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Le contre-ténor Franco Fagioli incarne le castrat Caffarelli

06 août 2013
Par Frédérique
Le contre-ténor Franco Fagioli incarne le castrat Caffarelli
©dr

Franco Fagioli, le contre-ténor argentin, révélé en France par l’opéra Artasere de Leonardo Vinci va faire une rentrée fracassante avec un récital d’airs d’opéras napolitains du 18e siècle créés par le légendaire castrat Caffarelli. Des airs d’une grande difficulté technique que le chanteur surmonte avec une insolente facilité. Des trésors oubliés reprennent vie, bravoure, poésie, sensualité… une nouvelle star du baroque est née…

artaserse-jaroussky et fagioliVoici une rentrée sous le signe des voix de castrats (oui j’ai bien écrit castrat et pas contre-ténor !). En effet, deux éminents interprètes, l’argentin Franco Fagioli et le français Philippe Jaroussky, sortent le même jour chez leur éditeur respectif, un récital consacré au répertoire d’un castrat célèbre. Coïncidence ou connivence (les deux compères se connaissent), ils ont choisi deux élèves de Nicola Porpora, ayant chanté ensemble et que leurs contemporains ont souvent mis en concurrence : pour Fagioli, Caffarelli et pour Jaroussky, Farinelli.

N’ayant pas encore eu l’occassion d’écouter le récital de Philippe Jaroussky, je réserve pour l’instant toute comparaison. Mais les Arias for Caffarelli me trottent avec bonheur dans la tête depuis plusieurs semaines. Les lecteurs assidus de ces modestes pages connaissent sans doute Franco Fagioli, ce contre-ténor argentin à peine trentenaire au timbre de voix si troublant et dont j’ai déjà chroniqué deux enregistrements (Canzone e cantate chez Carus et Artaserse chez Emi). Si Franco Fagioli a tant surpris dans la production d’Artaserse de Leonardo Vinci créé à Nancy en 2012, c’est tout d’abord qu’il était encore peu connu du public français et surtout que ses grandes possibilités vocales lui ont donné le privilège d’incarner un des rôles les plus périlleux de l’opéra, Albace chanté en son temps par le castrat Carestini. Franco Fagioli possède ce que certains contre-ténors ont du mal à acquérir : des graves. Cela lui donne une tessiture très ample (trois octaves) mais c’est aussi un musicien accompli et un très bon comédien. Ajoutez à cela un timbre de voix chaud et sensuel (l’opposé d’une voix angélique en quelque sorte) et vous êtes en présence d’un des talents les plus prometteurs du monde de l’opéra baroque que l’on a d’ailleurs pu entendre dans d’autres répertoires pour castrat comme du Mozart et du Rossini. Sa rentrée discographique est bien remplie puisqu’il chante également dans le Stabat Mater d’Agostino Steffani aux côtés de Cecilia Bartoli et de Diego Fasolis (sortie le 2 septembre chez Decca).

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Photo © Julian Laidig – Parnassus Art Production

Ce récital consacré à Caffarelli nous permet de découvrir des opéras totalement inédits et des compositeurs peu connus : si Pergolèse, Hasse, Vinci, Leo et Porpora sont en partie sortis de l’oubli, Manna, Sarro et Cafaro ne nous sont pas vraiment familiers. Grâce au livret très bien documenté et illustré, nous faisons la connaissance de ce Caffarelli, élève du compositeur Nicola Porpora qui forma un grand nombre de chanteurs (dont Farinelli) au conservatoire San’Onofrio à Naples. Si l’on en croit les témoignages, Caffarelli n’était pas vraiment un personnage sympathique (vaniteux et capricieux), ce qui n’a pas toujours facilité ses relations avec ses partenaires (chanteurs, librettistes, compositeurs). Mais il faisait quasiment l’unanimité en tant que chanteur, brillant aussi bien dans les airs de bravoure que dans les arias plus poétiques. Même son maître Porpora d’un naturel peu enclin aux flatteries, l’aurait qualifié de « meilleur chanteur d’Europe« , autant dire à l’époque … du monde !

Franco Fagioli possède indéniablement les qualités vocales lui permettant d’aborder le répertoire de Caffarelli : tessiture comparable, agilité technique, musicalité. Si le récital commence par un impressionnant air de virtuosité extrait du Siroe de Hasse, tout en roulades, trilles et vocalises (on croirait presque entendre Cecilia Bartoli et c’est bien sûr un compliment), Fagioli fait vite la preuve de la diversité de son talent avec l’air suivant, tiré du même opéra, tout en délicatesse et en poésie. Le premier air met en valeur ses graves veloutés et sa virtuosité, alors que ses aigus clairs et timbrés, sa belle ligne vocale, sa musicalité font merveille dans le second. Le récital se poursuit dans cette même alternance d’humeurs et de couleurs dans lesquelles excellent le chanteur comme les instrumentistes de l’ensemble Il Pomo d’Oro dirigé par Riccardo Minasi (notamment un pupitre de vents flamboyant). Une mention particulière pour le très bel air Rendimi piu sereno, extrait de L’Impermestra d’un certain Cafaro (plage 8). Un aria de onze minutes dans lequel le temps est suspendu, un dialogue entre la voix et un hautbois solo qui n’est pas sans évoquer certaines cantates de Jean Sebastien Bach (comme la BWV 202), un ravissement…

franco fagioli

L’album entier est d’ailleurs un véritable ravissement. J’en attendais beaucoup et je ne suis vraiment pas déçue. Alors patience jusqu’au 9 septembre, cela en vaut la peine :  voici le récital de la rentrée que tout amateur d’opéra baroque et de beau chant se devra d’avoir ! 

Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Franco Fagioli se produit en France à la rentrée !

Retrouvez ici toutes les dates de Franco Fagioli. 

 

Article rédigé par
Frédérique
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