En cette fin d’année, Zaza, la grande héroïne de La cage aux folles, monte à Paris et pose ses valises au Théâtre du Châtelet. Pour l’occasion, son directeur Olivier Py a transformé la salle en un immense cabaret festif et politique. Rencontre !
Après le succès mérité des Misérables, mis en scène par Ladislas Chollat, Olivier Py, directeur du Châtelet, n’avait qu’une idée en tête : faire inscrire la comédie musicale La cage aux folles au répertoire de l’institution – et en français, s’il vous plaît. Le metteur en scène s’est donc lui-même chargé de traduire à nouveau le texte de la version musicale, inaugurée à Broadway en 1983, portée par le titre culte I Am What I Am et inspirée de la mythique pièce de Jean Poiret, créée au Théâtre du Palais-Royal en 1973.
Réserver ses places pour la comédie musicale La cage aux folle
Pourquoi aviez-vous tant envie de monter la comédie musicale La cage aux folles ?
Olivier Py : Quand j’ai pris la direction du Châtelet, en 2023, j’avais deux impératifs : monter Les misérables et La cage aux folles. Ladislas Chollat s’est chargé de la première, moi de la seconde. Inscrire cette partition au répertoire du Châtelet me semblait une évidence. Je considère que c’est l’une des meilleures comédies musicales de la seconde moitié du XXᵉ siècle. La musique de Jerry Herman est sublime et le spectacle est parfaitement équilibré, alternant moments d’émotion et éclats de rire incroyables. Il y a de la danse, des claquettes, du chant évidemment, mais aussi un chœur. C’est une comédie musicale dans le pur style de Broadway, même si le sujet était à l’époque un peu décalé. Jerry Herman, auteur d’Hello, Dolly!, a voulu créer, sur la forme, une comédie musicale à l’ancienne, et, sur le fond, une œuvre contemporaine, très en avance sur son temps.

Quel regard portez-vous sur la pièce de Jean Poiret, mise en scène par Pierre Mondy et avec Michel Serrault ?
O. P. : La pièce de Jean Poiret de 1973 était chargée de stéréotypes et n’avait rien de politique. Mais le génie de Michel Serrault permettait de mieux les digérer. Pour être honnête, je ne l’aurais jamais montée. Dans la comédie musicale, les personnages sont beaucoup plus profonds, plus fouillés, plus complexes, et donc beaucoup plus intéressants. La version de Jerry Herman et Harvey Fierstein s’inscrit dans la période de l’arrivée du sida, un moment charnière dans la prise de conscience des droits LGBT. La comédie musicale porte le mouvement des droits LGBT, des droits à la différence et de l’homoparentalité. Elle est très forte sur le plan politique. La cage aux folles réussit à aborder tous ces sujets dans un spectacle qui déborde de joie et de paillettes, ce qui en fait un chef-d’œuvre !
Le succès de Drag Race France vous a-t-il amené à penser que c’était le moment opportun pour vous lancer dans ce projet ?
O. P. : Nous vivons une époque paradoxale. D’un côté, le succès de Drag Race et l’amélioration des droits LGBT, qui n’existaient pas quand j’avais 25 ans. De l’autre, la montée de l’extrême droite partout dans le monde, dont l’argument anti-LGBT est central. Il ne faut pas s’imaginer que les droits que nous avons obtenus sont acquis ad vitam æternam. Le combat continue. Il n’y a pas si longtemps, nous pouvions entendre les discours de « La manif pour tous », et aujourd’hui, certains de ses membres sont au gouvernement. Le dossier n’est pas clos.

Pour porter au mieux ce combat, vous avez confié le rôle de Zaza à Laurent Laffite.
O. P. : Nous en avions parlé quand j’ai réalisé le film Le Molière imaginaire (2024), dans lequel il tient le rôle principal. Il m’a alors confié que jouer dans une comédie musicale était son rêve. Logiquement, quand le projet de monter La cage aux folles s’est concrétisé, j’ai pensé à lui. Pour lui, c’était providentiel. Les étoiles se sont alignées. Mais il prend des risques. Le rôle n’est pas simple. En plus, il chante et il danse en talon, pendant 2h30. Physiquement, c’est très fatigant.
Dans toutes les versions, l’action se déroule à Saint-Tropez, dans le fameux cabaret La cage aux folles, qui n’a jamais existé. De quels cabarets vous êtes-vous donc inspiré pour les décors ?
O. P. : Des grands cabarets parisiens. À l’époque de la pièce de théâtre, dans les années 1970, il y avait beaucoup de grands cabarets travestis à Paris : Michou, Madame Arthur, mais aussi l’Alcazar, La Grande Eugène. Je leur rends ici hommage. Dans la pièce, on ne voit jamais le cabaret lui-même. On voit essentiellement les personnages chez eux. La force de la comédie musicale réside dans ses grands numéros de cabaret. Nous avons alors imaginé un décor qui en dévoile toutes les facettes : le grand escalier, les coulisses, la sortie des artistes et les loges.