On est tous passé par là. La nouvelle référence du jeu d’horreur est sur le point de sortir, mais on se demande si on va trouver en nous la dose de sang-froid nécessaire pour aller jusqu’au bout… Alors voici quelques conseils pour bien se préparer psychologiquement avant la sortie de Silent Hill f.
Dans les jeux vidéo comme dans la vie, nous ne sommes pas tous égaux face à la peur. C’est encore plus vrai maintenant que la technologie garantit un réalisme saisissant et des frissons décuplés dans les titres horrifiques. Le média vidéoludique s’est intéressé très tôt à l’exploration des mécaniques de la terreur, en dépit des limitations techniques des supports antérieurs aux années 2000.
De l’ancêtre Alone in the Dark aux premiers volets de la saga Resident Evil, les angles de caméra fixes se sont rapidement imposés comme la signature emblématique du survival horror. Ils transformaient alors un handicap (la progression écran par écran) en un atout clé : réussir à effrayer le joueur grâce au hors-champ. Qu’y a-t-il de plus stressant que de ne pas savoir ce qui se trouve au-delà des limites de son écran, alors qu’un monstre est peut-être sur le point de nous sauter à la gorge ?
Identifier la limite de sa zone de confort
En comprenant qu’il vaut mieux réduire au strict minimum l’arsenal des joueurs pour accroître leur vulnérabilité, les studios de développement ont trouvé un moyen habile de faire trembler même les habitués. Traverser un simple couloir entièrement vide peut ainsi prendre un temps infini pour celui qui s’imagine le pire à chaque pas.
Avancer devient alors une véritable épreuve qui demande bien plus de sang-froid que de regarder passivement un film d’horreur. Ici, chaque menace implique une réaction immédiate de la part du joueur qui sait qu’il peut mourir à tout instant. Réaction qui peut vite se transformer en un violent lâcher de manette si la personne n’est pas familiarisée avec le genre et se laisse gagner par la panique.

Tout le monde a forcément en mémoire le moment où un jeu l’a poussé trop loin de sa zone de confort, au point de décider de ne plus jamais s’infliger ça. Même les responsables de Capcom ont reconnu qu’ils avaient sans doute exagéré dans Resident Evil 7 en misant sur des sensations cauchemardesques décuplées par la vue subjective imposée. Il arrive un moment où, si jouer devient une souffrance telle qu’elle donne le sentiment de se forcer à avancer au lieu de s’amuser, personne n’en ressort gagnant.
Le but étant d’inviter un maximum de personnes à découvrir les progrès réalisés par les jeux vidéo au cours de ces dernières années, mieux vaut placer le curseur horrifique un peu moins loin. L’objectif est de provoquer une sensation de peur qui ne risque pas de provoquer le rejet des utilisateurs en dépassant le point de non-retour.
Apprivoiser “l’inquiétante étrangeté”
On imagine mal comment le projet avorté P.T. (imaginé par Hideo Kojima et Guillermo del Toro) aurait pu ne pas traumatiser définitivement les joueurs s’il avait donné lieu à un jeu complet, alors que sa courte démo hante encore nos esprits.
Mais alors, que faire pour surmonter sa peur lorsqu’on rêve de vivre l’expérience offerte par les jeux de survival horror nouvelle génération ? La première chose est de commencer par analyser les codes utilisés de manière récurrente pour tétaniser les joueurs. Le plus souvent, l’exploration d’un environnement tout à fait ordinaire devient une véritable invitation vers l’enfer dès lors qu’une simple porte se met à grincer ou se referme brutalement derrière nous.

Dans Silent Hill 2, les portes entrouvertes cachent presque toujours des monstruosités tapies dans l’ombre qu’il vaut souvent mieux contourner, tant les munitions sont limitées. Si le jeu se révèle aussi efficace, c’est parce qu’il mise sur une altération de la réalité qui peut nous entraîner à tout moment dans une version cauchemardesque des lieux. Les murs, le sol et les meubles sont noirs de crasse ou dégoulinent de sang.

Le remake d’Alone in the Dark emploie ce gimmick de manière encore plus fréquente, mais dans un style plus lovecraftien, ce qui ajoute à l’imprévisibilité de ces phénomènes sur lesquels le joueur n’a aucune prise. Il faut donc réussir à transformer la tétanie qui nous empêche d’aller de l’avant en une certaine forme de curiosité.
Transformer la tétanie en curiosité
« Qu’est-ce qui peut bien se cacher dans le noir ? » C’est cette envie de savoir si nos appréhensions sont justifiées qui peut nous permettre de surmonter nos angoisses, à condition de parvenir à nous détacher du caractère immersif et réaliste dont font preuve les jeux d’aujourd’hui.

Après tout, chacun est libre de choisir quel degré d’immersion il accepte de supporter dans un jeu d’horreur. Quitte à atténuer grandement la peur ressentie, on peut très bien s’amuser à tourner en dérision les abominations qui devraient nous glacer le sang en décidant qu’elles sont finalement plus grotesques que hideuses. C’est parfois le meilleur moyen de trouver la force d’avancer quand une œuvre se révèle trop oppressante.

Silent Hill 2 mise largement sur une approche dérangeante et une folie malsaine qui provoquent l’effroi au moindre grésillement de la radio. En théorie, ces bruits ne sont que des crépitements sonores qui nous signalent la présence d’ennemis alentour, mais ils peuvent aussi être interprétés comme les râles de ces créatures difformes que l’on ne voit pas. Pas encore.

Pourtant, une fois que l’on a compris que cette friture radio est notre meilleure alliée (puisqu’elle nous avertit avant que va potentiellement être victime de ces choses), la peur commence à s’effriter.
Se fier à ses cinq sens
Dans Hellblade: Senua’s Sacrifice aussi, les sons jouent un rôle crucial. Ce titre et sa suite abordent la question des troubles schizophrènes et mentaux en se basant sur de vrais témoignages. Dans la peau de l’héroïne, on entend des voix qui nous hantent autant qu’elles nous guident. Et c’est uniquement grâce à elles que l’on peut anticiper les coups portés dans notre dos, toujours en hors-champ. Se fier à ses sens est donc un bon moyen de garder prise sur le réel.

D’une manière générale, bien que la vulnérabilité d’un personnage nous pousse à fuir les combats, mieux vaut éliminer méthodiquement tout ce qui traîne dans les couloirs plutôt que de s’attendre au pire chaque fois qu’on s’éloigne d’une zone de sauvegarde.
Adopter une routine rassurante
Le remake de Silent Hill 2 nous incite justement à viser les jambes des créatures pour les achever ensuite violemment sans dilapider nos précieuses munitions. Et le plaisir de pouvoir s’acharner sur ces pauvres monstres, telles des araignées que l’on écrase avec un peu trop d’acharnement de peur de les voir s’agiter à nouveau, devient une soupape indispensable pour évacuer l’angoisse que l’on a pu éprouver l’instant d’avant.

Même s’il n’y a pas forcément de récompense quand on élimine ces ennemis, le simple fait de savoir qu’ils ne sont plus là nous rassure. Car on ne peut accepter de sortir de notre zone de confort que si cela se révèle suffisamment gratifiant et motivant pour mériter qu’on prenne sur soi. Il faut pouvoir faire en sorte que l’exploration hasardeuse de lieux sinistres devienne une fuite en avant méthodique et maîtrisée.

Cela n’est possible qu’en s’imposant une routine sécurisante : sorties courtes, retours fréquents à la sauvegarde, élimination systématique de toute menace et vérification de points de repère matérialisés de façon précise sur la carte. Savoir très exactement où l’on va permet de se fixer un objectif simple pour ne pas être obnubilé par la crainte de ce que l’on risque de trouver en chemin.
Sang-froid et autosuggestion
Bon nombre de titres horrifiques trouvent une partie de leur potentiel angoissant dans le pouvoir de la suggestion. La peur devient glaçante dès que l’on se persuade que ce qui nous terrifie le plus est là, juste derrière nous. Le manoir du premier Resident Evil abrite un sous-sol dans lequel une créature immonde rôde dans le noir à notre insu. Lorsqu’on s’approche de l’endroit où elle a pris l’habitude de dormir, un texte s’affiche : « Le lit est encore chaud »… et le joueur sait très exactement ce que ça signifie. Peut-être qu’un être difforme le surveille déjà dans un recoin de cette cave.

La série des Project Zero est un bon entraînement pour apprendre à ne pas céder trop vite à la panique. Elle possède d’ailleurs un point commun très intéressant avec le prochain Silent Hill f : les protagonistes sont des écolières japonaises qui semblent physiquement démunies. Pourtant, il existe toujours une solution pour écarter le danger.

Dans Project Zero, il suffit de dégainer un mystérieux appareil photo pour repousser les fantômes qui nous agressent. Mais viser requiert une bonne dose de sang-froid si l’on ne veut pas gâcher la pellicule. D’autant qu’il n’est pas question de mettre le jeu en pause pour souffler, puisque des screamers et autres jump scares bruyants peuvent surgir à tout moment depuis l’écran du menu secondaire. Preuve que le meilleur conseil à suivre est encore de ne jamais relâcher sa vigilance.