Entretien

Rencontre avec Elodie Rama pour la sortie de son nouvel album, Constellations

24 janvier 2023
Par Christophe Augros
Rencontre avec Elodie Rama pour la sortie de son nouvel album, Constellations

On découvrait Elodie Rama au début des années 2000. Aux côtés des Hocus Pocus et des Tribeqa, elle incarnait le renouveau de l’école musicale nantaise. Sa sensualité, la douceur de sa voix apportaient une réelle valeur ajoutée à ses projets. Elle revient avec un nouvel album solo le 3 février. Nous lui avons posé quelques questions à cette occasion.

Constellations, le beau panorama d’Elodie

Vingt ans plus tard, Elodie Rama offre un nouvel album solo. Constellations est un groupement d’étoiles dont Akhenaton fait partie. Un album aux sonorités multiples, riche de diversité et de textes tantôt engagés tantôt légers. Une constellation composée d’étoiles qui paraissent groupées bien qu’éloignées les unes des autres.

Bien sûr, on retrouve les influences des projets sur lesquels elle s’est impliquée mais peut-être également ses influences personnelles.

Rencontre avec Elodie Rama

Quel parcours depuis Hocus Pocus ! quels souvenirs gardez-vous de cette période avec l’école nantaise (Tribeqa, Dajla, Hocus Pocus) ? Quel a été l’impact sur la suite de votre parcours ?

Elodie Rama : C’est vrai que c’est une belle période quand je regarde en arrière ! J’ai beaucoup appris, car je commençais tout juste ma carrière à ce moment-là. Il y avait une certaine émulation à cette période. C’était en plein pendant l’ère MySpace, c’était tellement bien, pas d’algorithmes, on mettait un son et les gens pouvaient l’entendre. On pouvait faire des connexions entre artistes très facilement ! J’ai enregistré mes premières chansons avec Atom qui est un des quatre membres de C2C, qui est resté un ami. Puis les rencontres se sont enchainées, avec Hocus Pocus, Tribeqa… J’ai appris le métier en accéléré aux côtés de ces artistes et cela m’a faite grandir. J’aime bien l’idée de collaborer avec d’autres artistes et depuis mes débuts c’est ce que j’essaie de continuer à faire, me projeter dans les projets des autres, tenter d’autres choses, faire le caméléon.

Vous avez participé à de nombreux projets en parallèle à vos albums : comment les choisissez-vous ? Comment agissent-ils sur votre travail solo ?

E.R. : Travailler avec d’autres donne du sens à ma démarche artistique. J’ai besoin d’aller explorer ailleurs pour me nourrir personnellement, c’est une bouffée d’oxygène. J’ai eu la chance de travailler avec pas mal de gens différents comme vous l’avez dit et faisant partie de cette génération Myspace. L’internet nous a ouvert des portes comme on n’aurait jamais pu l’espérer car on n’avait plus besoin d’être à Paris pour se rencontrer ou montrer son travail. Du coup la plupart des connexions que j’ai pu faire se sont faites sur MySpace ou Facebook, et même sur Bandcamp. Ça a été le cas avec l’artiste  Natural Self  qui est un producteur chanteur anglais signé sur le label anglais Tru Thoughts sur le disque duquel j’ai travaillé. Notre titre Midnight Suna même été remixé par le producteur londonien Prince Fatty (Lily Allen, Hollie Cooks) ! Je suis aussi animatrice et programmatrice radio de l’émission Hangtime sur Radio Grenouille à Marseille. Grâce à cela, j’ai pu découvrir le travail de pas mal d’artistes et en rencontrer aussi. C’est comme cela, par exemple, que j’ai rencontré mes idoles IAM avec lesquels j’ai pu travailler dernièrement sur l’album Rimes essentielles.

Constellations, pourquoi ce titre ?

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E.R. : Les étoiles existent séparément mais aussi collectivement en constellations. Le territoire insulaire est une étoile, un monde à part entière et une identité créolisée. Une île, c’est le lieu de tous les échanges, de toutes les transformations, un espace constamment en mutation.

« Je suis moi et à ton contact je deviens autre, tout en restant moi-même. Je suis multiple. » C’est toute la pensée de la créolisation imaginée par l’écrivain et poète martiniquais Édouard Glissant.

L’archipel est en soi une constellation. Il place le curseur dans le ciel nous permettant d’envisager notre place dans l’infiniment plus grand, l’universel et trouver ainsi notre place dans l’univers.

Quatre featuring sur cet album : pourquoi eux ?

E.R. : En fait les chansons les ont choisis… J’entends par là que pour la plupart, le choix était logique. Aussi j’avais besoin que le choix soit complètement affectif, qu’il n’y ait pas de calcul stratégique derrière cela. J’ai donc choisi des gens que j’aime tout simplement, comme artistes et comme humains. Pour Indigo, fresque sur les diasporas et les migrations, je n’imaginais pas meilleur artiste qu’Akhenaton, lui-même issu de la diaspora italienne pour pouvoir incarner cette voix. Sa présence sur « Constellations » est un cadeau. J’ai grandi avec sa musique, son parcours est une source d’inspiration immense pour une artiste de ma génération. C’est complètement fou de pouvoir réaliser un rêve comme celui-ci !

Pour Témé Tan, c’est un peu pareil. Je me souviens du jour où j’ai entendu sa chanson Amethys à la radio, j’ai tellement aimé que je l’ai achetée sur Bandcamp et il m’a envoyé un message. Nous sommes devenus amis depuis, c’est la famille pour moi ! « Ka » était naturellement pour lui. C’est la chanson du retour au pays natal.

La littérature prend une grande place dans ma vie. Je tiens une grande partie de la connaissance de ma culture antillaise aux livres et notamment à ceux de Patrick Chamoiseau, qui est un de mes auteurs préférés. C’est une grande voix de la littérature antillaise et le Prix Goncourt 1992. Je lui ai demandé de lire la dernière partie de son essai Frères Migrants qui est l’appel qu’il adresse aux poètes et aux artistes pour éveiller les consciences sur une composition de Témé Tan. C’était incontournable de l’y retrouver sur le disque.

Et enfin, j’ai eu du fil à retordre avec le feat du morceau City Blues, notamment avec quelques artistes qui m’ont bien fait galérer, jusqu’à ce que je comprenne que je faisais fausse route et que cette chanson était pour une femme et non pas un homme. Pour moi la seule envisageable, c’était La Chica, une immense artiste. Elle me bouleverse à chaque fois que je la vois en « live ». C’était une évidence de la retrouver dans Constellations.

Atom à la réalisation : un ami de longue date ?

E.R. : On se connait depuis plus de 15 ans. C’est lui qui m’a poussée à enregistrer, qui a filé mes maquettes à 20Syl d’Hocus Pocus. Il m’a aidée aussi à être autonome en investissant dans mon propre matériel pour être un maximum indépendante, un « game changer » ! On a chacun bossé de notre côté pendant des années pour finalement se retrouver sur Constellations. C’est comme si la boucle était bouclée.

L’ancrage, les racines, des thèmes importants pour vous ? Si oui, pourquoi ?

E.R. : C’est l’idée de cette musique, qui est matérialisée en un disque fait « en famille », celle que je me suis constituée. Ma famille de sang, ma famille musicale. C’est aussi un disque qui évoque sans cesse les ancrages mémoriels et géographiques, le sang, la famille, les racines, l’arbre généalogique. Mon père Hilaire Rama et mon frère Valère Rama y sont présents notamment. Une grande partie du disque est composée avec le producteur marseillais Creestal qui est un ami très cher, et qui m’a aidée jusqu’à la création graphique de la pochette, sa photographie. Autant vous dire que c’est une affaire de famille ! Constellations est l’histoire que nous avons écrite ensemble.

« Home is where you belong » : il est où votre home exactement ?

E.R. : Sur la carte, je dirais entre Marseille et Nantes mais la vraie question est : »où est-ce que je me situe musicalement parlant ? » Et là j’ai envie de dire : partout. Pourquoi devrais-je choisir ? J’aime la soul, le hip-hop, les musiques électroniques, le jazz, les musiques caribéennes… Je suis un peu tout cela, n’en déplaise aux étiquettes !

On demande à Elodie Rama de définir cet album, avec quels mots le fait-elle ?

E.R. : C’est un disque fait avec le cœur, le sang et la sueur. J’ai voulu mettre du sens dans le geste artistique

Les influences musicales d’Elodie Rama ?

E.R. : J’aime la soul, la nu-soul, le hip-hop en général. Billie Holiday et Ella Fitzgerald sont mes préférées. Plus récemment, les deux derniers disques de la chanteuse anglaise Cléo Sol sont ceux que j’ai le plus écoutés.

Mais en vérité, j’essaie d’écouter tout ce qui me tombe sous la main, c’est le truc de bien quand on programme à la radio, il faut écouter du neuf tout le temps !

Elodie Rama : Constellations (10H10, Cristal Records) disponible le 3 février

Article rédigé par
Christophe Augros
Christophe Augros
Disquaire à Fnac Chambéry
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