À l’âge de 19 ans, Léopoldine Hugo, la fille de Victor Hugo, meurt noyée à Villequier en Normandie. Cette perte chère influencera profondément l’oeuvre de notre romancier, poète et dramaturge. Focus.
Pourquoi la fille de Victor Hugo est morte noyée ?
La mort de Léopoldine est une tragédie et si les signes du destin avaient peut-être été plus persuasifs, sa vie n’en aurait certainement pas pâtit si tôt et l’oeuvre de son père, Victor Hugo, n’en aurait pas été indiscutablement modifiée…
À 14 ans, Léopoldine tombe grandement amoureuse de Charles Vacquerie. Ils patienteront cinq ans avant de pouvoir enfin se marier, le 15 février 1843 à l’église Saint-Paul à Paris.
Deux jours avant le drame, le couple arrive à Villequier dans la maison de Victor Hugo et Adèle Foucher. Le lundi 4 septembre, Charles Vacquerie souhaite se rendre chez Maître Bazine, un notaire. Pour cela, il doit embarquer sur un bateau par la Seine. Alors qu’il s’apprête à partir, il demande à son épouse de l’accompagner, ce qu’elle refuse car elle n’est pas encore habillée. Sur ces entrefaites, Charles s’en va mais revient un moment plus tard car son canot est trop lest, l’obligeant à s’encombrer de lourdes pierres. Ce malheureux contretemps sera l’occasion pour Léopoldine de se préparer et d’accompagner son époux sur le fleuve.
Lorsqu’ils arrivent à Caudebec, ils font leurs affaires et sont incités par le notaire à prendre sa voiture pour éviter la Seine qui, par manque de vent, risque de les faire rentrer tardivement. Malheureusement, les voyageurs refusent et reprennent leur canot. Arrive alors le moment fatidique…
Entre deux collines, un tourbillon de vent s’élève et s’abat sur la voile, faisant chavirer le canot. Léopoldine à l’eau et ne sachant pas nager, elle se cramponne désespérément au canot. Sur la rive, des paysans voient au loin Charles disparaître et reparaître dans l’eau en criant, prenant ses tentatives de sauvetage envers sa femme pour de l’amusement. Au bout d’un moment, il comprend fatalement qu’il n’arrivera pas à sauver Léopoldine. N’envisageant pas la vie sans elle, il sombre à ses côtés dans les profondeurs de l’eau…
Comment Victor Hugo apprend la mort de sa fille ?
Au moment de la mort de sa fille et de son gendre, Victor Hugo est en voyage en Espagne avec sa maîtresse Juliette Drouet. Il n’aura donc connaissance de leurs disparitions que quatre jours plus tard… Dans le journal Le Siècle. Ce 9 septembre 1843, il est alors attablé au « Café de l’Europe » à Rochefort en compagnie de Juliette.
Où est enterrée Léopoldine Hugo ?
C’est au cimetière de Villequier, aux côtés de son époux Charles Vacquerie, que repose Léopoldine Hugo.
Pourquoi Victor Hugo a écrit Demain, dès l’aube ?
Victor Hugo consacrera de nombreux poèmes à la mémoire de sa fille dont notamment le magnifique Demain, dès l’aube, poème sans titre mais dont tout le monde reprend l’incipit pour le citer.
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Pourquoi Victor Hugo a écrit Les Contemplations ? Comment se compose-t-il ?
Autobiographie versifiée, Les Contemplations est un recueil de poèmes que publie Victor Hugo en 1856. Rassemblés en six livres, nous retrouvons exactement 158 poèmes qui sont, pour beaucoup, un hommage à sa fille Léopoldine (Demain, dès l’aube, À Villequier, Elle avait pris ce pli…, …).
Les Contemplations parle du souvenir, de la joie, de l’amour mais aussi du deuil, de la mort et d’une certaine foi mystique qu’entretient Victor Hugo. Les plus vieux poèmes du recueil remontent à 1830 mais ils ont, pour la plupart, été écrits entre 1941 et 1855.
Le recueil se structure en deux parties : « Autrefois » et « Aujourd’hui ». Chacune d’elles comporte trois chapitres.
Première partie : Autrefois (1830-1843)
Aurore – Livre I : Chapitre qui évoque la jeunesse de Victor Hugo (ses souvenirs du collège, ses premiers amours et ses premières luttes littéraires).
L’âme en fleur – Livre II : Chapitre sur l’Amour où il évoque ses instants avec Juliette Drouet.
Les luttes et les rêves – Livre III : Chapitre sur la pitié et la misère du monde.
Seconde partie : Aujourd’hui (1843-1855)
Pauca Meae (« Quelques vers pour ma fille ») – Livre IV : Dans ce chapitre, Victor Hugo tente de communiquer avec Léopoldine. Tous les poèmes de cette section portent sur le deuil.
En marche – Livre V : Ici, Victor Hugo expatrié, tente de reprendre sa vie en main et trouve dans la méditation de nouvelles raisons de vivre.
Au bord de l’infini – Livre VI : Chapitre des certitudes où alternent l’angoisse et l’espérance. Cette dernière finissant par être la grande gagnante.
Nous retrouvons également un épilogue entièrement dédié à Léopoldine et nommé « À celle qui est restée en France ».
En structurant ainsi Les Contemplations, Victor Hugo dépose dans ses vers délicats, la dure et tragique traversée de son deuil. L’art en général à cela qu’il permet souvent de dépasser une expérience pénible et douloureuse. La contrainte poétique permet au poète de canaliser ses sentiments en les dévoilant sous des obligations de rimes et de rythmes, le menant doucement vers les flots d’une seconde naissance. Il y eut l’Autrefois, il y a l’Aujourd’hui et il y aura l’Après.
Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
De venir dans ma chambre un peu chaque matin;
Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère;
Elle entrait, et disait: Bonjour, mon petit père ;
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s’asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s’en allait comme un oiseau qui passe.
Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse,
Mon oeuvre interrompue, et, tout en écrivant,
Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent
Quelque arabesque folle et qu’elle avait tracée,
Et mainte page blanche entre ses mains froissée
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers.
Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,
Et c’était un esprit avant d’être une femme.
Son regard reflétait la clarté de son âme.
Elle me consultait sur tout à tous moments.
Oh! que de soirs d’hiver radieux et charmants Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,
Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère Tout près, quelques amis causant au coin du feu !
J’appelais cette vie être content de peu !
Et dire qu’elle est morte! Hélas! que Dieu m’assiste !
Je n’étais jamais gai quand je la sentais triste ;
J’étais morne au milieu du bal le plus joyeux
Si j’avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.