On fête cette année le vingt-cinquième anniversaire de la sortie de No Soucy !, l’album le plus célèbre d’Ophélie Winter, véritable star du R&B made in France. Le genre, groovy et très féminin, a connu un âge d’or avant d’être aujourd’hui moins représenté, sinon par quelques stars comme Amel Bent et M Pokora. Qu’est-il donc arrivé à ce courant ? Éléments de réponse.
On fête cette année le vingt-cinquième anniversaire de la sortie de No Soucy !, l’album le plus célèbre d’Ophélie Winter, véritable star du R&B made in France. Le genre, groovy et très féminin, a connu un âge d’or avant d’être aujourd’hui moins représenté, sinon par quelques stars comme Amel Bent et M Pokora. Qu’est-il donc arrivé à ce courant ? Éléments de réponse.
Le R&B français, un genre cher aux années 1990
Justin Timberlake, Beyoncé, The Weeknd, Drake, Rihanna, Frank Ocean, Fergie, Jennifer Lopez. Leur point commun ? Figurer parmi les plus grandes stars de la musique actuelle. Tous appartiennent, au moins à un moment de leur carrière, à l’univers du R&B. Un constat de la prédominance de ce genre outre-Atlantique, et ce de manière continue depuis les années 1980.
Une situation moins comparable en France, où seuls quelques artistes issus de cette scène ont réussi à mener des carrières longues, avec un succès populaire dans la durée. Pourtant, le contexte initial était favorable. Au début des années 1990, la musique que l’on dit « urbaine » débarque des États-Unis et commence à être reprise par des chanteurs francophones. Entre bruelmania et succès du rock dit « alternatif », une place au soleil se fait pour quelques artistes rap, notamment Mc Solaar, NTM ou IAM. L’idée d’importer le son d’un genre cousin du hip-hop, le R&B, chemine alors dans le milieu de la musique.
En 1993, deux sœurs, choristes pour des artistes de variété, forment ainsi l’un des premiers collectifs de R&B français. Native rencontre un joli succès public avec Si la vie demande ça, un morceau chaloupé. Les arrangements incontournables du R&B américain y figurent : les fameuses « vibes », ces vibratos vocaux venant allonger les syllabes, le son synthétique des claviers et les boîtes à rythmes hip-hop distinguent le groupe, qui obtient la Victoire de la Musique du groupe révélation de l’année en 1994.
Du côté des garçons, de grands pionniers du genre reprennent la formule américaine du groupe vocal chantant en harmonie. Inspiré, comme leurs cousins outre-Atlantique, de la soul et du gospel, ils s’essaient en français à importer ce « new jack swing » langoureux qui a fait le succès de Jodeci, par exemple. N’Groove, le groupe du chanteur Hasheem, ou Tribal Jam, réussissent ainsi à importer le son yankee au début des années 1990. Quelque temps plus tard, les Poetic Lover, inspirés des Boys II Men, effectuera une belle percée populaire (mais éphémère) grâce à leurs morceaux romantiques, tels Darling.
Ophélie Winter, la première star du R&B français
La carrière initiale d’Ophélie Winter témoigne du rôle important d’M6 dans la production et la promotion du R&B au milieu des années 1990. Mannequin, elle est repérée à la télévision par une chercheuse de talent de la chaîne musicale, après quelques essais sur scène et en studio. Devenue animatrice, notamment de l’émission Dance Machine 4, elle peaufine alors un premier album, le carton ultime du R&B français : No Soucy !. Porté par le single Dieu m’a donné la foi, puis le très g-funk Shame on U, celle qui a fréquenté Prince dans le privé fait émerger le R&B sur les ondes.
Durant trois ans, Ophélie Winter sera l’ambassadrice R&B. Mêlant la variété française et l’héritage de la Great Black Music, l’artiste a su trouver les arrangements idéaux pour faire d’un genre de niche une part de la pop hexagonale. Pour l’anecdote, l’une de ses chansons, Ce que je suis, deviendra même un hit international majeur, What a Girl Wants, après avoir été repris par Christina Aguilera sur son premier album.
Un âge d’or éphémère pour le R&B français
Dans le sillage d’Ophélie Winter, ou en parallèle, le R&B (qu’on appelle aussi « groove », alors) devient un genre majeur, matraqué sur les ondes et fournissant la matière de clips ultra-chorégraphiés à M6 et autres chaînes MCM. Géraldine, à travers le tube Bouge (ton attitude) enregistré pour le film éponyme, Larusso, dans une manière assez funky, Lââm (à travers une reprise de Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux) marquent leur époque, sans toutefois réussir à maintenir le genre en haut de l’affiche.
Si l’on excepte quelques coups à la charnière des années 1990-2000, comme Melgroove avec Pas toi, les albums de China Moses, c’est essentiellement à travers son « grand frère », le rap, que les voix du R&B vont faire entendre leurs vibes dans les années suivantes. Wallen, K-Reen, Assia, Kayna Samet entretiennent la tradition du hip-hop masculin-féminin, façon Ménélik, par exemple. Du côté des garçons, Tragédie, Matt (Houston) ou Willy Denzey réussiront à placer quelques tubes, sans que de vrais phénomènes durables s’installent.
C’est finalement la télévision, avec des artistes proches de la pop, qui a rallumé la flamme du R&B hexagonal ces vingt dernières années. Amel Bent (Nouvelle Star), M. Pokora et Chimène Badi (Popstars), Nâdiya (Graines de Stars) deviendront d’immenses stars avec une version plus variété du R&B des origines.
Ces dernières années, de Shy’m à Vitaa, de Tal à Zaho, les vedettes féminines apparemment affiliées à cette scène ont rejoint une case plus large, dite de la « musique urbaine », et affirme moins le caractère groovy et très nineties du R&B, genre devenu une référence du passé plutôt qu’un vrai style encore actif aujourd’hui.