Ces personnages ont changé l’image de la femme au cinéma. Elles ont marqué les esprits par leur singularité, leur courage, ou encore leur charisme. Nous revenons aujourd’hui sur le personnage de Trinity, hackeuse/action girl des films Matrix, dont la froide détermination compte pour beaucoup dans le succès de la franchise cyberpunk pilotée par les Wachowski.
Qui est Trinity ?
Dans Matrix, Trinity partage le lot de l’immense majorité des humains : elle a été créée artificiellement par la Matrice pour servir d’apport énergétique au fonctionnement des machines ayant asservi l’humanité. Pendant sa jeunesse, elle fut donc endormie et projetée dans une simulation du monde réel destinée à la faire « travailler ». Réveillée de son sommeil par Morpheus (Laurence Fishburne), commandant du vaisseau Nebuchadnezzar, Trinity devient le second de son vaisseau et collabore avec les révoltés pour réveiller autant d’humains que possible. Dans le monde réel et dans la Matrice, Trinity est hackeuse et a suivi un entraînement intensif aux armes et arts martiaux pour défaire les nombreux gardiens de la Matrice chargés de l’éliminer elle et ses alliés. Car si l’on meurt dans la Matrice, on meurt de même dans le monde réel.
Un jour, Morpheus apprend de l’Oracle (Gloria Foster, puis Mary Alice), un programme informatique chargé d’analyser la psyché humaine et possédant de fait un limité pouvoir de prédiction, qu’il trouvera l’Elu ; une sorte de Messie qui sauvera l’Humanité des Machines. Il s’agit de Thomas Anderson (Keanu Reeves), une victime de la Matrice qui la nuit est l’hacker Neo. Dans le premier film Matrix, Trinity devient sa liaison entre lui et Morpheus, puis son mentor une fois qu’il s’échappe de la Matrice. Elle le sera jusqu’à ce que Néo assume son statut de sauveur de l’Humanité.
Au cinéma, Trinity est incarnée par l’actrice Carrie-Anne Moss.
Trinity, au-delà de l’action girl 90’s
Bien que l’on puisse remonter dans une certaine mesure à la Princesse Leia de Star Wars, les personnages féminins « à poigne » s’épanouissant dans l’action, le plus souvent dans le cinéma de genre, ont commencé à fleurir dans les années 80 et 90. On retrouve chez Trinity l’instinct de commandement de Leia, le feu sous la glace d’Ellen Ripley (Alien), la réactivité salvatrice de Sarah Connor (Terminator), l’alliance de « badasserie » et de sensibilité de ses devancières. On note aussi la combinaison de cuir guerrière, popularisée par 2 personnages précurseurs des années 60 : Catherine Gale et Emma Peel de Chapeau melon et bottes de cuir.
Mais Trinity apporte aussi bien par elle-même. Ainsi, en dehors des films d’arts martiaux asiatiques, rares étaient à l’époque les héroïnes montrant une puissance physique égale ou supérieure à leurs collègues masculins. Trinity possède une maîtrise sensationnelle des arts martiaux à peu près inédite dans le cinéma mainstream occidental. Alors que le duo cerveau-homme de main est un classique du cinéma d’action, Trinity englobe les deux personnalités, ayant simultanément un poste de commandement et participant à de nombreuses scènes d’action. Sur ce dernier point, s’il lui arrive de donner des ordres, cet aspect est moins présent à partir de Matrix Reloaded, et Morpheus demeure le vrai chef de la petite équipe. Enfin, elle apporte toute une dimension divine à son personnage, assez inhabituel dans le genre. Sa résurrection symbolique de Néo à la fin du premier Matrix par exemple mais aussi son nom ancré dans la religion catholique (Trinity comme la trinité ecclésiastique). Si Morpheus est le Père qui engendre le Fils (Néo), Trinity sert d’union en tant que Saint-Esprit. En effet, les chrétiens entrent en religion via le baptême du Saint-Esprit tout comme Néo commence sa quête de sauveur divin via sa rencontre avec Trinity.
Un personnage ambivalent
Certes, Trinity n’est pas un personnage irréprochable côté écriture, elle a ainsi le douteux honneur d’avoir un syndrome négatif à son nom. Le syndrome Trinity désigne les héroïnes de fiction présentées comme superpuissantes avant d’être reléguée au second plan quand vient l’avènement du héros masculin. C’est ce qui arrive à Trinity après la révélation de son rôle principal (être la compagne du héros) et dans les films suivants, notamment Matrix Revolutions où elle reste à la remorque de son compagnon Néo. Si elle poursuit les buts de la Résistance selon des objectifs différents et souvent sans Néo à ses côtés, l’effet d’un personnage n’allant pas au bout des promesses de ses scènes initiales perdure. Tant dans son côté progressif et conservateur, Trinity confirme la synthèse de Lilly & Lana Wachowski sur le cinéma d’action et de genre, qui a souvent mêlé les deux tendances. L’interprétation de Carrie-Anne Moss, alliage en perpétuel équilibre entre dureté et chaleur, est à la hauteur de ce personnage magnétique, y compris dans le dernier volet de la saga : Matrix Resurrections.