Passé les deux premiers épisodes de la saison 1, qui ont un peu de mal à décoller, ceux qui ont mis le nez dedans ne peuvent en général plus en décoller, tant cette évocation très libre du héros légendaire Ragnar Lodbrok est fascinante. Nous sommes à la fin du 8e siècle et les « normands », à l’étroit sur leurs terres ont besoin d’élargir les horizons de leurs rapines. Pour cela, Ragnar Lodbrok se fie à son instinct, son intelligence et à ce que les dieux lui ont prédit…
Cette série canado-irlandaise est le fruit de Michael Hirst (à qui nous devons les fameux Tudors), et de la chaine britannique History. Elle est diffusée en France sur Canal. Finies les intrigues de cour et les frasques d’Henri VIII, nous sommes dans la Scandinavie médiévale (plus exactement au Danemark), un royaume morcelé en territoires commandés par des seigneurs (les Jarl), sous le règne du roi Horick (Donal Logue). C’est un monde dur, violent et cruel de guerriers qui préfèrent mourir au combat que dans leur lit et qui de toute façon ne craignent pas la mort puisqu’ils n’ont peur de rien, ce que les lecteurs d’Astérix savent déjà (cf Astérix et les Normands !).
Le genre épique et nordique est désormais en vogue sur petits et grands écrans, popularisé par les deux trilogies de Peter Jackson et la série Games of Thrones. Mais dans les deux cas, nous sommes dans la Fantasy, où presque tout est permis. Dans le cas de Vikings, nous sommes en Europe et il s’agit plus ou moins de notre propre histoire, abondamment romancée et mythifiée.
Ragnar Lodbrok (Ragnar aux braies velues) a bel et bien existé et son histoire est notamment racontée dans la Gesta Danorum, la geste des Danois, écrite en latin dans les années 1200 par le poète et historien danois Saxo Grammaticus. Mélange de poèmes, de récits sur les mythes et les dieux nordiques, de biographies des rois et héros danois, c’est un livre fondateur pour la culture danoise, même si de nos jours, l’exactitude historique en est contestée. L’histoire contée dans la série s’éloigne elle aussi des sources, offrant une sorte de « condensé » de différents héros vikings, mélangeant un peu les faits, les époques et les dynasties, et donnant une interprétation assez personnelle du début des grandes invasions.
Ragnar Lodbrok est un guerrier/fermier, marié à Laguertha (Katheryn Winnick), une ancienne skjaldmö (guerrière) qui lui a jadis sauvé la vie. Il est, au début de la série, père de deux enfants. Outre ses activités sédentaires en hiver, il a l’habitude d’aller à la belle saison piller les contrées de l’est avec ses compagnons et son frère Rollo (Clive Standen) pour le bénéfice de son jarl, Haraldson (Gabriel Byrne). Mais Ragnar est futé et ambitieux. D’après les prédictions de son devin, il serait le fils d’Odin et promis à un destin exceptionnel. Avec l’aide de son ami le constructeur de bateaux Flocki (le génial Gustaf Stargård) et d’une boussole rudimentaire, Ragnar décide contre la volonté de son Jarl, d’aller à l’ouest, en Angelterre, destination jusqu’ici inexplorée, pour se saisir de nouvelles richesses. Son ascension, son aventures (et ses ennuis) commencent.
En fait les hommes du nord n’étaient pas tout à fait, comme le prétend la série, cette peuplade isolée du reste de l’Europe avec qui ils étaient depuis longtemps en relations commerciales. Il est communément acquis que les invasions normandes furent plutôt la conséquence de la politique de conversion forcée initiée par Charlemagne qui voulait anéantir le paganisme en exerçant par le fer et le feu un terrible pouvoir de persuasion. Un désir de représailles plus qu’un besoin d’acquérir des richesses expliquerait la haine des Vikings pour tout ce qui touchait à la chrétienté (sentiment très présent dans la série) et le fait qu’ils s’attaquaient surtout aux lieux saints, aux couvents et aux abbayes, comme on le voit d’ailleurs dans Vikings.
Le vrai Ragnar Lodbrok a effectivement mené des raids en Angleterre et en France. Il est connu pour avoir remonté la Seine depuis son embouchure pour faire le siège de Paris en 845, pillant les différentes abbayes sur son passage. Mais à la fin de la saison 2, nous n’en sommes pas encore là…
L’exactitude historique est certes quelque peu bousculée, la reconstitution des villages, costumes et coutumes normands est sans doute arrangée selon l’esthétique de la série. Mais l’ambition de Michael Hirst n’a jamais été de faire une véritable reconstitution. Vikings est un divertissement. Nous suivons le destin d’un homme, de sa rivalité avec son frère Rollo, de ses amours, de ses déméles avec les seigneurs normands et anglais (comme le roi Ecbert interprété par Linus Roache), de son amitié avec le moine qu’il a capturé lors de son premier raid, Athelstan (George Blagden), partagé entre sa fidélité à la foi chrétienne, sa fascination pour la culture viking et son instinct de conservation. Si les personnages masculins sont hauts en couleurs voire effrayants, les femmes tiennent leur place dans cet univers pourtant très viril. D’une manière générale, elles ont du caractère et beaucoup combattent aux côtés des hommes. Trois d’entre elles ont un rôle déterminant dans la série : Lagertha bien sûr, vaillante guerrière au caractère bien trempé, l’ambitieuse et intriganteSiggy (Jessalyn Gilsig), épouse du Jarl Haraldson, la seconde épouse de Ragnar, la princesse Aslaug (Alyssa Sutherland), qui sait mener sa barque.
Pour apprécier la série il ne faut évidemment pas avoir peur des scènes violentes, des effusions de sang, des mutilations en tous genres, des sacrifices humains et des immondes prêtres et devins intermédiaires entre les hommes et les dieux, dans cet univers baignant dans la magie. La seule petite réserve serait pour le traitement des langues : quand les vikings sont en présence d’étrangers (en l’occurence des anglais ou des suédois), ils parlent tout à coup dans ce qui est sensé être du danois ancien, sous titré bien sûr, marquant ainsi la différence. Cela surprend au début, mais on s’habitue et on passe vite sur ce détail. Les paysages sont magnifiques, l’atmosphère souvent mystérieuse et inquiétante à souhait, avec parfois de l’humour là où on ne s’y attend pas. L’australien Travis Flimmel, qui en a affolé plus d’un(e) quand il posait pour Calvin Klein, se révèle un acteur plein de talent, très investi dans son personnage et doué d’un grand magnétisme (son regard perçant n’y est pas pour rien !). Le reste du casting est également très pertinent et de grande qualité. Et nous autres petits français attendons avec impatience de voir comment (dans la saison 3 parait-il), Ragnar Lodbrok va arriver à l’embouchure de la Seine…
En attendant la diffusion de la saison 3, délectons-nous des deux premières saisons et profitons-en pour faire quelques révisions devant la profusion de personnages et de rebondissements, car le moins que l’on puisse dire c’est que chez les Vikings, on ne s’ennuie pas !…
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