La ressortie de The Truman Show de Peter Weir en Blu-ray 4K le 5 juillet, est l’occasion de plonger à nouveau dans l’univers factice d’un homme filmé constamment à son insu, afin de divertir les spectateurs. Un grand film avec Jim Carrey, inoubliable de drôlerie et d’émotion.
Parce que son sujet est dans l’air du temps
En 1949, George Orwell publie un roman qui fera date, 1984, avec la fameuse phrase d’accroche « Big Brother vous regarde ». Depuis, les sociétés où les hommes évoluent en vase clos selon le bon vouloir d’une élite qui regarde tous leurs faits et gestes, sont devenues légion dans la littérature, le cinéma ou les séries. Mais il est un film qui rivalise en termes de popularité avec l’œuvre d’Orwell sur la même thématique. Sorti en 1998 au moment où les émissions de télé-réalité règnent sur le petit écran américain avant d’essaimer sur toute la planète, The Truman Show prophétise les dérives de ce monde aseptisé, où des individus sont filmés en permanence à des fins de divertissement. Il n’y a pas encore de téléphones portables, ni de réseaux sociaux, mais tout est déjà là, en substance, prêt à éclore.
Dans ce film de Peter Weir, porté par le scénario retors d’Andrew Niccol (à qui l’on doit Bienvenue à Gattaca), Truman Burbank semble vivre une existence idyllique : ville paradisiaque où rien ne dépasse, femme souriante, travail plaisant, mais chaque fois qu’il tente de changer d’air, on le contraint à demeurer là où il a toujours vécu. De fait, depuis son enfance, il est le héros, sans le savoir, de sa propre émission de télé-réalité : chacun de ses gestes est épié par des millions de téléspectateurs, sous l’égide d’un réalisateur démiurge. Évidemment, Truman va comprendre que quelque chose cloche et vouloir s’émanciper. Une critique virulente de notre société voyeuriste qui avait déjà un écho puissant à la sortie du film et qui semble plus que jamais d’actualité, à l’heure où tout le monde se filme et partage chaque pan de sa vie sur les réseaux.
Parce que Jim Carrey est à son meilleur
Initialement, c’était Tom Hanks qui était prévu pour le rôle de Truman. Il faut dire que l’acteur a souvent joué les hommes-enfants s’émerveillant d’un rien. Mais Peter Weir avait sa propre idée pour incarner ce personnage passant de l’innocence à l’incrédulité en une fraction de seconde : Jim Carrey. La star, ultra populaire à l’époque, se cantonnait alors aux comédies pures, de Dumb and Dumber à Ace Ventura, en passant par The Mask. Avec The Truman Show pour lequel il apporte son humour, sa candeur, mais aussi ses fêlures, son jeu va se teinter de noirceur et petit à petit, le Canadien va bifurquer dans des rôles plus dramatiques, de Man on the Moon à Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Il décrochera d’ailleurs, grâce au Truman Show, son premier Golden Globe.
© Getty Images
Parce que le film est entré dans la culture populaire
Depuis l’épidémie de Covid, les réunions Zoom, les plateformes de streaming en explosion et la perte du lien social en « présentiel », l’expression « Big Brother vous regarde » et la fin de The Truman Show n’ont jamais été aussi populaires. Truman se retrouve face à un escalier en trompe-l’œil dans le décor du studio d’enregistrement, le conduisant vers le monde réel, le réalisateur de l’émission l’exhortant à rester dans son univers cocon et confortable. Mais Truman va monter les marches pour l’inconnu total. Cette fin sera reproduite de manière tragique dans Beau is Afraid d’Ari Aster et cet escalier couleur ciel va être représenté sur l’affiche du Festival de Cannes 2022. L’expression « vivre dans The Truman Show » est devenue monnaie courante, citée dans des jeux vidéo, des paroles de chansons, des documentaires ou des séries télé. Un film en avance sur son temps désormais en résonance avec notre époque. Terrifiant et fascinant en même temps.