Disponibles depuis quelques jours, les nouveaux écouteurs d’Apple offrent de la traduction en temps réel… mais pas en Europe.
C’était l’un des temps forts de la keynote qu’Apple a tenue début septembre et, pourtant, les petites lignes en bas du contrat viennent doucher nos espoirs. En plus de diverses améliorations acoustiques, les AirPods Pro de troisième génération sont également capables de produire des traductions en temps réel dans plusieurs langues – notamment le français. Problème : Apple ne propose pas l’option dans l’Hexagone, accusant l’Europe de brider l’innovation.
Pourquoi Live Translate n’est-elle pas disponible en France ?
Les retours étasuniens sur la fonctionnalité Live Translate sont très encourageants, et la simplicité d’usage est appréciée par les premiers acquéreurs de ces écouteurs haut de gamme. Il suffit de presser simultanément les deux tiges des AirPods Pro pour entamer la traduction : dès que votre interlocuteur parle, vous entendez une traduction dans votre langue, directement dans vos oreilles. Un petit goût de science-fiction… qui le restera pour le moment en Europe.
Effectivement, la page de support de la fonctionnalité d’Apple indique très clairement que « la traduction en direct avec les AirPods n’est pas disponible pour les résidents de l’UE dont l’appareil se trouve dans l’UE et dont le pays ou la région du compte Apple est également dans l’UE ». Un blocage en règle, assumé par la marque américaine, qui n’accepte pas les barrières dressées par la Commission européenne avec à la fois le RGPD, mais aussi le Digital Markets Act instauré l’an dernier (et qui a déjà forcé Apple à ouvrir son App Store à la concurrence) ou le récent AI Act qui encadre strictement l’utilisation de fonctions d’intelligence artificielle sur le territoire.
Plus précisément, le Digital Markets Act n’autorise pas Apple à lancer une fonctionnalité utilisant des permissions que la marque n’accorde pas à des écouteurs tiers. En l’occurrence, Live Translate nécessite que le microphone de l’iPhone et celui des écouteurs puissent travailler de concert. Pour Apple, accorder ce privilège à des marques concurrentes représente un risque de sécurité et de confidentialité pour les utilisateurs et utilisatrices. « Ils veulent retirer la magie d’avoir une expérience très intégrée, comme Apple en propose, et nous faire ressembler à tous les autres [fabricants] », aurait déclaré le vice-président d’Apple, Greg Joswiak.
Une nouvelle croisade contre l’Europe
Ce n’est pas la première fois qu’Apple freine des quatre fers et joue à la fois la montre et la prudence dans sa croisade contre les régulateurs européens. C’est d’ailleurs une posture très actuelle, dans un contexte de forte opposition entre un gouvernement américain qui souhaite ouvrir toutes les vannes pour un développement éclair (de l’IA, notamment), et une Europe protectrice qui passe pour zélée aux yeux des entreprises d’outre-Atlantique.
Pourtant, le bras de fer entre Apple et l’Europe a déjà apporté des changements très bénéfiques pour l’ensemble des consommateurs. Si les derniers iPhone sont pourvus d’une connectique USB-C et non plus Lightning, c’est grâce à la ténacité de la Commission européenne. Même chose pour la prise en charge du protocole RCS : désormais, les possesseurs d’un iPhone peuvent discuter de façon beaucoup plus sécurisée avec les personnes utilisant un smartphone Android. Une victoire obtenue de haute lutte par l’Europe, mais qui profite à tous.
Mais, d’un autre côté, on peut comprendre l’agacement d’une part de la population qui, de fait, n’a pas accès à l’intégralité des fonctionnalités d’un produit. Il y a Live Translate, mais également l’application de recopie de l’iPhone sur Mac, jamais sortie en France. Les régulations sont également ce qui a occasionné un report de plusieurs mois d’Apple Intelligence l’année dernière. Gageons que les parties prenantes finiront par trouver un accord qui soit à la fois protecteur des utilisateurs et suffisamment ouvert pour que les marques puissent innover.