Entretien

Le regard de l’éditeur : Natalie Beunat, éditrice de polars jeunesse chez Syros

30 mai 2018
Par Anna
Le regard de l’éditeur : Natalie Beunat, éditrice de polars jeunesse chez Syros

Natalie Beunat est spécialiste du roman noir américain, traductrice de l’anglais et éditrice. En plus de son activité de responsable éditoriale chez Univers Poche, elle travaille depuis quinze ans comme directrice de collection en free-lance pour Syros sur des romans policiers jeunesse. Elle y dirige Souris Noire, une collection à destination des enfants (9-12 ans) et s’occupe également de polars pour les adolescents (ex-collection Rat Noir).

Natalie Beunat

Comment la littérature policière permet-elle d’interroger la société, et de rendre une certaine réalité accessible aux plus jeunes ? Quelle écriture les auteurs Syros y déploient-ils ? Comment le polar jeunesse est-il reçu en France ?

Natalie Beunat s’est prêtée au jeu des questions.

Pouvez-vous nous présenter les deux collections sur lesquelles vous travaillez pour Syros ?

Natalie Beunat : « Souris Noire, collection pionnière dans le domaine du polar jeunesse, a été créée en 1986 par Joseph Périgot, qui a eu l’idée d’y faire écrire tous ses camarades de la Série Noire : Didier Daeninckx, Marc Villard, Thierry Jonquet… tous ces écrivains qui venaient du “néo polar” dans les années 80. Le nom “Souris Noire” est donc un clin d’œil à la “Série Noire” de Gallimard ! La naissance de la collection a été un coup de tonnerre dans le paysage de la littérature jeunesse. Pour deux raisons : la première, c’est qu’on ne publiait pas de polars en littérature jeunesse à cette époque, hormis les mystères du Club des Cinq et du Clan des Sept en Bibliothèque rose et verte. Par ailleurs, la grande force de la Souris Noire a été, plutôt que d’aborder des histoires uniquement sous l’angle de l’enquête, de traiter de sujets de société qui avaient été jusqu’alors tenus loin des enfants…  des sujets caractéristiques du “roman noir” : la drogue, la violence, une police éventuellement corrompue, le chômage, etc.

Dès le début, l’histoire de la collection a été jalonnée de quelques succès, comme Le chat de Tigali de Didier Daeninckx ou Les doigts rouges de Marc Villard. Il faut dire que Souris Noire a été très portée par les bibliothécaires et les documentalistes de collège, parce que ces livres ont permis d’amener pas mal d’enfants à la lecture.

Le-chat-de-Tigaliles doigts rouges

Après Joseph Périgot, la collection  « Souris Noire » a été dirigée par Patrick Mosconi, puis un bref moment par Franck Pavloff, et a ensuite été reprise par François Guérif (de 1998 à 2003), qui éditait aussi des polars chez Rivages. En 2002, alors que la littérature young adult se développait, François Guérif a créé une deuxième collection de polars au sein de Syros, à destination cette fois des ados, et m’a confié l’année suivante la direction de Souris Noire. Il a décliné le nom de cette collection ado en “Rat Noir” devant les commerciaux… Il plaisantait, mais le nom est resté ! Du moins jusqu’en 2016 : à partir de cette date, Syros a décidé d’abandonner l’appellation “Rat Noir” pour présenter ces livres  comme des “Hors-Série”, parce qu’on s’était rendu compte qu’il y avait en réalité beaucoup d’adultes qui lisaient cette littérature-là. »

Entre-temps, le polar jeunesse a probablement dû éveiller l’intérêt d’autres maisons d’édition ?

« Après 1986, plusieurs collections  de polar jeunesse ont surgi sur le marché. Il y en a eu beaucoup dans les années 90, mais parmi celles qui ont bien survécu figurent celles des éditions Rageot. Aujourd’hui, les éditeurs vont chercher des auteurs de polars qui ne sont plus forcément des auteurs jeunesse, et ça marche très bien. Sur un créneau similaire, il y a aussi la collection Exprim’ chez Sarbacane, qui a fait un parcours sans faute depuis sa création en 2006. Elle a été l’une des premières à publier Karim Madani en jeunesse, par exemple. C’est une collection de livres très engagés. »

Aller + loin : La collection Exprim’ : Tibo Bérard, l’interview vidéo

Pour en revenir à Syros, comment choisissez-vous les auteurs de vos deux collections ?

 

« Comme mes prédécesseurs à Souris Noire, j’ai une légitimité en polar parce c’est mon domaine de spécialité depuis 30 ans, mais moins en littérature jeunesse qui est un domaine bien à part. En général, les éditeurs jeunesse savent ce que les enfants aiment lire… Moi, je ne sais pas ! Je fais confiance à l’auteur, dont j’ai toujours lu un ou deux romans avant de le solliciter.

À mon arrivée, je n’ai donc pas demandé à des auteurs jeunesse d’écrire pour Souris Noire ou pour Rat Noir, simplement parce que, de ce que j’ai constaté de mon expérience, ils ne savent pas tous le faire : en général, ils écrivent des histoires un peu enfantines dans la veine du Club des Cinq, avec un mystère à résoudre, une disparition, un meurtre à élucider. Or la collection Souris Noire, bien qu’elle ait accueilli des romans très divers, y compris du roman à énigme (avec les histoires de Danielle Thiery ou celles de Jeanne Faivre d’Arcier), y compris du polar historique (je pense au personnage de Wiggins de Béatrice Nicodème) a tout de même une ligne éditoriale tournée vers le roman noir ; c’est sa spécificité par rapport à d’autres collections policières, par exemple chez Nathan, Magnard ou Gallimard Jeunesse.

Je suis donc d’abord allée chercher des auteurs que j’avais publiés quand j’étais éditrice au Fleuve Noir (où j’avais travaillé pendant dix ans) comme Marcus Malte ou Sergueï Dounovetz, puis des auteurs qui avaient été publiés chez Rivages tels Jean-Hugues Oppel, Abdel Hafed BenotmanDominique Forma, Christian Roux ou encore Stéphanie Benson, à la Série Noire, comme Jérôme Leroy, Romain Slocombe, Ingrid Astier ou Caryl Férey. Il s’agissait d’auteurs que j’avais lus, dont je connaissais l’univers et la langue… Je leur ai demandé d’écrire des polars pour enfants, mais en restant eux-mêmes. La démarche consistait davantage à promouvoir un auteur et sa vision du monde, comme c’est le cas aujourd’hui avec Benoît Séverac. C’est aussi pour ça que, à une ou deux exceptions près – notamment la formidable Sylvie Allouche qui venait de Mango Jeunesse – je n’ai pas publié d’auteurs jeunesse stricto sensu. »

 

Ces auteurs apportent tout de même quelques changements à leur écriture lorsqu’ils s’adressent à un jeune public. Quelles limites ne peuvent-ils pas franchir, par exemple ?

 

« Pour les livres de la collection Rat Noir et les nouveaux “Hors-Série”, comme ce sont des textes à partir de 13-14 ans et qui touchent un public plus vaste, il est aisé de guider l’auteur, parce que le contenu est plus proche de la réalité adulte. La difficulté, c’est parfois de les faire écrire pour les petits.

il va venir

D’abord, de 9 à 12 ans, on ne peut pas donner à lire de scènes de meurtre en direct. S’il y a un meurtre, il est commis hors-champ, j’insiste beaucoup là-dessus. Prenons par exemple l’un des premiers livres que j’ai publié à la Souris Noire, et qui est un des livres qui s’est très bien vendu : Il va venir, de Marcus Malte dont j’avais publié les trois premiers romans au Fleuve Noir. À la fin, le jeune héros est poursuivi par un tueur. En fait, dans la première version, l’enfant emmenait volontairement cet homme vers un trou dans la glace où il savait que celui-ci tomberait et serait tué. J’ai dit à l’auteur qu’étant donné l’âge du lectorat, il ne pouvait pas rester sur cette version ; dire à l’enfant “c’est bien fait, l’enfant a tué cet homme parce qu’il était dangereux”, c’est inconcevable en littérature jeunesse. À cet âge-là, on ne peut pas lire des livres comme par exemple American Psycho, où le lecteur est dans la peau du psychopathe, mais a la capacité de se mettre à distance en tant qu’adulte : les enfants ne sont pas assez matures pour ça. On ne peut pas leur demander de choisir entre le bien et le mal, puisque que tout l’enjeu de l’éducation est cet apprentissage-là ; il faut donc se référer à une sorte de morale qui consiste à ce qu’il y ait une vraie fin un tant soit peu rassurante. J’ai donc dit à Marcus Malte qu’il fallait que l’homme tombe dans le trou par accident. Il a accepté de faire cette modification, c’était juste deux lignes, mais ça changeait la philosophie du livre.

little sister

Ce qui est intéressant dans les livres de ces deux collections, c’est justement de travailler avec les auteurs sur cette question du point de vue narratif. Toute histoire peut être racontée de plein de points de vue différents : celui de la victime, de l’assassin, etc. En général, dans les Souris Noire, c’est à travers une figure d’enquêteur ; même si ce n’est pas un flic, c’est un gamin qui  endosse la figure du détective et qui mène l’enquête. C’est le cas des romans de Jean-Christophe Tixier. Chez les plus grands aussi, il y a toujours un héros positif, qui raconte l’histoire, que ce soit en disant “je” ou en disant “il” ; celui par qui est orientée l’histoire, c’est lui le personnage positif.

Par exemple dans Little Sister, de Benoît Séverac (Hors-Série). L’histoire est relatée du point de vue d’une ado dont le frère est parti faire le djihad. La famille a été complètement diabolisée, ils ont dû changer de nom et déménager, et la fille se retrouve seule avec ses deux parents. Un jour, elle apprend par l’intermédiaire d’un ami de son frère que ce dernier veut la revoir et qu’il lui donne rendez-vous vers Cadaqués, en Espagne. Le sujet est déjà délicat, mais cela aurait été encore très différent si l’histoire avait été racontée par le frère et non par la sœur. On aurait vu le parcours d’un type irrécupérable… Alors que là, en prenant le point de vue de la fille, qui elle, ne peut pas s’empêcher d’aimer son frère, le livre laisse ouvert un champ de possibles, on se dit que la narratrice va peut-être réussir à ramener son frère à la raison. C’est là que réside le suspense, et ça permet aussi aux auteurs, qui font beaucoup de rencontres scolaires, de discuter avec les élèves. »

Justement, vos auteurs prennent souvent la parole sur des sujets de société à travers leurs livres. Pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?

« En jeunesse, comme en adulte, les sujets de société suscitent forcément des réactions chez les auteurs. La journaliste Delphine Peras publiait récemment dans L’Express un papier à ce propos, “Le roman noir, terre d’accueil”, où il est question des polars qui abordent la problématique des réfugiés. Il y est mentionné le dernier livre de Benoît Séverac, Une caravane en hiver (Hors-Série) : l’histoire d’un garçon qui se prend d’amitié pour un réfugié syrien du même âge que lui, sauf qu’il soupçonne la mère de son copain d’être au service des djihadistes qui reviennent de Syrie. Au terme d’une enquête façon roman d’espionnage, on comprend que la mère est en réalité une universitaire syrienne qui travaille pour le renseignement français.

La même année de la sortie de Little Sister, le hasard a voulu que j’ai publié un autre livre traitant du même sujet : Et mes yeux se sont fermés de Patrick Bard (Hors-Série), que Pocket Jeunesse reprendra en poche en septembre. Il y a plusieurs années déjà, l’auteur m’avait parlé de son idée d’écrire sur une Française convertie à l’Islam qui reviendrait de Syrie alors qu’à l’époque de nos discussions, aucune fille ne rentrait. Je l’avais mis en garde sur la difficulté d’aborder un tel sujet sans manichéisme, mais il a écrit un livre d’une absolue justesse qui a été couvert de prix et qui s’est très bien vendu. Si ça ne me gênait pas qu’il soit publié la même année que Little Sister, c’est toujours à cause de cette affaire de point de vue : Patrick Bard a inclus le point de vue la jeune fille au sein d’un roman polyphonique, qui juxtapose sa voix à d’autres : celle de sa mère, de sa meilleure amie ou de son ex-petit copain. C’est avant tout l’histoire d’un rapt mental, comme l’explique son auteur.

Autre sujet de société, j’ai aussi publié en 2012 Luz, de Marin Ledun (Rat Noir), un livre qui me tient beaucoup à cœur. Luz parle de ce point de bascule chez les filles où le corps se transforme et où le regard des hommes se pose sur elles. Une jeune adolescente expérimente ce regard-là quand le garçon avec qui elle va se promener dérape, et son geste ravive chez elle l’attitude qu’a eu un copain de son père. Si j’avais publié ce livre aujourd’hui, je l’aurais vu comme un écho au #metoo. »

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Les thèmes abordés par vos auteurs évoluent donc réellement avec leur temps…

Norlande

« Les auteurs sont des éponges, ils s’abreuvent beaucoup du contexte dans lequel ils vivent. Il faut être en phase avec son temps, et malheureusement il y a assez de choses à dire en ce moment. Je pense par exemple à Norlande, de Jérôme Leroy (Rat Noir), un livre qui s’inspire du massacre commis par Anders Breivik, responsable des attentats en Norvège en 2011. L’auteur a imaginé une amitié entre une jeune fille française et une jeune fille norvégienne qui s’est faite complètement manipuler et qui est tombée amoureuse du tueur. Elle fait partie des victimes et écrit à son amie française depuis son lit d’hôpital. C’est un très beau livre, d’abord parce qu’il est porté par la langue de Jérôme Leroy, également nouvelliste et poète. Mais c’est aussi une histoire qui parle de la façon dont on se retrouve sous influence, et je pense qu’il est très important de montrer à des ados que n’importe qui peut être sous influence, y compris des adultes. C’est une manière d’aborder la problématique du pouvoir : la façon dont certaines personnes peuvent s’imposer à vous, entrer dans votre psyché pour faire de vous une marionnette.

mon ami arnie

Plus récemment, grâce à Benjamin Guérif, éditeur, mais également coauteur avec son frère Julien de quatre « Rat Noir », j’ai rencontré Jeremy Behm dont j’ai publié Mon ami Arnie (en Hors-Série) : l’histoire d’une bande de lycéens aux États-Unis dont l’un, Arnie, s’avère être le fils du tueur en série qui sévit en ville. J’ai suggéré le titre à l’auteur en référence au roman graphique Mon ami Dahmer (éditions çà et là), un récit du dessinateur américain Derf Backderf, qui s’est rendu compte que le fameux « cannibale de Milwaukee », le serial killer Dahmer de son vrai nom, était en fait un de ses anciens copains de lycée… Ce qui m’intéresse dans ces livres, c’est de souligner la “banalité du mal” telle que la définit Hannah Arendt, c’est-à-dire le questionnement sur ce qu’est un monstre : non pas quelqu’un qui viendrait de la planète Mars, mais quelqu’un qui a basculé du côté obscur… Or c’est justement cette morale personnelle qui permet de ne pas franchir la ligne. L’idée, c’est d’arriver quand même à ce que cette littérature puisse créer du débat, des questionnements.

Stabat-murder

Je pourrais également parler de Stabat Murder, un livre de Sylvie Allouche paru en mars (Prix des Ados 2018 au Festival Livres et Musiques), dont le thème n’est pas tant un sujet sociétal qu’un regard sur des jeunes totalement happés par leur passion (ici la musique, les quatre personnages sont des élèves du Conservatoire), sur les relations entre parents et ados, de l’acharnement qu’ont certains parents à vouloir projeter à tout prix leur propre frustration sur leurs enfants pour qu’ils réussissent.

Tibo Bérard (éditeur des collections Exprim et Pépix chez Sarbacane) a publié en début d’année dans Livres Hebdo une tribune pour dénoncer la tendance à qualifier de “primo-romanciers”, lors de la parution de leur premier roman “adulte”, des auteurs ayant déjà publié au secteur ado-adulte. Cela témoigne selon lui d’un certain mépris pour cette littérature. C’est quelque chose que vous percevez à l’égard de vos publications ?

« Oui, c’est certain, enfin ce sont surtout les auteurs qui ressentent parfois ce mépris. C’est le cas vis-à-vis de la littérature jeunesse et peut-être encore plus du polar jeunesse, qui est, comme on dit, “une niche” particulière. Mais les choses s’arrangent petit à petit. Au festival Quais du polar, il y a désormais un accord entre les libraires jeunesse et les libraires “de fiction adulte” pour que ces auteurs puissent avoir tous leurs livres côte à côte, à leur table de signature.

Cette façon dont la littérature jeunesse est ostracisée par rapport à la littérature adulte, je l’ai d’ailleurs expérimentée autrefois avec le polar. Lorsque j’ai soutenu ma thèse de doctorat sur Raymond Chandler et Dashiell Hammett en 1991, on m’a prévenue que je ne ferai pas carrière à l’université avec un tel sujet d’étude. Ça n’était pas encore à la mode. Les universitaires ne voulaient pas entendre parler de polar ; ils le qualifiaient encore de paralittérature ou de sous-littérature. Et je ne parle pas de l’époque lointaine où les rayons polar et jeunesse étaient cantonnés, ensemble, au sous-sol de certaines librairies. 

Heureusement, les choses ont beaucoup changé depuis : maintenant, tout le monde lit du polar. Un livre sur quatre vendu en France est un polar, le rapport au genre est désinhibé. Je pense aussi que les choses évoluent parce que la porosité entre les différents types de fiction est réelle. Et selon moi, elle ne se fait pas seulement du polar vers la littérature générale ; de tout temps, il y a eu des livres en littérature générale qui sont des romans noirs qui s’ignorent. Des exemples célèbres avec Paul Auster ou Jean Echenoz que l’on connaît, mais bien d’autres écrivent des romans noirs à leur insu. »

 

Vous êtes aussi traductrice… Pouvez-vous nous parler de votre actualité éditoriale ?

« En effet, je suis traductrice depuis une vingtaine d’années. Après avoir commencé par retraduire Hammett (sa correspondance pour Allia, ses romans, et plus récemment ses nouvelles non policières pour Gallimard), j’ai traduit d’autres auteurs comme le Britannique Daniel Cole et son roman Ragdoll, sorti l’an dernier, qui connaît un beau succès. Robert Laffont vient de publier fin mars L’Appât, le deuxième opus de cette trilogie, en même temps qu’est sortie la version poche de Ragdoll chez Pocket. C’est un excellent polar, qui mêle le police procedural, le roman noir et le thriller, avec ce qu’il faut de suspense pour ravir les amateurs du genre. Daniel Cole sait très bien construire ses intrigues, tous ses personnages secondaires sont travaillés, c’est très drôle, il y a beaucoup d’humour anglais. Il a traité surtout de l’éternel combat entre le bien et le mal. Voilà ce qui m’intéresse en fiction noire, la manière dont elle interroge le monde et, en interrogeant le monde, nous interroge nous-mêmes.

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Daniel Cole a en plus une histoire personnelle incroyable. À 32 ans, il était ambulancier à Bournemouth dans le Dorset et écrivait des scénarios que les sociétés de production lui refusaient systématiquement, jusqu’à ce qu’il transforme l’un de ses scénarios en roman – c’était Ragdoll – et l’envoie à une agence à Londres qui l’a accepté tout de suite. Les droits ont été vendus dans de nombreux pays, et en France, il a été repéré par Glenn Tavennec, directeur de la collection « La Bête Noire ». Les ventes ont suivi ! »

Aller + loin : Ragdoll de Daniel Cole : une sanglante poupée de chiffon

Les conseils de lecture de Natalie Beunat

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Un polar que vous recommanderiez à un ado ?

Construire un feu, de Jack London (Actes Sud junior) – à partir de 12 ans

« C’est une nouvelle qui m’a beaucoup impressionnée, un livre très court, qui se lit en moins d’une heure. Il ne s’adresse pas seulement aux ados, mais aussi à un public adulte ; il faut quand même une certaine maturité pour le lire. Construire un feu, c’est ce que j’ai lu de plus juste sur la vanité humaine. Ça se passe dans le Yukon, cette région du Grand Nord où Jack London a lui-même été chercheur d’or. On y suit un homme accompagné de son chien, qui repense aux recommandations des vieux trappeurs, compte tenu des températures extrêmement basses, notamment sur la façon de s’y prendre pour construire un feu. C’est vraiment somptueux et ça donne envie de lire parce qu’il y a plusieurs niveaux : le roman d’aventures, le suspense, la fable… Je défie quiconque n’aimant pas la lecture de ne pas devenir lecteur après avoir lu cette nouvelle ! »

L’Hôtel du retour, de Claude Gutman (folio junior) – de 11 à 15 ans

« Ce livre, le deuxième tome d’une trilogie publiée à l’époque dans la collection Page Noire de Gallimard, m’avait marquée avant que je ne commence Souris Noire. C’est l’histoire d’un ado qui habite à Montreuil et qui attend le retour de ses parents déportés. Après la Libération, les rescapés sont regroupés à l’hôtel Lutétia, où leurs familles tentent de les retrouver… Sur un sujet aussi rebattu que la Seconde Guerre mondiale, Claude Gutman a écrit un livre plein de vie, très gai, qui parle de choses graves mais avec cette énergie que l’on peut avoir quand on est ado. La scène de fin est incroyable, très cinématographique. »

Un polar pour les enfants ?

Le chat de Tigali, de Didier Daeninckx (Mini Syros Polar) – à partir de 8 ans

« C’est l’un des premiers polars qui parle de la guerre d’Algérie – sujet presque tabou à l’époque –, juste après les autres que Didier Daeninckx a écrit pour la Série Noire. Le chat de Tigali montre le côté à la fois honteux du racisme, c’est-à-dire que les gens avancent masqués, et en même temps sa bêtise crasse, puisqu’il ne repose sur rien. Dans l’histoire, c’est le chat la victime parce que le livre s’adresse aux enfants, mais ça aurait pu être n’importe qui. C’est l’archétype du polar sociétal bien fait, quasiment une fable philosophique. »

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Nouvellement paru dans la collection Souris Noire :

Deux roues de travers, de Jean-Christophe Tixier le 24 mai 2018

À paraître en « Hors-Série » pour adolescents :

Trans-Barcelona Express d’Hélène Couturier le 7 juin 2018

P.O.V. de Patrick Bard le 23 août 2018

Kaplan de Sébastien Gendron le 6 septembre 2018

Aller + loin : Le regard de l’éditeur : Claire Do Sêrro, directrice littéraire des éditions NiL

Article rédigé par
Anna
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