En cinq films, Daniel Craig a totalement dépoussiéré le mythe James Bond : plus athlétique, plus cynique, mais aussi plus romantique, l’agent 007 est devenu un autre homme. Voici comment le règne de l’espion Craig a changé irrémédiablement la donne d’une saga toujours capable de se réinventer.
Un héros d’action
Entre Meurs un autre jour, dernière aventure de James Bond sous les traits de Pierce Brosnan et Casino Royale, signe du renouveau avec l’arrivée de Daniel Craig, quatre années seulement se sont écoulées. Et pourtant, entre les deux films, c’est tout un monde qui semble avoir évolué. Désormais, l’agent 007 ne peut plus se contenter de déambuler en smoking et de se reposer sur ses gadgets létaux. Depuis, l’agent Ethan Hunt de la franchise Mission : impossible se lance dans des cascades toujours plus dangereuses et Jason Bourne joue autant de la castagne que des méninges. Daniel Craig, premier James blond, avec ses faux airs de Vladimir Poutine, va imposer un sourire en coin, une carrure athlétique, des muscles d’acier rivalisant avec des yeux bleus perçants. Un corps qui devient objet de désir à son tour, à l’image de sa sortie de l’eau en maillot de bain dans Casino Royale, rendue tout aussi érotique que celle d’Ursula Andress en bikini dans James Bond contre Dr No.
007 dernier du nom, peut venir à bout de tous ses ennemis uniquement avec ses poings et ses pieds et ne concèdera que rarement à utiliser les fameux gadgets dont étaient friands ses prédécesseurs. On se souviendra longtemps du dernier tiers dantesque de Mourir peut attendre dans lequel James Bond se transforme en personnage d’un jeu vidéo digne de Street Fighter.
Un héros vulnérable
Daniel Craig réussit également le tour de force d’imposer le paradoxe d’un homme musculeux doublé d’un être romantique en souffrance. Si George Lazenby était jusqu’à présent le seul agent 007 capable de véritables sentiments (jusqu’à épouser celle qu’il aime dans Au service secret de Sa Majesté), Daniel Craig lui, ne va se laisser tenter que par deux femmes qui vont le hanter durablement. Certes, il aura quelques passades, mais seules Vesper Lynd (alias Eva Green, au funeste destin) et Madeleine Swann (Léa Seydoux, celle avec qui il voudra s’engager) vont l’imprégner à jamais.
Surtout, ce nouveau James Bond accepte de se laisser envahir par ses émotions, victime d’un passé qui l’a traumatisé. C’est ce que l’on découvre dans tout l’arc narratif commencé par Casino Royale et achevé par Mourir peut attendre, avec en point d’orgue, le film Skyfall. M sert alors de mère de substitution et lorsqu’elle meurt, c’est une nouvelle déchirure pour un Bond déjà fragilisé.
Un héros tragique (attention, spoilers !)
Dans Mourir peut attendre de Cary Joji Fukunaga, James Bond devient l’acteur d’une tragédie dont il est le point d’achoppement. Le film brise deux tabous qui n’avaient encore jamais eu lieu : tout d’abord, faire de l’espion un père de famille (il a une fille avec Madeleine, sans qu’il ne le sache dans un premier temps et leur rencontre sera l’un des moments les plus émouvants de la franchise). Puis, en en faisant un héros sacrificiel. Pour que celle qu’il aime et leur enfant survivent, il faut que lui meure. Daniel Craig entre dans la légende à jamais en devenant le premier 007 à trépasser véritablement, bouclant la boucle de manière irrémédiable. James Bond est mort, vive James Bond ?