Sous-branche de la fantasy, la dark fantasy prend une place de plus en plus importante dans le domaine des littératures de l’imaginaire. Ses personnages ambigus, ses ambiances sombres et ses sagas longue durée ont également contaminé cinéma, télévision et jeux vidéo. Quelles en sont les origines, les thématiques, les œuvres majeures ? Décryptage.
Les différents univers de la fantasy
S’inspirant des mythes européens, des romans de chevalerie et des contes de fées, la fantasy a fait son apparition au début du XXe siècle, et s’est divisée rapidement en sous-genres assez différents.
La high fantasy a ainsi pour livre pionnier la trilogie du Seigneur des Anneaux. Elle repose sur la lutte d’un groupe d’individus contre les forces du mal, dans un univers fait de monstres, de magie et de guerres épiques. L’enjeu y est souvent majeur : sauver la civilisation d’un seigneur maléfique, empêcher le monde d’être détruit, etc.
Avec des univers comme Conan, ou plus tard, le Cycle d’Elric, a émergé un courant singulièrement différent, l’heroïc fantasy, où les motivations et les personnages sont bien plus individuelles. Ce sous-genre met en scène des héros moins enviables moralement que dans la high fantasy, et un univers souvent plus guerrier et violent.
Cette manière a des origines moins nobles que les romans de Tolkien : il a au départ peuplé les colonnes des « pulp », ces fascicules remplis de récits bon marché et assez répétitifs, avant de trouver sa place grâce à des auteurs inventifs comme Karl Edward Wagner.
Qu’est-ce que la dark fantasy ?
La dark fantasy a une définition moins nette, en particulier quant à ses origines. Certains auteurs considèrent Lovecraft comme son père, même s’il est plutôt associé au genre « fantastique ». Mais le Mythe de Cthulhu possède bien des éléments que l’on retrouve dans l’œuvre de dark fantasy classique : la place pour le mal, la noirceur de l’ambiance, la crudité de certains passages et l’ambiguïté des personnages s’y distinguent.
À partir des années 1980, les auteurs modernes ont brassé des clichés de la high fantasy (ou de l’heroïc fantasy) avec des ingrédients très sombres, une violence exacerbée, des scènes de sexe explicite, aboutissant à une certaine définition. On intègre alors à la dark fantasy les romans classiques dotés de héros.
En résumé, la dark fantasy serait Le Seigneur des Anneaux version adulte et jusqu’au-boutiste ?
Pas vraiment. L’émergence d’un courant nouveau, appelé grimdark ou gritty, a rebattu les cartes. Dans ce sous-sous-genre, les scènes explicites existent, mais c’est surtout l’ambigüité morale des personnages qui transparaît, alors même que la partie surnaturelle tend à s’estomper.
Le meilleur exemple de cette autre définition de la dark fantasy ? Le Trône de fer, évidemment, où seuls les dragons et quelques assassins métamorphes nous rappellent que nous ne sommes pas dans un livre historique.
Les grandes thématiques du genre Dark Fantasy
C’est d’abord une ambiance particulière qui caractérise la littérature de Dark Fantasy. La violence de certains passages (massacres, viols, transformations monstrueuses), la noirceur des décors (ruines), la présence de créatures démoniaques (qu’elles soient d’apparence humaine ou fantastique) en font le sel. Par rapport aux autres œuvres de fantasy classique, les romans de ce courant mettent en général en scène des personnages mauvais, voire des méchants comme héros. Plus particulièrement dans la catégorie « gritty », les protagonistes peuvent être plus simplement ambigus, alternant entre mauvaise action et bienveillance. À ce sujet, un conseil aux lecteurs de dark fantasy : ne vous attachez pas trop aux héros des premières pages : leur survie est rarement garantie. Suivant les auteurs, les thématiques vont être très différentes. Une large partie de la dark fantasy montre le mal sous son visage le plus terrifiant, et c’est le comportement des héros face à l’épouvantable, à l’étrange ou au dangereux qui motive ses actions. D’autres courants au sein du genre vont mettre en scène les arcanes de la politique, la sociologie d’un groupe de mercenaires, l’archéologie d’un monde perdu, avec toujours un souci de défier le manichéisme.
LES MEILLEURS LIVRES DE DARK FANTASY
1. Un pionnier de la Dark Fantasy : HP Lovecraft
Dans la grande famille de la littérature fantastique, Lovecraft tient une place un peu à part, qui a notamment inspiré la dark fantasy au sens large. La noirceur de son Mythe de Cthulhu, dans lequel il imagine des créatures monstrueuses issues d’un monde ancien, explique ainsi qu’on s’y réfère encore aujourd’hui comme matrice d’un courant mêlant épouvante et mythologie.
3. Des précurseurs
Robert E. Howard et Michael Moorcock
Comme on l’a vu, la dark fantasy provient aussi d’une modification du traitement et de l’ambiance des formes classiques de la fantasy dans son ensemble. On peut ainsi trouver des premiers éléments fantasy dans l’œuvre de Robert E. Howard consacrée à Conan, notamment la brutalité de certains passages.
Devenu très populaire chez tous les fans de fantasy, le Cycle d’Elric figure parmi les classiques de son pendant heroic, mais peut également se rattacher à son côté dark. L’ambiguïté morale et psychologique des personnages de cette saga dédiée à l’antihéros Elric montre comment au cours des années 1960, les littératures de l’imaginaire se sont portées vers des thèmes plus sombres et un traitement plus « second degré » des mythes de magie et de chevalerie chers au genre.
Glen Cook – La Compagnie Noire
Publiés à partir de 1984, les récits de La Compagnie noire sont composés sous la forme du livre de bord d’une horde de mercenaires. Vendue aux plus offrants, celle troupe se retrouve face à des situations de plus en plus sombres (massacres, viols, tortures) et perd certains de ses membres les plus importants. Dans un style brutal, Glen Cook a signé un classique de la dark fantasy, en y instaurant un traitement moderne qui devait faire des émules, notamment chez George R.R. Martin.
Andrzej Sapkowski – Le Sorceleur
Avant d’être un jeu vidéo et une série, Le Sorceleur est l’un des meilleurs romans de dark fantasy européenne, signé Andrzej Sapkowski. À travers le destin du héros, Geralt de Riv, chasseur de monstre, on entre dans un monde où les pouvoirs surnaturels sont offerts à des hommes via des mutations génétiques. Les combats, la magie, et le cadre de cette saga ont largement contribué à son succès, qui prend sa source dans l’heroïc fantasy pour mieux en assombrir les clichés.
Michel Robert – L’Agent des ombres
S’il y a bien un auteur de dark fantasy dans son acception la plus violence en France, c’est bien Michel Robert. Son cycle de L’Ange du chaos, cocktail détonnant d’humour noir, de scènes sexuelles et d’aventures guerrières, met aux prises Cellendhyl, l’Ange du Chaos, avec les pires créatures de son monde…
Clive Barker – Abarat
Telle la Tour sombre de Stephen King, le cycle d’Abarat a pour univers un lieu secret de notre monde réel. Un passage maritime relie le Minnesota à l’archipel d’Abarat, que va peu à découvrir une jeune lycéenne américaine. L’occasion pour Clive Barker de dépeindre ce territoire étrange, où 24 îles représentent les différentes heures de la journée, jouant sur notre peur et suscitant l’envie rapide de dévorer tous les tomes de cette saga !
4. Et Côté gritty / grimdark ?
George R.R. Martin – Le Trône de Fer
Peu de créatures surnaturelles, mais des humains assoiffés de pouvoir. Des combats chevaleresques, mais au service de traître et d’êtres opportunistes. Telle est la part « grise » du Trône de Fer, chef-d’œuvre de la fantasy politique qui tire sur le dark grâce à certaines dimensions de son intrigue, en particulier la guerre contre les Marcheurs Blancs.
Joe Abercrombie – La Première Loi
Sexe explicite, crudité de la violence, humour sarcastique : les œuvres de Joe Abercrombie incarnent à merveille la fantasy dite grimdark. L’univers de La Première Loi en est l’exemple le plus représentatif, tout comme sa dernière série, La Mer éclatée.
Les meilleurs films de dark fantasy
Si l’on excepte certains aspects dans Dark Crystal ou Legend, la fantasy que l’on voit au cinéma est moins dark que dans les romans ou les mangas (comme Berserk).
On pourra néanmoins se plonger dans Valhalla Rising (aka Le Guerrier silencieux) ou Evil Dead 3 pour s’approcher de ce que le septième art pourrait apporter au genre, tant la violence explicite et l’humour cru inhérents à cette forme ont un potentiel indéniable.
LES MEILLEURES SERIE DE DARK FANTASY
Game of Thrones
Désormais achevée, la série Game of Thrones a pleinement réussi à intéresser le très grand public aux particularités de la dark fantasy, en particulier le décès brutal des personnages principaux et la lutte contre des créatures maléfiques dans un contexte on ne peu plus sombre.
The Witcher
L’adaptation américaine du Sorceleur a été l’un des événements de la fantasy cette année. The Witcher baigne dans une ambiance plutôt dark, propice à capter l’intérêt des lecteurs habitués, mais aussi des profanes. Un pari réussi.
Les meilleurs jeux vidéo de dark fantasy
On doit à From Software et à son bon génie, Hidetaka Miyazaki, les meilleurs jeux vidéos consacrés à la dark fantasy, grâce à la saga Dark Souls et au titre Bloodborne. Leur ambiance, leur bestiaire, leur difficulté en font des jeux aussi racés que passionnants, bien qu’un peu punitifs !
L’univers plus large de la fantasy a suscité des franchises majeures ces dernières années : la série de jeux The Witcher, aujourd’hui à son troisième épisode, et les Elder Scrolls (dont le plus notable récemment, Skyrim) possèdent une excellente durée de vie et des passages clairement dark.
Enfin, l’imagerie sombre de manière générale inspire quelques-uns des plus grands classiques du jeu vidéo, dont Diablo, Devil May Cry ou Castlevania, à la frontière entre fantastique et dark fantasy.