Vendredi 12 octobre, après le scandale qui a éclaboussé le Nobel de littérature, un « Nobel alternatif » a été décerné à Maryse Condé, grande femme des lettres francophones.
Une œuvre à cheval sur trois continents
Maryse Condé est une femme aux visages multiples : elle est à la fois docteure en littérature comparée, professeure, écrivain et philosophe. Née à Pointe-à-Pitre en 1937, elle intègre rapidement le lycée Fénélon en métropole. C’est pendant son adolescence qu’elle découvre la notion d’esclavage avec le Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire et commence une quête identitaire qui la mènera en Afrique et en Amérique, dans les Caraïbes et les Antilles. Influencée par Césaire mais aussi Frantz Fanon, elle incarne une figure de la francophonie féministe. Son dernier roman, Le Fabuleux et Triste Destin d’Ivan et Ivana, explore par la fiction l’actualité sanglante : le meurtre de Clarissa Jean-Phillippe par Amedy Coulibaly à Montrouge.
Une œuvre multiple
Âgée aujourd’hui de 81 ans, Maryse Condé a une œuvre considérable et foisonnante derrière elle. Elle reçoit en 1987 son premier prix : le Grand Prix littéraire de la Femme pour Moi, Tituba sorcière…. Elle écrit de grandes fresques historiques sur l’histoire de l’Afrique qui l’ont aidée à comprendre ses origines : dans Ségou, elle peint l’Afrique du XIXe siècle, et plus précisément le royaume bambara. À ses textes de fiction qui s’attachent à des héroïnes féminines fragiles, se mêlent des romans à forte inspiration autobiographique comme Victoire, les saveurs et les mots, qui retrace la vie de sa grand-mère et de sa mère qu’elle a très peu connues.
Le couronnement d’une carrière
Elle reçoit en 1993 le prix Puterbaugh qui vient récompenser l’intégralité d’une œuvre, elle est la première femme à être couronnée par ce prix. En 1999, le très autobiographique Le Coeur à rire et à pleurer remporte le prix Marguerite Yourcenar. Après avoir été élevée au rang de Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres, elle obtient la Légion d’Honneur en 2014 pour ses activités au sein du Comité pour la mémoire de l’esclavage. C’est à Maryse Condé qu’on doit la reconnaissance d’une journée de la commémoration de l’esclavage tous les 10 mai. Ce Nobel alternatif vient couronner une œuvre dont le « langage précis décrit les ravages du colonialisme et le chaos du post-colonialisme », dixit la Nouvelle Académie composée de 109 intellectuels suédois.