecture comme « une manière de sortir d’un quotidien monotone, de découvrir des points de vue différents à l’écriture, mais surtout une manière de se divertir ».

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On sent une réelle responsabilité face aux choix qui se dessinent, mais aussi une véritable envie d’aller au fond des choses de la part des lycéens. Chacun semble prendre sa mission à coeur. Reste à savoir qui succèdera à Sabyl Ghoussoub récompensé, l’année passée, pour son roman Beyrouth sur Seine (Stock). Réponse le 23 novembre prochain.

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Lisa Muratore
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Journaliste
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