Décryptage

Le passeport numérique des produits débarque en avance en France

03 août 2025
Par Alexandra Bellamy
La cave à vin Arianee.
La cave à vin Arianee. ©Arianee

À partir de 2027, en vertu de la réglementation européenne, de nombreux produits disposeront d’un passeport numérique. Matérialisé sous la forme d’un QR code, il contiendra les informations concernant les principales étapes de vie d’un équipement, assurant sa traçabilité. Il commence déjà à se déployer en France.

Le projet de passeport numérique émane du règlement sur l’écoconception des produits durables (ESPR, Ecodesign for Sustainable Products Regulation) adopté par la Commission européenne. Cet outil doit commencer à se déployer progressivement à partir de 2027. Pour les entreprises, il y a là un véritable challenge sur le plan technologique et organisationnel. Mais une fois déployé, il a vocation à être utile à toutes les personnes qui auront le produit entre les mains tout au long de sa vie : fabricant, distributeur, installateur, consommateur, réparateur, reconditionneur, entreprise chargée du recyclage… L’objectif : la traçabilité à toutes les étapes. De nombreux équipements devraient être concernés, dont les appareils électroniques et les batteries, ainsi que ceux de l’univers de la construction et du textile.

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Le passeport numérique : qu’est-ce que c’est ? 

Le passeport numérique se matérialise sous la forme d’un QR code donnant accès à des données hébergées dans la blockchain. Il s’agit d’une sorte de carte d’identité ou de « carnet de santé » numérique de l’appareil dont l’objectif est de répertorier toutes les informations le concernant, depuis sa conception (notamment les matériaux et leur provenance) jusqu’à la fin de sa vie. À chaque grande étape du cycle de vie, des ajouts sont faits par les intervenants qui « écrivent » sur le passeport. C’est le cas lorsque l’appareil est assemblé, puis quand il quitte l’usine, lorsqu’il arrive chez le distributeur, quand il est acheté par un consommateur, éventuellement s’il y est installé. Pendant la phase d’usage, en cas de panne, le type de panne et la réparation effectuée sont aussi inscrits sur le DPP (Digital Product Passport), et ainsi de suite jusqu’au recyclage de l’équipement.

« Ce passeport conservera les informations pertinentes pour soutenir la durabilité des produits, promouvoir leur circularité et renforcer la conformité réglementaire » peut-on lire sur le site de la Commission européenne, qui indique qu’il permettra « aux consommateurs, aux fabricants et aux autorités de prendre des décisions plus éclairées en matière de durabilité, de circularité et de conformité réglementaire ». Le contenu du passeport n’est pas encore clairement défini et est d’ailleurs susceptible d’évoluer. La Commission européenne parle d’y inclure les performances techniques du produit, les matériaux et leur origine, les réparations, les capacités de recyclage, les impacts environnementaux pendant le cycle de vie…

Exemples des possibilités offertes par le passeport numérique.
Exemples des possibilités offertes par le passeport numérique.©Arianee

Pour qui, pour quoi ?

Finalement, le passeport fait de chaque produit un appareil unique, traçable individuellement. Dans une certaine mesure, il entérine également les engagements du fabricant en matière d’écoconception. Le passeport inclura en effet « des informations sur le produit, y compris les principales caractéristiques du produit, telles que son empreinte carbone et environnementale », toujours d’après la Commission européenne. Toutes les allégations environnementales – comme le pourcentage de matière recyclée, la quantité de matières recyclables, une éventuelle garantie allongée sur certains composants (à l’instar d’un moteur garanti dix ans), un engagement à tenir les pièces détachées disponibles pendant dix ou quinze ans… – ne seront plus seulement présentées au consommateur au moment de l’achat ; elles suivront le produit pendant toute son existence. 

Cet outil pourra aussi être un précieux atout au service de l’allongement de la durée de vie des appareils à plusieurs niveaux. Tout d’abord, en facilitant la réparation par une identification plus aisée des pièces détachées dont la liste pourrait figurer dans le DPP. De la même manière, si une panne est récurrente, le réparateur pourra le visualiser en un clin d’œil. Si elle est liée à un défaut d’entretien, il pourra apporter des conseils personnalisés au consommateur sur ce point. 

À terme, quand de nombreux produits seront dotés d’un tel passeport, cela pourra en outre favoriser le marché de l’occasion dans la mesure où la traçabilité qu’il garantit fournit des indications sur l’âge d’un appareil, éventuellement sur son état et son historique. 

Enfin, le passeport peut faciliter le travail de tri des entreprises en charge de la collecte des équipements usagés, pour savoir lesquels peuvent prétendre à être reconditionnés. Enfin, au moment du recyclage, grâce au DPP, les opérateurs sauront immédiatement ce qu’ils ont à faire pour démanteler, dépolluer et revaloriser certaines matières.

Fnac Darty Passeport numérique
Le groupe Fnac-Darty propose déjà un passeport sur certains produits ; il a été développé avec ecosystem et Arianee.

Utile pour les pros mais aussi pour les consommateurs

Si les fabricants, distributeurs, réparateurs, reconditionneurs… Pourront consulter le passeport et y ajouter des événements tout au long de la vie de l’équipement, les particuliers auront aussi accès aux informations qu’il contient. Certaines lui seront même destinées, comme la notice et, surtout, une fiche d’entretien.

D’ailleurs, certains acteurs y voient déjà l’opportunité de développer des services. Les possibilités sont larges : commander des consommables voire certaines pièces détachées en un clic, prendre rendez-vous avec un réparateur en cas de panne, publier certaines informations émanant du passeport sur des sites spécialisés dans la vente d’objets d’occasion entre particuliers…

Darty Passeport Numérique
Darty compte sur le déploiement du passeport pour rassurer les consommateurs concernant les appareils de seconde main.

Déjà des passeports sur l’électroménager en France

On peut déjà voir certains passeports numériques en France, sur des appareils électroménagers, quelques entreprises ayant anticipé l’obligation légale en la matière. Le groupe Fnac Darty est le premier à avoir dégainé, en développant un passeport numérique en collaboration avec l’éco-organisme Ecosystem. Fin 2024, l’entreprise a mis en vente environ 4000 appareils électroménagers reconditionnés qui avaient connu une première vie originale. Ils avaient en effet équipé le Village des Athlètes pendant les Jeux olympiques de Paris 2024. Une occasion symbolique d’inscrire sur leur passeport cette première vie, mais aussi de montrer que, finalement, le DPP peut être créé à n’importe quelle étape du cycle de vie d’un appareil. D’ailleurs, le groupe a pour ambition de déployer petit à petit ce passeport sur tous les équipements électroménagers qu’il reconditionne puis à terme, également sur les équipements neufs (notamment ceux de sa marque Proline). Beko a suivi en annonçant doter d’un DPP semblable des milliers de produits neufs sortant de ses usines. Le passeport en question s’appuie sur la solution d’Arianee (une solution open source adossée à la blockchain), jeune entreprise spécialiste des passeports numériques, qui souhaitait initialement assurer la traçabilité de montres de luxe. 

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Article rédigé par
Alexandra Bellamy
Alexandra Bellamy
Journaliste