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L’ultime voyage de Cizia Zykë

19 décembre 2011
Par Samuel
L'ultime voyage de Cizia Zykë
©DR

Visionnaire, Cizia Zykë présentait son dernier récit comme un « texte d’au revoir après 22 ans d’aventure éditoriale ». Fatigué par les milles vies qu’il a flambées aux quatre coins du monde, son coeur a fini par lâcher.

Tous ceux qui ont pu ressentir une réelle fascination pour l’Aventure, tous ceux qui ont entendu l’appel du large, qu’ils y aient cédé ou non, ont lu Zykë. Il a vécu mille vies et les a partagées avec ses lecteurs, il a tant vécu que son coeur a fini par lâcher, le 27 septembre 2011.

Certains de ses livres sont devenus introuvables. Bonne nouvelle, l’intégralité de sa biographie est en cours de réédition numérique, au rythme d’un livre par semaine !

Cet auteur est célèbre avant tout pour avoir raconté ses propres pérégrinations, dans une trilogie (Oro, Sahara, Parodie) qui est devenue la référence absolue du genre. Lors de son passage dans Apostrophes, la fascination de Bernard Pivot pour cet aventurier des Temps Modernes est palpable. Une des séquences de cette émission est restée célèbre, lorsque Pivot cède au voyeurisme en lui demandant s’il a déjà tué un homme, le cowboy du XXe siècle lui répond sobrement « ce n’est pas une question que l’on pose à un homme »

Car c’est là un des intérêts de la trilogie de Zykë, même quand le rocambolesque le dispute à l’incroyable, on n’a jamais l’impression que l’auteur en rajoute, au contraire, on se demande parfois s’il ne cache pas ce qu’il a pu commettre de plus répréhensible. Si son autobiographie est loin d’être aseptisée, ses romans n’ont eux pas de limites. Ils mettent en scène des personnages hallucinants, enfants psychopathes (Alixe, Blasphèmes, La révolte d’Amadeus Jones), toxicomanes (Amsterdam zombie), criminels albanais (Au nom du père, Les Aigles) aventuriers (Tuan Charlie, plus Zykë que Zykë lui-même auquel l’auteur a d’ailleurs donné son vrai prénom)…

En préambule à un de ses bouquins, dans la version livre lu, Cizia Zykë résume son œuvre en quelques mots :

« Je n’ai jamais écrit que sur la folie, la paranoïa, la mégalomanie, la psychose, la persécution et le délire. La démence et la liberté sont proches. Ma quête de liberté absolue est une forme de folie. Bienvenue, je vous emmène en voyage au cœur de la déraison. »

Afin que cette synthèse soit parfaite, il convient d’ajouter que l’auteur n’est pas dénué d’humour. Humour cynique, certes. Ainsi dans Sahara, de passage dans un bordel en Andalousie, il conseille à ses compagnons, une fille qu’il sait infectée par diverses MST. Mais Cizia n’est pas seulement cynique et facétieux, il est aussi nihiliste. Il a ses propres règles, sa propre morale, ses aventures l’ont parfois amené à en explorer les frontières. Au Canada, il pénètre peu à peu le monde du jeu, puis se frotte à la récupération de dettes, il singe les gangsters, ce qui donne le titre du livre qui relate cette étape de sa vie : Parodie. Alors qu’il se retrouve à terroriser ou violenter quelques débiteurs, se sentant glisser dans le banditisme, il met un terme à l’aventure.

Ce sont là des qualités essentielles de son œuvre. Il ne s’y présente pas comme un héros, invincible, évoluant dans un monde merveilleux. Dans Oro and Co, il rencontre une femme dans la jungle qu’il tentera par la suite d’honorer (projet avorté par une descente de Police) « face à la fenêtre, avec vue sur le tas d’ordures ». Alors que les filles sont plantureuses et sulfureuses dans les romans de Gérard de Villiers (auquel Zykë vouait une haine féroce) ici elle est décrite ainsi par l’auteur :

« Elle a un physique surprenant. Elle est toute petite mais extrêmement large, avec des épaules d’haltérophile et des cuisses de footballeur. De visage, elle est le sosie de Mike Tyson, le boxeur, en réduction. Moi je la trouve appétissante dans la lueur romantique des bougies. »

Interdit dans plusieurs pays suite à diverses activités illégales, Cizia Zykë a aussi connu la prison et la Légion étrangère (dont il a été viré). Oro relate son expérience de chercheur d’or, une aventure difficile dans laquelle il s’était engagé suite à la perte de son fils, pour se vider la tête. Avec son dernier livre, Oro and Co, l’auteur boucle la boucle, il se rend en Guyane, avec des projets plus ou moins vagues, raconter la vie des Garimpeiros, bâtir un casino. Il y rencontre des lecteurs dont certains à l’image de beaucoup de ses fans, veulent partager ses aventures. Il termine son ultime bouquin en se moquant affectueusement de l’un d’entre eux, qui rentre en France après avoir été confronté aux dures réalités de la jungle :

« Il a chopé un nouveau truc bizarre. Une sorte d’hématome sur le front.

J’ai jamais vu ça.

Une boule rouge qui lui déforme la moitié du visage.

Ce héros a même poussé la conscience professionnelle jusqu’à se foutre la main dans le ventilateur, à l’hôtel, à Maripasoula.

Chacun de ses doigts est entouré d’un morceau de sparadrap.

– Si tu me faisais un petit palu à Paris, ce serait parfait.

Il rigole.

– Zobi la mouche ! C’est pour le compte de la littérature française, c’est ça ?

On se serre la pogne.

– Cizia, dans ton bouquin, dis leur que j’encule la jungle ! »

Dans l’épilogue, Cizia Zykë conclut son œuvre par les mots suivants :

« NI DIEUX

NI LOIS

SEULE LA LIBERTE… »

Ciao Cizia !

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Article rédigé par
Samuel
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