Les papes du néo-métal sont de retour ! Korn signe un quatorzième album avec Requiem. Cette sortie vient rappeler que le genre trouve toujours son public une trentaine d’années après ses débuts. Décryptage d’un style aux racines multiples.
Fusion, néo-metal : les années 1990 à leur meilleur
Dans les pays anglo-saxons, les années 1980 représentent l’apogée du metal. Les Anglais, avec Iron Maiden ou Def Leppard, et les Américains, avec Metallica, Mötley Crüe ou Guns N’ Roses, ont rendu les guitares saturées et les morceaux de bravoure immensément populaires. A la fin de la décennie, le genre musical cohabite avec le rap en haut des charts. L’idée de fusionner les deux courants naît à cette époque, par l’entremise des Red Hot Chili Peppers, de Rage Against the Machine, Faith No More ou de Living Colour.
Musicalement, ces groupes explorent un versant funky et ralenti des musiques dites « extrêmes », qui va à son tour inspirer un nouveau courant. Baptisé néo-métal, ou nu-metal, il va se distinguer par des rythmiques lourdes, un rôle prépondérant du chanteur, une introspection plus poussée dans les paroles. Deux têtes de pont vont incarner cette première vague : Korn et Deftones. En quelques albums, ils vont balayer toutes les autres références rock aux Etats-Unis entre 1994 et 1998.
Korn, follow the leaders
Avec son album Korn, le groupe conduit par Jonathan Davis a codifié le néo-metal en 1994. La formation s’est notamment appuyée sur le producteur Ross Robinson, à qui l’on doit le véritable son du genre. Les guitares, accordées pour que le grave ressorte davantage, apportent ainsi le caractère rugueux et sombre de la musique, tandis que les basses et les batteries conservent un certain groove hérité de la « fusion » pratiquée par Faith No More ou Rage Against the Machine.
Avec les disques Life is Peachy et Follow the Leader, le groupe continuera sur cette lancée, bien aidé par le charisme de son chanteur Jonathan Davis, dont les textes torturés et existentiels ont inspiré tous les paroliers du nu-metal. Près de trois décennies après leur formation, les papes du genre sortent un quatorzième album : Requiem. Décidément, leaders sont infatigables !
Deftones, les ambitieux
Autres protégés du producteur Ross Robinson, les Deftones ont débarqué en 1995 avec un opus majeur, Adrenaline. Plus technique que Korn, avec des nuances de chants et de guitare jouant sur le clair/obscur, le groupe perce lui aussi dans la deuxième moitié des années 1990. Engine No. 9, My Own Summer (Shove It), Be Quiet and Drive (Far Away), Change (in the House of Flies), ou Passenger constituent autant de hits à haute teneur émotionnelle qui ont nourri les albums Adrenaline, White Pony et Around the Fur.
Malgré un rythme de production moins soutenu ces deux dernières décennies, la formation américaine continuera à être fidèle à sa musique et à son image. Sous l’impulsion de Chino Moreno, ils réussiront à rester soudés en dépit du tragique décès de Chi Cheng, légendaire bassiste originel du groupe, comme l’atteste la sortie cette année de leur neuvième album, très attendu, Ohms.
Linkin Park, Limp Bizkit, Slipknot… la seconde vague
Si l’on range sous l’étiquette néo-metal des groupes assez divers, comme Pantera et son groove tendu inimitable, Machine Head et ses inspirations thrash, Fear Factory et son influence industrielle, l’acception désigne plus spécifiquement aujourd’hui les légendes de la charnière des années 1990-2000, ayant succédé, dans les charts, à Korn et aux Deftones. Jeunes protégés des premiers, Limp Bizkit a ainsi contribué à un nouveau mélange entre flow rap et grosses guitares. Linkin Park, avec son chanteur-hurleur, le regretté Chester Bennington, et son producteur-MC, Mike Shinoda, a concilié réussite artistique et succès commercial à la sortie d’Hybrid Theory. Un disque majeur qui fait l’objet le 9 octobre d’une réédition luxueuse pour les vingt ans de sa parution.
Inspiré de l’imagerie des films d’horreur et du quotidien de la morne ville désindustrialisée de Des Moines, dans l’Iowa, Slipknot a longtemps constitué l’un des parangons du néo-metal. D’autres groupes, affiliés au genre, en ont fait la légende, avec des succès plus éphémères, comme Staind, Papa Roach ou Disturbed.
Le néo-metal, un genre repris en France
Si l’on mesure moins bien, aujourd’hui, comment cette musique et ses codes (vestimentaires notamment) ont régné sur le monde, il faut se souvenir que le nu-metal a été une alternative au rock, et ce même en France. Dans l’Hexagone, la fusion a été un genre à l’honneur avec des groupes comme FFF, No One is Innocent, ou Silmarils, qui a sorti une belle réédition de leur Original Karma en 2021.
Avec comme grands noms Lofofora, Pleymo, Watcha ou Aqme, le neo-metal d’ici a connu un certain succès au début des années 2000, qui pourrait, comme son équivalent américain, faire l’objet prochainement d’un revival !